logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le fait de la semaine

Réforme : La prévention, le nouvel horizon de la santé au travail

Le fait de la semaine | publié le : 22.06.2020 | Gilmar Sequeira Martins

Image

Réforme : La prévention, le nouvel horizon de la santé au travail

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Les partenaires sociaux ont repris le lundi 15 juin les négociations sur la réforme de la santé au travail avec, en guise de fil rouge, une lettre d’orientation du ministère du Travail qui fixe la prévention comme le nouvel objectif du futur système.

Enfin. Les négociations sur la santé au travail ont redémarré. Inscrit à l’agenda présidentiel, ce thème a déjà fait l’objet en 2018 d’un rapport de la députée LREM Charlotte Lecocq, qui pointait les insuffisances et les incohérences du système actuel et appelait à une refonte complète. Mi-mai 2020, la parlementaire se fendait d’une tribune cosignée par 158 députés de la majorité appelant une fois de plus à une « grande réforme ». Début juin 2020, un rapport de l’Igas remuait de nouveau le couteau dans la plaie en soulignant que « malgré les réformes mettant l’accent sur l’utilisation efficiente de la ressource médicale et la prévention, les SSTI peinent à accomplir leurs missions de manière homogène. »

Depuis la semaine dernière, les partenaires sociaux sont de nouveau à pied d’œuvre pour rouvrir ce chantier rendu encore plus urgent par la crise sanitaire. Patronat et syndicats ont reçu auparavant un document d’orientation émanant du ministère du Travail qui insiste sur le rôle essentiel de la prévention en matière de santé au travail. Si l’impératif de prévention remporte tous les suffrages, l’ensemble des partenaires sociaux n’ont pas la même approche du sujet en rouvrant les discussions. Pour le Medef, le « principal objectif (…) est de renforcer le caractère opérationnel des politiques de prévention afin que les petites entreprises puissent en bénéficier ». « L’enjeu est d’améliorer et de décliner cette offre de service auprès de chaque TPE, souligne Diane Deperrois, coprésidente de la commission protection sociale du Medef. Nous sommes encore trop souvent dans des raisonnements “macro”, adaptés aux grandes entreprises, mais qui manquent de simplicité et ont du mal à se déployer dans les petites structures. »

Pour un droit d’implication

La CFDT déplore, de son côté, le peu de place réservé au dialogue social dans le document d’orientation. « Il est trop peu évoqué alors que la santé au travail est un sujet essentiel du dialogue social, indique Catherine Pinchaut, secrétaire nationale de la CFDT. Les partenaires sociaux ne sont pas cités, ni leur rôle précisé dans les entreprises et les branches. » Regrettant que le CSE ait fait passer les questions de santé et sécurité au travail « au second plan, à l’exception de la période de crise sanitaire » (lire également “Le Point sur” pages 10 à 13), elle juge cependant utile la référence à la QVT et appelle à aller plus loin : « Il faut traiter les aspects de qualité du travail, d’organisation et d’implication des travailleurs. L’ANI de 2013 prévoyait un droit d’expression des travailleurs, mais il a été peu mis en œuvre. Il faut aller vers un droit d’implication des travailleurs dans la QVT. »

La CGT manifeste de l’inquiétude à l’égard des lignes directrices fixées par le ministère du Travail. « Il s’agit visiblement de sécuriser en priorité le risque juridique des entreprises plutôt que de sécuriser le risque sur la santé des travailleurs », estime Jérôme Vivenza, dirigeant de la centrale de Montreuil. Se disant surpris de voir le document d’orientation mentionner le risque chimique, alors qu’il a été supprimé du compte pénibilité, il déplore qu’il soit mis en parallèle avec les valeurs limites d’exposition : « Il s’agit visiblement de réduire les seuils minimaux à respecter et de les uniformiser par le bas au niveau européen. » Il s’alarme aussi sur le risque chimique dit CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) : « Ils sont dangereux quel que soit le seuil d’exposition. Il ne faut pas que les travailleurs y soient exposés, car les conséquences sont imprévisibles. Parler de seuil pour les CMR n’a pas de sens. » Pour autant, le représentant de la CGT ne se montre « pas forcément pessimiste ». « Nous sommes obligés d’aboutir », reconnaît-il.

Pour le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), un tel optimisme n’est pas de mise selon son secrétaire général Jean-Michel Sterdyniak. En cause, les modalités des négociations actuelles, porteuses de dérives : « Le problème, c’est que la santé au travail devienne une variable d’ajustement entre partenaires sociaux qui négocient en fonction d’intérêts qui ne sont pas forcément centrés sur la santé au travail. On peut se demander si les stratégies d’appareil ne vont pas prédominer sur la santé au travail quand on voit que le coût prend une dimension essentielle. »

Un rapport de force inégal

Le dirigeant du SNPST se montre d’autant moins optimiste sur l’issue des négociations qu’il relève un rapport de force inégal entre parties prenantes : « Les organisations syndicales sont en position inférieure et arrivent divisées, certaines se trouvant à la limite du seuil de représentativité. Ce ne sont pas des conditions optimales pour aboutir à une véritable avancée en matière de santé au travail. » Les négociateurs déjoueront-ils ce pronostic pessimiste ? En tout cas, leur planning de travail est programmé jusqu’en novembre…

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins