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La chronique juridique d’avosial

Tendance | publié le : 05.09.2017 | Frédéric Calinaud, Alexandre Veran

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Frédéric Calinaud, Alexandre Veran

Quel avenir pour le statut d’indépendant sur les plateformes de livreurs et chauffeurs privés ?

Les récentes affaires opposant les chauffeurs et livreurs « travailleurs indépendants » aux plateformes d’intermédiation, sur la définition des relations contractuelles qui les unissent, interrogent sur l’avenir du statut, d’autant que le législateur avance lentement pour faire évoluer le droit du travail à l’ère du numérique.

Rappelons que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs indépendants.

En effet, les chauffeurs sont considérés par les plateformes comme des travailleurs indépendants ou des sous-traitants, qualification qui permet d’échapper à l’application du droit du travail et au paiement des cotisations sociales.

Même s’il semble que les revendications principales des chauffeurs et livreurs soient une meilleure “rémunération”, et de meilleures conditions de travail, ils peuvent toutefois trouver un intérêt dans l’action en “requalification” en contrat de travail, afin de bénéficier du statut protecteur applicable aux salariés. L’Urssaf a également naturellement un intérêt à une telle requalification. Dans ce contexte, la sanction peut donc être sévère, et ce d’autant que la requalification prononcée dans un cas individuel peut révéler un problème systémique dans les relations entre la plateforme et les travailleurs.

Le Conseil de Prud’hommes de Paris a déjà été saisi du sujet, notamment dans une affaire concernant la société Voxtur (LeCab), où il a considéré que la relation qui liait une plateforme au chauffeur « ne relevait pas de la libre entreprise mais du salariat et qu’il convient sur cette période de retenir l’existence d’un contrat de travail » (jugement du 20 décembre 2016). Les juges ont fondé leur argumentaire sur deux éléments clés, à savoir la dépendance économique et l’exclusivité imposée, de sorte que le statut d’auto-entrepreneur « indépendant » n’était selon eux qu’une façade. De nombreuses nouvelles saisines sont annoncées.

Il n’en faut pas plus pour s’interroger sur l’avenir du statut des travailleurs indépendants sur les plateformes de livreurs et de chauffeurs privés. Cette question trouve tout son sens au regard des nombreux événements qui ont émaillé l’actualité (fronde des chauffeurs VTC et Uber, contestations des livreurs Deliveroo, action de l’Urssaf contre Uber, etc.). Sur le strict plan contractuel, il n’existe pas de contrat approprié aux exigences particulières de ces plateformes, d’autant que législateur et gouvernement tâtonnent sur la clarification de ce statut.

En effet, la loi El Khomri (et son décret d’application du 4 mai 2017) définit les prémices d’une « responsabilité sociale » pour les plateformes en ligne qui fixent unilatéralement les caractéristiques et le prix de la prestation (telles que Uber, LeCab, Deliveroo…). Il est désormais imposé à la plateforme de contribuer aux cotisations accidents du travail et aux cotisations formation professionnelle du travailleur indépendant dans la limite de certains plafonds.

S’il s’agit d’une avancée sur la création d’un statut hybride, elle est aujourd’hui limitée de sorte que les juges n’ont pas de solutions juridiques « alternatives » face à une demande de requalification. Par ailleurs cette avancée est critiquable dans la mesure où ces avancées législatives tendent à réduire la frontière entre auto-entrepreneurs et salariés.

Or, les plateformes de mise en relation présentées à leur origine comme de simples activités complémentaires et collaboratives pour le prestataire sont devenues aujourd’hui des pourvoyeurs d’emplois à temps plein. Dans ces circonstances, et face à l’ampleur qu’a pris le phénomène, des solutions juridiques innovantes doivent voir le jour pour s’adapter à cette nouvelle économie du numérique. À défaut, l’avenir semble sombre pour leur modèle économique.

Auteur

  • Frédéric Calinaud, Alexandre Veran