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International : Le Canada mise sur l’emploi des seniors

L’actualité | publié le : 01.01.2018 | Ludovic Hirtzmann

Au Canada, non seulement être un travailleur âgé n’est pas un handicap, mais c’est aussi un atout pour certains patrons qui courtisent les plus de 60 ans, jugés plus flexibles et courtois.

À Montréal, pour les familles le week-end, tout commence souvent au Canadian Tire, un immense supermarché mêlant bricolage et mobilier de maison. Plutôt que d’aller vers un jeune employé, un couple se dirige vers un salarié au polo rouge, l’uniforme de l’entreprise. L’employé approche les 70 ans. L’homme confie qu’il travaille là depuis quelques années et qu’il ne compte pas prendre sa retraite de sitôt. Les clients, eux, préfèrent opter pour un travailleur âgé, jugé plus expérimenté. Dans une autre grande chaîne canadienne de bricolage, Rona, le gérant d’un magasin du centre-ville de Montréal explique que les « aînés », comme on appelle les seniors au Québec, passent mieux auprès de la clientèle, qui identifie à la fois expérience, compétence et gentillesse. Au point que l’entreprise embauche de préférence des aînés dans ses magasins de bricolage, généralement de petites surfaces. Les seniors sont très recherchés et certaines entreprises, celles pour qui le contact avec le public est essentiel, préfèrent souvent employer des gens dans la soixantaine.

La situation des travailleurs plus âgés est donc très différente entre le Canada et la France. Selon l’institut national Statistiques Canada, 13,7 % des Canadiens âgés de plus de 65 ans étaient encore sur le marché du travail en 2016 contre seulement 6,1 % en 2001. Ce phénomène est accentué par la pénurie de main-d’œuvre. Le chômage n’était que de 5,4 % au Québec en novembre 2017. La professeure Tania Saba, titulaire de la chaire BMO en diversité et gouvernance de l’Université de Montréal, confie : « On assiste à l’émergence d’un nouveau phénomène important, celui du retour au travail après la retraite (emplois de transition ou Bridge Employment). Les retraités se déclarent à la retraite et ils retournent sur le marché du travail pour occuper des emplois dans leur domaine, dans d’autres domaines, à temps plein ou partiel et même des emplois de travailleurs autonomes. »

Tania Saba précise : « Plus les départs à la retraite se font de manière précoce, (avant 60 ans) plus le taux de retour au travail est important. Il atteint jusqu’à un retraité sur quatre qui fait le choix de retourner sur le marché du travail. » L’importance de l’emploi des seniors au Canada s’explique aussi socialement. La notion d’âge n’existe pas au Canada pour dénicher un emploi. Les aînés sont respectés et cela n’est pas uniquement dû au politiquement correct. L’âge n’est pas un handicap. Les recruteurs, pragmatiques, jugent quelqu’un en fonction de ses compétences, non de son âge. D’autant que les seniors conviennent aux entreprises canadiennes. Ils nécessitent peu de supervisions. Ils sont autonomes. Ils ont besoin de peu de formation et ils transmettent leur savoir aux jeunes. Les aînés demandent en revanche plus de souplesse dans leurs horaires de travail. Certaines sociétés ont ainsi adapté leurs conventions collectives, prévoyant une adaptation du temps de travail pour les travailleurs plus âgés. La professeure Saba souligne : « Le prolongement de la vie professionnelle et le retour au travail se justifient pour des raisons financières, sociales, mais également parce que la retraite, comme mode de vie, ne convient pas nécessairement. »

L’exception des cadres trop coûteux

Travailler à l’âge de la retraite n’est pas toujours un choix. L’espérance de vie augmente, mais les retraites sont peu élevées au Canada par rapport au reste de l’OCDE. Il est fréquent de voir des aînés ramasser des canettes de bière consignées dans les poubelles pour les revendre afin d’améliorer leur maigre pension. D’autres en revanche, qui aimeraient continuer à travailler, se font montrer la porte car ils coûtent trop cher à l’entreprise. « J’ai travaillé toute ma vie comme ingénieur spécialisé dans le génie civil dans le privé. Lorsque j’ai atteint 60 ans, je suis devenu enseignant à l’Université du Québec, mais vers l’âge de 67 ans, on a commencé à me pousser vers la porte, parce que je coûtais trop cher », confie Sylvain, aujourd’hui retraité. « J’ai peut-être aussi fait l’erreur de demander à réduire mon temps de travail à deux journées par semaine », conclu le retraité, un brin amer.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann