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SANS

Ancien nourrisson ou futur vieillard ?

SANS | publié le : 12.03.2002 |

Jeune, il a déjà l'air vieux.

Compassé, terriblement sérieux, il m'explique que dans son métier, « il faut être crédible ». Pas question de faire des affaires avec ses clients sans prendre l'apparence d'un notaire de famille tout droit sorti de l'imagerie la plus provinciale. Pour l'apparence, c'est réussi. Supplément d'enquête, et je vérifie qu'à force de faire semblant, il est vieux pour de bon, dans sa tête.

Fin de cette première rencontre.

Vieux cherche à faire jeune, désespérément.

Lui, pour tenter de dissimuler l'abondance de ses heures de vol, m'explique avec une conviction un peu forcée tout l'intérêt qu'il porte, en vrac, aux NTIC, au rock alternatif, au surf, et aux rassemblements de rollers le vendredi soir. En sportwear branché en diable, le discman à portée de main et la calvitie bien dissimulée, il gère son équipe de jeunes vendeurs dans un bain de complicité un peu appuyée, mais efficace.

Pris à part, il cherche à me convaincre du bien-fondé de son attitude, dans cette grande organisation qui a vocation à « construire un avenir meilleur, dès maintenant ».

Je compatis. Pas drôle tous les jours, de construire un monde meilleur...

Troisième entretien, cette fois avec un directeur des ressources humaines, en pleine phase de recherche de l'équilibre de la pyramide des âges, qui lui est demandée par son conseil d'administration.

« Vous comprenez, on exige de moi de valoriser l'expérience de nos aînés et de préparer la suite en rajeunissant nos équipes, le tout en diminuant les effectifs. Vous avez une méthode ? »

Je le dis tout net : non, je n'ai pas de méthode.

Mais je crois qu'il s'agit moins de rechercher la méthode absolue pour empaqueter la réalité dans un emballage politiquement correct que de réfléchir à ce que nous sommes, à ce que nous allons devenir, et d'accepter ce que l'expérience nous démontre :

1 - Entre les jeunes déjà rassis et les aînés qui n'ont jamais pris le temps d'apprendre, il est largement démontré que l'âge ne devrait plus être utilisé comme un critère déterminant pour une fonction.

2 - Quand on aura enfermé dans le ghetto de leur club de gym et de leurs croisières culturelles tous les quinquagénaires, qui tiendra le magasin pendant ce temps ?

3 - Va-t-on laisser quelques trentenaires héroïques sponsoriser la génération qui les précède ?

4 - Quand une entreprise exige, encourage, ou tolère des comportements factices fondés sur l'âge et ses apparences, comment peut-elle se mettre à l'abri d'autres tricheries ?

Brassens avait raison : « Le temps ne fait rien à l'affaire ».

Vous connaissez la suite....