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Enquête : Les Français aiment leur travail, mais en souffrent

La semaine | publié le : 21.03.2017 | Virginie Leblanc

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Enquête : Les Français aiment leur travail, mais en souffrent

Crédit photo Virginie Leblanc

Les salariés du privé et les fontionnaires apprécient leur travail même si celui-ci peut provoquer des atteintes graves à la santé, par son intensification et par la charge excessive imposée. C’est le message central délivré par une vaste enquête de la CFDT, dévoilée le 16 mars.

Les Français aiment leur travail, ils en sont même fiers et se sentent utiles. C’est l’un des premiers enseignements de l’enquête « Parlons travail », réalisée en ligne par la CFDT, entre le 20 septembre et le 31 décembre 2016. Une étude sans précédent : plus de 200 000 personnes y ont répondu et 20,4 millions de réponses ont été collectées (lire l’encadré Méthodologie).

Non seulement 77 % des répondants disent aimer leur travail, 70 % affirment « rigoler souvent au travail », mais une majorité (54 %) déclare aussi ne pas travailler avant tout pour empocher le plus d’argent possible. S’ils gagnaient au Loto ? 39 % continueraient quand même à travailler !

Évaluer la charge de travail.

Dans le même temps, et « c’est là l’ambivalence du travail, souligne Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, ils pointent des problèmes d’intensification : 51 % jugent leur charge de travail trop importante. »

Afin de l’évaluer plus précisément, les chercheurs ont retenu quatre critères d’analyse de la charge de travail : pouvoir prendre tous ses congés et RTT (71 %) ; avoir une quantité de travail modérée (47 %) ; ne pas se voir fixer des objectifs intenables ou rarement (78 %) ; avoir le temps de faire correctement son travail (42 %). Verdict : 29 % seulement remplissent ces quatre conditions témoignant d’une situation « normale ».

Effet immédiat sur la santé : ceux qui ne remplissent aucune des conditions sont 64 % à mal dormir à cause de leur travail, contre 16 % de ceux qui ont une charge de travail normale.

Plus d’un tiers des répondants considèrent que leur travail nuit à leur santé. Plus encore, « les travailleurs peu qualifiés, ouvriers ou employés, ou gagnant moins de 2 000 euros, sont environ 40 % à dire que le travail les délabre », souligne le rapport d’analyse.

Sur l’ensemble des répondants, 44 % disent ressentir des douleurs physiques à cause de leur travail. Dans ce contexte, 97 % des personnes interrogées considèrent qu’il est juste de tenir compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite, un thème cher à la CFDT qui souhaite développer le C3P comme dispositif de prévention et de réparation de la pénibilité, alors même qu’il est toujours contesté par le patronat.

Du côté de la santé psychique, les indicateurs donnent l’alerte également : 36 % déclarent avoir fait un burn-out (à interpréter plus largement comme des épisodes graves de souffrance au travail et de dépression, et non strictement comme un burn-out) ; 34 % dorment mal à cause de leur travail et 25 % disent aller souvent au travail avec une boule au ventre. L’analyse des résultats révèle aussi un recours aux médicaments plus fréquent pour ces travailleurs.

L’organisation en question.

Seconde source de mal-être au travail : le manque d’autonomie. Les travailleurs sont largement demandeurs (74 %) de marges de manœuvre pour organiser leur activité. En recoupant trois critères – organisation de son planning de travail assez en amont, impression de ne pas être une machine, possibilité de mettre ses propres idées en pratique –, les chercheurs déduisent que seuls 27 % des répondants remplissent ces trois critères d’un niveau d’autonomie normal. « Nous sommes persuadés que le nœud du problème réside dans la capacité à négocier sur l’organisation du travail et la QVT au plus près du terrain, affirme Laurent Berger. Suite à l’ANI sur la QVT, il y a eu des avancées, mais c’est encore trop lent car les patrons sont jaloux de leurs prérogatives sur l’organisation du travail. » Après les grandes entreprises, souligne Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT, « il faut maintenant que le sujet touche le tissu de PME. » Un chantier cher à la CFDT.

Par ailleurs, l’enquête a permis de voir émerger des aspirations des travailleurs à une participation accrue aux décisions qui affectent l’entreprise ou l’administration (73 %). « Le modèle de l’entreprise verticale est périmé, observe Laurent Berger. Ils recherchent aussi plus de reconnaissance individuelle et collective. »

Forte de ces résultats, la CFDT a élaboré un manifeste pour le travail (lire l’encadré ci-dessus). Des kits d’animation sont aussi mis à la disposition des sections syndicales ou structures interprofessionnelles qui souhaiteraient organiser des rencontres sur ce thème, avec des résultats régionaux consolidés. Par ailleurs, Pierre Rosanvallon, professeur au collège de France, a proposé à la CFDT de lui confier son site « Raconter la vie », qui s’intitulera désormais « Raconter le travail ».

Méthodologie

Il s’agit d’une enquête en ligne de 172 questions sur de nombreux thèmes (temps de travail, santé, stress, parcours professionnel, chômage, salaires, discriminations, syndicats, etc.), avec des variantes selon le statut du répondant (salarié, indépendant, chômeur, retraité…), dont les résultats ont été analysés dans un rapport par Marie-Anne Dujarier (sociologue), Céline Mardon et Serge Volkoff (statisticiens et ergonomes).

Les actifs en emploi précisaient leur type de contrat : agent de la fonction publique ou salarié du privé, en CDI, CDD, intérimaire, apprenti, stagiaire, ou à son compte. Les données de notre article concernent la fonction publique et les salariés du privé. Afin de mieux équilibrer l’échantillon (38 % d’adhérents CFDT, 7 % d’adhérents à un autre syndicat, 55 % non syndiqués), des redressements ont été opérés. L’échantillon est donc pondéré, mais non représentatif de la population salariée en France. « On peut seulement assurer qu’il présente une structure convenable au regard des variables sociodémographiques de base », précisent les auteurs du rapport.

Tous les résultats et le manifeste sur www.parlonstravail.fr

Auteur

  • Virginie Leblanc