logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Udo Rehfeldt chercheur à l’institut de recherches economiques et sociales (IRES)

L’enquête | L’interview | publié le : 02.05.2017 | E.-F.

Image

Udo Rehfeldt chercheur à l’institut de recherches economiques et sociales (IRES)

Crédit photo E.-F.

« Les accords transnationaux restent des gentlemen’s agreements »

Quels sont les enjeux de la création d’un cadre juridique pour les accords d’entreprise transnationaux ?

Les enjeux diffèrent selon qu’on parle des accords-cadres internationaux (ACI) ou des accords-cadres européens (ACE). Les accords internationaux portent en général sur le respect des droits fondamentaux des salariés et sont signés par des entreprises européennes. Ces droits étant globalement respectés en Europe, l’enjeu prioritaire, pour les syndicats internationaux, n’est pas leur sécurité juridique. Ils y voient plutôt un moyen de maintenir un dialogue avec les directions d’entreprises afin de traiter les problèmes qui peuvent survenir.

Les accords européens portent sur des sujets plus variés et plus précis, notamment les restructurations et l’emploi. Dès lors, il devient important, pour les syndicats, de disposer d’un cadre juridique propre à assurer la sécurité de l’accord. Le plus abouti dans ce domaine est l’accord européen sur les restructurations de General Motors (2004), qui a ensuite été décliné en accords nationaux.

Quel est le point de vue des employeurs sur un éventuel cadre pour les accords transnationaux ?

La Commission européenne tente depuis 2004 de faire aboutir un “cadre juridique optionnel” pour les accords transnationaux. Mais ce projet a échoué du fait d’un désaccord entre les syndicats et le patronat. Les premiers y sont favorables mais pas les seconds. L’argument de Business Europe est que s’il existait un cadre contraignant, les entreprises hésiteraient à s’engager dans des accords transnationaux. C’est assez difficile à comprendre dans la mesure où le cadre juridique serait optionnel. Il est vrai, aussi, que l’absence de cadre juridique n’empêche pas le dynamisme de la négociation transnationale, mais je pense qu’un cadre ne l’empêcherait pas non plus. Pour l’heure, les accords transnationaux restent donc des gentlemen’s agreements.

Quelles sont les pratiques des partenaires sociaux pour valider les accords transnationaux ?

Il existe actuellement (fin 2015) environ 295 accords transnationaux d’entreprise : 156 accords-cadres internationaux et 139 accords-cadres européens. Les accords internationaux ont été signés par les fédérations syndicales internationales ; les comités d’entreprise européens (CEE) ont cosigné 15 % d’entre eux.

À l’inverse, on retrouve la signature du comité d’entreprise européen sur 71 % des 139 accords européens. Dans 48 % des cas, le CEE a signé seul. Mais on trouve aussi, depuis quelques années, des accords européens signés par les seules fédérations européennes (14 %). Il s’agit en général d’accords signés avec des multinationales françaises. Les multinationales allemandes signent de préférence avec le CEE.

Les comités d’entreprise européens jouent un rôle important dans la négociation des ACI et mais aussi dans le suivi des accords, les fédérations syndicales internationales ne disposant pas toujours du personnel nécessaire pour assurer ce suivi.

Les CEE signent finalement beaucoup d’accords seuls. Comment les syndicats vivent-ils cette situation ?

Les syndicats ont d’abord concentré leurs efforts, après l’adoption de la directive CEE en 1994, sur la mise en place du plus grand nombre possible de comité d’entreprise européen, tout en critiquant leurs insuffisances de fonctionnement, notamment le manque de consultation réelle en cas de restructuration. Ce n’est qu’à partir de 2006, au moment de l’adoption, par la Fédération européenne des métallurgistes (FEM), de règles internes de négociation, qu’ils réclament un rôle exclusif pour la signature d’accords, acceptant toutefois qu’un CEE puisse s’impliquer dans le processus de négociation, notamment à travers un « groupe de coordination syndicale », comme celui qui a été pour la première fois mis en place chez General Motors Europe en 2004.

Auteur

  • E.-F.