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Le suivi médical : les nouvelles règles s’imposent

Zoom | publié le : 10.01.2017 | Rozenn Le Saint

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Le suivi médical : les nouvelles règles s’imposent

Crédit photo Rozenn Le Saint

Depuis le 1er janvier 2017, un nouveau suivi médical est instauré : les visites n’auront plus lieu tous les deux ans comme jusqu’à présent, mais tous les trois à cinq ans, selon le poste occupé. La plupart ne seront pas effectuées par un médecin mais par un membre de son équipe pluridisciplinaire.

Face à la pénurie de médecins du travail actuelle et à venir, il était urgent de procéder à une réforme. Les projections prévoient qu’ils ne soient plus que 2 500 en 2020, soit moitié moins qu’aujourd’hui… Par ailleurs, seulement 3 millions de visites d’embauche ont eu lieu en 2015 sur les 20 millions de recrutements réalisés, selon le ministère du Travail. Avec une profession vieillissante qui n’arrive plus à attirer les internes, la réforme, introduite dans la loi Travail et précisée dans un décret publié le 29 décembre, entend d’abord alléger les obligations réglementaires pour libérer davantage de temps aux médecins du travail.

Leur confier uniquement le suivi des cas les plus à risques est une première solution pour atteindre cet objectif. Pour la plupart des salariés en effet, la visite d’embauche, rebaptisée d’« information et de prévention » pourra être menée par n’importe quel membre de l’équipe pluridisciplinaire, que ce soit l’infirmier ou l’interne en médecine. À eux de renvoyer vers le médecin du travail quand ils l’estiment nécessaire. La visite devra avoir lieu à chaque embauche, dans un délai qui n’excède pas trois mois après l’arrivée du salarié dans l’entreprise, précise le décret d’application.

La mesure, appréciée dans l’ensemble, soulève néanmoins la question de la formation des infirmiers. « Si la loi indique qu’il faut qu’ils aient reçu une formation la première année qui suit leur embauche, elle ne définit pas spécifiquement laquelle », reproche Jacques Darmon, médecin du travail à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris. « La formation des infirmiers en santé au travail devrait être diplômante et ils devraient être davantage protégés pour éviter d’être soumis aux pressions des employeurs », estime Bernard Salengro.

À l’ACMS, service interentreprises de santé au travail francilien dirigé par Bernard Gaïsset, l’organisation pluridisciplinaire est déjà opérationnelle. Ainsi, « nous répondons au mieux aux besoins des salariés, qui nécessitent des conseils médicaux, techniques, concernant l’ergonomie de leur poste, notamment, et aux attentes d’ordre social, liées à l’impact de la précarité sur l’état de santé », affirme le directeur. Selon lui, « la réforme permet de passer d’un examen systématique, puisque nous devions faire la même chose pour tout le monde, avec un formalisme impossible à respecter, à un meilleur ciblage des salariés à suivre prioritairement, comme ceux atteints de maladies chroniques ». Par ailleurs, Bernard Gaïsset estime que le protocole donné à l’infirmier lui permet de détecter un problème de santé lors de la visite à l’embauche et d’orienter vers le médecin quand cela s’avère nécessaire. Cela laissera davantage de temps au médecin pour mieux connaître le milieu dans lequel évoluent les salariés, et pour « mieux prévenir les risques professionnels grâce à l’apport de chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire », vante-t-il. Une complémentarité des compétences des équipes de santé au travail comme garantie à un suivi davantage personnalisé pour l’ensemble des travailleurs.

Car, au lieu d’une visite tous les deux ans pour tous les salariés, l’article 102 de la loi du 8 août 2016 prévoit de passer à une consultation tous les cinq ans seulement, pour la majorité des salariés. Pour ceux occupant un poste à risques, ce sera tous les quatre ans au maximum. Il s’agit des salariés dont le poste est à risque pour leur propre santé, pour celle de leurs collègues ou pour l’environnement. Ce pourrait être le cas pour certains postes sur les chantiers ou dans les transports publics par exemple. Alors que les professionnels attendaient du décret d’application une liste précise des postes à risques qui bénéficieront d’un suivi renforcé, le texte mentionne seulement ceux exposés à l’amiante, au plomb, aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ou encore au risque hyperbare. Il reviendra à l’employeur de compléter cette liste. « Pourquoi pas, cela se fera au plus près du terrain, au moins », commente Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH.

Des salariés au suivi renforcé

Les salariés handicapés, ceux exerçant de nuit ou titulaires d’une pension d’invalidité bénéficieront d’un suivi médical renforcé, avec des visites tous les trois ans au maximum. Pour ceux-là, la loi prévoit que le médecin du travail procède à un examen médical d’aptitude qui sera réalisé avant l’embauche et renouvelé périodiquement. Celui qui échoue à cet examen ne pourra pas exercer. Cette catégorie de salariés sera donc davantage surveillée que les autres. D’où les protestations du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), qui craint de voir les médecins du travail assimilés à des « contrôleurs » voués à pratiquer une « médecine de sélection ».

Bernard Salengro, secrétaire national confédéral en charge de la santé au travail à la CFE-CGC, s’alarme quant à lui du laps de temps trop long entre deux visites « qui empêchera les professionnels de la santé au travail de détecter les maux de plus en plus fréquents dans l’entreprise comme les risques psychosociaux ».

Du côté de l’ANDRH, ce qui coince surtout c’est le fait « qu’il y [ait] autant de délais différents ». « Cela ne simplifie pas les choses », note Jean-Paul Charlez. Néanmoins, même si cela demandera un changement d’organisation pour convoquer les salariés en fonction de leur « catégorie », « ce sera davantage pertinent que de les convoquer automatiquement », estime-t-il.

« Le risque majeur est que cette activité de contrôle embolise l’agenda du médecin du travail pour le plus grand profit de la sécurisation juridique de l’employeur, craint quant à lui Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du SNPST. Et quid des petites entreprises sans service de ressources humaines ou de prévention ? Elles ne seront pas en mesure de définir des postes à risques supplémentaires, cela sera inévitablement source de contentieux. » « Les petites entreprises pourront se servir d’outils préparés par les branches », rétorque Jean-Paul Charlez. À l’aide des fameux référentiels destinés à faciliter la mise en application du compte pénibilité ? « Pour davantage de cohérence et de simplicité, le décret relatif aux postes à risques aurait pu reprendre les critères de pénibilité », admet le président de l’ANDRH. Car parmi ceux mentionnés, seul le travail en milieu hyperbare en fait partie.

Auteur

  • Rozenn Le Saint