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Être éthique dans un univers qui ne l’est pas ?

Chroniques | publié le : 19.02.2018 |

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Être éthique dans un univers qui ne l’est pas ?

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Philippe Détrie La maison du management

Première assertion : notre monde n’est pas éthique.

La loi du plus fort domine toujours (l’argent remplace peu à peu les armes), les richesses sont très inégalement partagées, nous vivons comme des repus à côté de 800 millions de personnes qui souffrent de la faim, les réseaux sociaux sont une zone de non-droit amplifiant polémiques et fake news…Notre monde n’est ni éthique, ni moral, ni juste. Nous partons de loin.

L’entreprise n’est pas non plus éthique par nature.

« Pour réussir en affaires, ce n’est pas de l’esprit qu’il faut, c’est de la délicatesse qu’il ne faut pas », écrivait le chevalier de Brienne en 1758. Juste un exemple : LVMH dont la France est très fière achète sans se déclarer plus de 10 % du capital d’Hermès ; il écope d’une amende de huit millions d’euros par l’AMF, ce qui reste une broutille face au milliard de plus-value attendue. Quelle est la morale de l’histoire ? L’habilité commerciale ou financière s’appuie souvent sur une éthique élastique : parler d’éthique commerciale est un oxymore, on baigne dans l’obscure clarté de la lune !

L’entreprise qui voudrait mettre l’éthique au service de sa performance ou de sa compétitivité ferait un contre-sens. L’éthique est désintéressée, elle ne paie pas, elle a comme seul but que chacun puisse agir selon sa conscience et ses valeurs, ce qui peut léser les intérêts financiers de l’entreprise et parfois ses propres intérêts ! Tant mieux si cela produit plus de confiance et de respect des parties prenantes et moins de démotivation et de perte d’image, mais l’éthique privilégiera toujours la liberté à la rentabilité.

Bien sûr, l’entreprise peut donner un cadre.

L’entreprise adoptera selon ses spécificités une éthique de conformité (respect des lois), de marketing (maîtrise des risques) ou d’engagement (conviction). Elle formulera une charte très appréciée par toute autorité de contrôle, elle intégrera dans ses process RH la valeur éthique et formera à partir de situations très concrètes ses managers à commencer par ses dirigeants. Elle communiquera un peu mais pas trop parce qu’on a vite fait d’être « pris par la patrouille ».

L’éthique relève d’abord de la conscience individuelle.

Il est utile que l’entreprise donne des repères explicites. Comte-Sponville écrivait que « la morale commande, l’éthique recommande ». L’individu pour décider reste souvent seul au bout du compte. La désobéissance à la règle peut même devenir le choix le plus éthique : le citoyen qui enfreint la loi pour accueillir un migrant qui meurt de faim et de froid est-il si condamnable que ça ?

On reconnaîtra un manager éthique à la confiance qu’il inspire (sécurité psychologique), à sa cohérence (comme me disait un ami corse, entre le dire et le faire, il y a la mer !) et à son courage.

Que peut faire un manager face à un manque d’éthique ?

1. En parler en interne pour vérifier le manque d’éthique, dialoguer : est-ce conforme à mes valeurs et à celles de l’entreprise ? Que se passerait-il si cela s’apprenait ?

2. Alerter, ce qui reste encore difficile en France car trop proche de la dénonciation : la sécurité psychologique n’est pas toujours présente.

3. Et si le manque d’éthique devient insupportable et si vous êtes courageux, refuser la compromission et peut-être démissionner. Einstein nous y incite : « Ne faites jamais rien contre votre conscience, même si l’État vous le demande. »

Sommes-nous assez forts intérieurement pour vivre une éthique engagée ?

La conscience de l’acuité des problèmes et de leur urgence à être résolus s’arrête souvent à la porte de notre indifférence. Honnêtement, combien de fois laissons-nous faire des choses que nous savons répréhensibles mais que nous éloignons de nous-mêmes comme pour ne plus les voir ? Allez courage, et puisqu’un faisan est aussi un « individu qui vit d’affaires louches », lançons une alerte collective avec le hashtag #Balancetonfaisan