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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 14.06.2016 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Déconnecte-toi toi-même !

Alors que le droit du travail a occupé le devant de la scène lors du premier semestre (grâce ou à cause du projet de loi El Khomri), il n’est pas inutile de rappeler que… le droit ne peut pas tout. Sans doute attendons-nous trop des législateurs et du Code du travail alors qu’ils ne peuvent pas tout régir. Une partie des solutions est en chacun de nous.

Prenons le cas du “droit à la déconnexion” qui a justement été intégré à cette loi travail. L’objectif est d’inciter employeurs et employés à discuter régulièrement ensemble de l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés.

Toutefois, la possibilité d’éteindre son smartphone professionnel et la restriction des e-mails envoyés le week-end ne garantissent pas une pleine déconnexion. Car, à côté des outils numériques, on oublie que notre principal outil de travail demeure le cerveau. Or ce dernier ne se déconnecte pas sur commande : il est parfois difficile à mettre en veille, comme en témoignent par exemple les insomnies liées à des soucis professionnels. C’est ainsi qu’avoir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ne dépend pas uniquement du temps de travail, mais aussi de la capacité à se couper de celui-ci pendant ses temps de repos.

Brandon Smit, chercheur en sciences de l’information à Ball State University, aux États-Unis, s’est précisément intéressé à ces pensées négatives liées au travail, qui resurgissent tout à coup et gâchent parfois notre temps libre. Il livre les résultats de son étude auprès de 103 salariés dans un des derniers numéros du Journal of Occupational and Organizational Psychology.

Il note tout d’abord que ce sont avant tout les objectifs quotidiens non atteints qui nous perturbent, c’est-à-dire tout ce que nous n’avons pas réussi à éliminer de notre “to do” liste. À moins d’être considérées comme peu importantes, ces tâches non accomplies risquent d’être intrusives et, au besoin, de nous faire culpabiliser. Sans surprise, elles perturbent surtout ceux qui sont les plus impliqués et engagés au travail. Au contraire, les salariés démotivés dorment plus facilement sur leurs deux oreilles, y compris quand ils se remémorent un objectif non réalisé.

Que faire pour se débarrasser de ces pensées envahissantes (sachant que la réponse « se désengager au travail » ne sera pas acceptée) ? Brandon Smit incita une partie des participants à prendre plus pleinement conscience de ces pensées intrusives qui trottent dans leur tête. Ensuite, à chaque fois que l’une d’elles s’immisçait dans leur cerveau, les participants devaient planifier très précisément où, quand et comment ils effectueraient cette tâche qu’ils n’avaient pas eu le temps ou qu’ils avaient oublié d’accomplir. Il est alors apparu qu’une fois que ces participants avaient visualisé quand ils feraient ce qu’il leur restait à faire, leurs pensées involontaires se calmaient, comme si ces tâches avaient réellement été effectuées.

Il ne s’agit pas ici d’opposer les nécessaires régulations sociales (à travers des lois, des accords collectifs, des arrangements managériaux, etc.) et les régulations individuelles, mais de rappeler qu’il serait vain de ne chercher à se reposer que sur les premières. Il revient aussi à chacun d’apprendre à se connaître et à se maîtriser pour savoir se déconnecter de son travail.

Auteur

  • Denis Monneuse