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L’enquête

Olivier Charbonnier directeur général du cabinet interface*

L’enquête | L’interview | publié le : 10.05.2016 | N. L.

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Olivier Charbonnier directeur général du cabinet interface*

Crédit photo N. L.

« Premier défi du DRH : s’attaquer au problème de la surcharge cognitive »

La diffusion d’un esprit digital dans les modes de travail et de gouvernance vous semble-t-elle en bonne voie ?

Il y a un fossé entre les discours et la réalité, parce que les entreprises restent descendantes et cloisonnées, organisées autour du contrôle de l’aléa et de la rationalisation. D’où la difficulté à passer d’une logique gestionnaire à une logique de prise de risques. Pour autant, les expérimentations stimulantes se multiplient, dans un esprit digital, horizontal, de test and learn, notamment en matière de formation, de recrutement ou de mobilité. Elles cohabitent avec des pratiques anciennes de mise en process et de reporting, qui restent nécessaires pour certains métiers ou certains pans de l’activité. La fonction RH doit accepter que cette évolution reste hybride, mais elle peut revenir sur le devant de la scène en accompagnant cette hybridation.

Quels sont les nouveaux défis digitaux pour la fonction RH ?

Premier défi, s’attaquer au problème de la surcharge cognitive, accentué par les outils numériques. Cela peut passer par des dispositifs d’assouplissement autour du temps de travail – sans pour autant tomber dans les pièges de la flexibilité –, du vivre-ensemble, des usages numériques… Deuxième défi, inventer de nouvelles formes de régulation autour du temps de travail, du lieu de travail, du management des dynamiques collectives – care, renforcement des rétributions collectives… –, etc. Troisième défi : réfléchir à la mise en scène numérique de chaque salarié, aux enjeux d’e-reputation mais aussi de protection de la vie privée, qui en sont le corollaire. L’exploitation des big data RH, opportune à certains égards, doit aussi s’accompagner d’un regard critique de la fonction RH pour ne pas céder à la tentation de solutions digitales clés en main. Enfin, les DRH ont un nouveau rôle à jouer en matière de transformation des espaces de travail : c’est la façon la plus visible et la plus impliquante de mettre le travail en débat, d’incarner l’identité au travail et de donner aux salariés les moyens d’être cette fois vraiment acteurs de leur travail.

L’évolution des pratiques managériales est essentielle. Comment l’encourager et l’accélérer ?

Le management n’est que le marqueur des pratiques de gouvernance. Il continue à beaucoup prescrire, contrôler et reporter, même s’il s’accroche au discours d’agilité, d’innovation et de coopération. Les ressources humaines ont tout à gagner à stimuler les expérimentations et à les soutenir ; à se départir d’une vision trop élitiste des talents afin d’embarquer tout le monde dans les transformations digitales ; enfin, à faciliter et valoriser l’hétérogénéité dans les équipes et les modes de travail.

Mais il y a deux prérequis en termes de gouvernance : davantage de prise de risques assumée par les dirigeants pour accompagner cette hybridation de l’activité et un encadrement des écarts de richesses et de revenus dans l’entreprise, parce qu’ils minent le pacte social.

* Coauteur, avec Sandra Enlart, des ouvrages À quoi ressemblera le travail demain ? (éd. Dunod, 2013) et Quelles compétences pour demain. Les capacités à développer dans un monde digital (éd. Dunod, 2014).

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  • N. L.