logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 25.06.2018 | Denis Monneuse

Image

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Les femmes n’ont pas de baguette magique

On dit souvent qu’il est plus difficile d’être une femme qu’un homme parce que les femmes subissent plus de pression sociale. Il est vrai qu’on leur demande d’être à la fois d’excellentes mères, épouses, filles, amies, etc., tandis que l’on pardonne plus de choses aux hommes qui ne cochent pas parfaitement toutes les cases.

Il en va de même dans la sphère professionnelle. Pour paraphraser la chanson, être une femme libérée au travail, tu sais, c’est pas si facile. En effet, les discours naturalistes qui associent des traits spécifiques à chaque sexe mettent en creux la pression sur les femmes, en particulier les femmes managers : elles devraient être plus bienveillantes, plus coopératives, consciencieuses ou encore plus ouvertes que les hommes puisque ce sont ces qualités qu’elles sont censées apporter dans les environnements de travail traditionnellement masculin. Ce sont généralement au nom de ces valeurs que l’on appelle à faire plus de place aux femmes dans les positions managériales.

Mais qu’est-ce qui change

concrètement dans une entreprise lorsque le nombre de femmes augmente dans les postes de direction ? Telle est la question que se sont posée quatre chercheurs avec à leur tête Anja-Kristin Abendroth, de l’université de Bielefeld, en Allemagne. Ils se sont interrogés en particulier sur les effets de cette féminisation sur les rémunérations. Leurs conclusions tirées à partir de données de plus de 94 établissements et 5 000 travailleurs allemands, ont été publiées dans la revue américaine Industrial and Labor Relations*.

Trois enseignements majeurs

peuvent être tirés de cet article. Il ressort tout d’abord que le plus grand accès des femmes aux postes à responsabilité a un effet réel mais limité sur la réduction des écarts de rémunération entre les sexes : cet écart diminue sur les postes peu qualifiés ; en revanche, il n’évolue pas sur les postes les plus qualifiés.

Ces quatre chercheurs

Notent ensuite qu’il existe une sorte de solidarité masculine en matière de rémunération puisque les hommes sont mieux rémunérés quand ils sont managés par un homme que par une femme. En revanche, l’effet inverse n’existe pas entre les femmes : une femme managée par une femme n’en tire pas de surcroît de rémunération.

Enfin,

l’étude met en avant que ce sont avant tout la mise en place de pratiques RH visant à promouvoir l’égalité salariale qui se révèle efficace pour réduire les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Autrement dit, il ne suffit pas de nommer plus de femmes managers pour que ces écarts de rémunération disparaissent d’un seul coup comme par enchantement. Il faut à la fois nommer plus de femmes à des postes à responsabilité et mettre en place des mesures RH efficaces.

Bref,

cet article ravira sûrement les femmes qui occupent des postes importants dans leur entreprise. D’un côté, elles ont un rôle à jouer pour contribuer à l’élimination des écarts salariaux non justifiés entre les sexes. De l’autre, elles ne peuvent être seules tenues responsables en cas de non-réduction de ces écarts : sans le volontarisme du département RH, leurs capacités d’action sont limitées.

* Abendroth, A. K., Melzer, S., Kalev, A., & Tomaskovic-Devey, D. (2017). Women at work : Women’s access to power and the gender earnings gap. ILR Review, 70, 190-222.

Auteur

  • Denis Monneuse