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Métavers et réalités « étendues » s’inscrivent comme nouvelles frontières RH

Tendances | publié le : 29.05.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Espaces virtuels : Métavers et réalités « étendues » s’inscrivent comme nouvelles frontières RH

Espaces virtuels : Métavers et réalités « étendues » s’inscrivent comme nouvelles frontières RH

Crédit photo Pessin

Recruter, intégrer, former, accompagner… Le métavers et les réalités « étendues » (virtuelle et augmentée) commencent à peine à dévoiler leur potentiel. Les usages, pour l’heure très classiques, devraient s’étendre et donner une nouvelle dimension à la fonction RH.

À Dunkerque, la construction annoncée de deux sites de fabrication de batteries, impulsés par le Taïwanais ProLogium et le Français Verkor, a récemment fait l’actualité, avec la visite d’Emmanuel Macron sur place, notamment. « Le territoire dunkerquois vit une véritable mue. Des milliers d’emplois vont être créés, relève Bertrand Wolff, cocréateur d’Antilogy, une société spécialisée dans les expériences apprenantes et immersives. Dans le domaine du recrutement, nous accompagnons Alliance Emploi, un groupement d’employeurs qui compte une trentaine d’agences. » À Dunkerque, Antilogy compte ouvrir en septembre une salle immersive dans laquelle, grâce à des casques, des lycéens, des étudiants et des demandeurs d’emploi pourront découvrir les métiers que proposent les usines qui se créent autour de la ville. Cet espace immersif permettra de plonger les participants dans ce qui pourrait devenir leur futur quotidien et ainsi susciter des vocations. Autre avantage : étant mobile, cette salle peut aussi être utilisée dans des salons ou des forums de l’emploi.

Au-delà de faire découvrir de nouveaux postes, le métavers et les univers virtuels ont aussi leur intérêt dans les tâches déjà existantes et la formation en général. « Dans ce dernier domaine, le vrai bénéfice est apporté par la réalité virtuelle et/ou augmentée, qui permet de recréer des situations complexes et d’apprendre des gestes et des procédures spécifiques, indique la consultante Stéphanie Foäche, du cabinet Topics. Les entreprises y recourent déjà depuis une dizaine d’années car l’efficacité et la performance de cet apprentissage sont prouvées. Pour aller plus loin, certaines d’entre elles étudient l’idée de créer un espace persistant dans lequel les collaborateurs interagissent sous forme d’avatars. L’intérêt, dans ce cas, réside dans le fait d’avoir un lieu unique où tous les collaborateurs peuvent se retrouver. »

Levier de conduite du changement

Pour le recrutement, l’espace virtuel présente également de nombreux avantages. « Le coût dans un espace virtuel est plus faible. Il peut même être inférieur à 5 000 euros », poursuit-elle. Cela permet de disposer d’un espace de type auditorium, d’ateliers pour faciliter les échanges, et de réaliser des entretiens. « J’ai réalisé pour un client une opération de 15 000 euros qui a permis de customiser un espace à ses couleurs et ses messages clés en termes de marque employeur : innovation, RSE, sponsoring, RH. Au total, cela a permis d’accueillir 1 000 visiteurs uniques, de réaliser 6 400 interactions et de réaliser une centaine d’entretiens en quelques heures », enchaîne-t-elle.

La réalité virtuelle peut aussi être un levier de conduite du changement. Le cabinet Mazars compte ainsi l’utiliser dans le cadre du futur déménagement de la société. Les collaborateurs vont en effet intégrer en 2025 de nouveaux locaux situés à Levallois (Hauts-de-Seine). « Nous réfléchissons à la création d’un espace virtuel afin de proposer en 2024 à nos collaborateurs la visite virtuelle de leurs futurs espaces de travail, explique Julie Recalde, directrice développement RH et expérience collaborateur. Ce sera un levier pour la conduite du changement et puis aussi pour faire patienter les collaborateurs avant le déménagement… »

Enfin, le métavers et les « réalités étendues » laissent aussi entrevoir des perspectives en termes de développement de l’activité. C’est le cas au cabinet Mazars, qui a décidé de créer un « service Web3 » à l’échelle internationale. En France, l’équipe compte aujourd’hui une dizaine de consultants parmi lesquels d’anciens auditeurs, un ingénieur spécialisé dans la blockchain et un « évangéliste » Web3. Des recrutements sont par ailleurs en cours. Ce service poursuit plusieurs objectifs. « D’abord, définir le positionnement de Mazars sur le Web3 auprès des collaborateurs, et cela passe par de l’acculturation et de la formation, explique Julie Recalde. Ensuite, identifier les cas d’usages pour le cabinet en interne – dans ce cadre, le sujet RH est important pour nous – et enfin, définir le positionnement de Mazars vis-à-vis de notre marché, en construisant des offres clients en adéquation avec l’écosystème Web3 et l’expertise reconnue de Mazars. Le cabinet sera amené à accompagner des sociétés qui développent leur empreinte Web3, mais aussi à apporter son expertise à un écosystème innovant qui a besoin de se connecter à l’économie traditionnelle. » Mazars finance par ailleurs une chaire de recherche (TrustShare) en collaboration avec Telecom Paris et la Caisse des dépôts sur ce sujet.

Attention, toutefois, à ne pas céder à l’attrait « de la nouveauté pour la nouveauté », comme le dit Stéphanie Foäche. « Pour maximiser la réussite de ce type de projet, il faut le penser en termes d’usage et d’objectifs, assure-t-elle. Et bien analyser la façon dont les équipes travaillent dans la réalité pour déterminer ce qu’un espace virtuel peut leur apporter. » Autant dire que réel et virtuel sont appelés à entretenir une relation étroite et à fonctionner de concert.

Métavers… vraiment ?

Attention à l’abus de langage, prévient Alexandre Stourbe, directeur général du Lab RH… « Aujourd’hui, le terme métavers est utilisé dans le but d’attirer des talents vers un espace virtuel pour le recrutement, mais cela ne peut pas être vraiment qualifié de métavers. Pour que ce soit le cas, il faudrait que les compétences des candidats puissent être authentifiées à travers la blockchain et que les échanges n’aient pas lieu par visio, mais avec des casques immersifs. Les recruteurs y auraient un intérêt évident : les CV et les compétences seraient vraiment authentifiés. Rares sont aujourd’hui les recruteurs qui procèdent à des vérifications approfondies… Or nombre de candidats s’attribuent des diplômes, alors qu’ils ne sont pas allés au terme de leur cursus, ou ils allongent la durée de leurs expériences professionnelles pour réduire leurs périodes de chômage. La blockchain pourrait être un levier de fiabilisation du recrutement. À terme, la technologie de la blockchain sera aussi indispensable aux entreprises que le registre du personnel, en offrant la possibilité d’avoir des données authentifiées sur le parcours et les compétences des collaborateurs et des candidats. Le métavers réel verra le jour dans plusieurs années. Pour y arriver, il faudra passer du modèle totalement centralisé que nous connaissons aujourd’hui à un modèle décentralisé basé sur la blockchain et les DAO (Decentralized Autonomous Organisations). Cela se fera grâce à une prise de conscience des individus et des organisations. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins