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« Changer le leadership des dirigeants est un sujet RH clé »

SANS | publié le : 12.03.2002 |

Convaincu que l'entreprise du futur reposera sur une culture des compétences et non du statut, le DRH d'Ernst & Young a mis en place une organisation RH capable de faire émerger et d'entretenir ces valeurs.

E & C : Vous êtes directeur de la stratégie des ressources humaines d'Ernst & Young en France. Pourquoi le mot "stratégie" ?

Pierre Hurstel : La volonté de nos dirigeants a été, il y a quatre ans, d'apporter cette dimension aux RH car ils souhaitaient que la société bouge et innove sur le champ humain. Le poste a été créé avec cette dimension d'innovation et de culture du changement et, chose nouvelle, avec un siège au comité exécutif. Une direction de la stratégie des RH, c'est le fait que les propositions, les recommandations d'un DRH viennent modifier le logiciel de management de l'entreprise dans la tête des dirigeants. Un DRH n'est pas quelqu'un qui règle des questions pour assurer le calme social. Il est là pour que les dirigeants aient une puce dans leur système d'exploitation qui fasse que le facteur humain alerte en permanence leur comportement quand ils prennent des décisions opérationnelles.

E & C : Qu'est-ce qu'une "organisation du futur" ?

P. H. : C'est une entreprise capable de réorganiser ses hiérarchies toutes les deux heures. C'est une entreprise qui a quitté une culture statutaire pour aller vers une culture de rôles, vers une culture des compétences, où l'on est capable d'admettre que l'on soit chef le lundi, que l'on ait un chef le mardi et qu'on soit à nouveau chef de quelque chose le mercredi. Mais cela suppose des changements culturels colossaux : passer d'une vision préhistorique où le dirigeant est incontesté à une culture de gestion de projets dans lesquels, selon les jours, vous êtes contributeur, leader, sponsor, utilisateur ou maître d'oeuvre. Conséquence : il y aura un rapport plus adulte du salarié à l'entreprise et il aura une exigence de consommateur social de l'entreprise. Réguler à la fois les besoins des consommateurs sociaux et la stratégie d'entreprise pour la laisser vivante, c'est ça le travail des RH. L'entreprise devient inhumaine lorsqu'elle n'a pas mis en place les conditions pour que les individus se développent. L'entreprise du futur, c'est celle dont les gens sortent plus grands qu'ils n'y sont rentrés.

E & C : Quelle organisation RH avez-vous mise en place à l'appui de cette vision ?

.P. H. :D'abord, une enquête de satisfaction sociale, tous les deux ans. Elle nous renseigne sur tous les paramètres RH : formation, rémunération, congés, etc. Dans le futur, je compte mesurer la satisfaction des gens non seulement vis-à-vis de critères RH purs, mais aussi vis-à-vis de leur environnement quotidien. Il importera de savoir si leur chef direct les éclaire sur la stratégie, s'il leur donne les moyens de le faire. On ira de plus en plus vers la corrélation entre la satisfaction des individus et la capacité au rayonnement de leurs chefs. C'est aller vers une culture du leadership. Changer le leadership des dirigeants : voilà un sujet RH clé.

Nous avons aussi mis en place une gestion par les compétences. C'est un système qui permet à tout collaborateur d'auto évaluer ses compétences à l'aide d'un outil diagnostic sur l'intranet, très explicite. Les compétences techniques, mais aussi relationnelles, sont évaluées de 0 (pas formé) à 4 (reconnu à l'extérieur pour cette compétence). Exemple : si quelqu'un constate qu'il n'est pas bon en "confiance en soi" alors que ses missions nécessitent d'être très sûr de soi, cela veut dire qu'il a besoin d'aide. L'aide peut être de la formation mais aussi de l'apprentissage sur le terrain. Ce système est une manière de rendre les gens responsables de leur portefeuille de compétences mais leur montre aussi qu'ils ne sont pas seuls face aux gaps de compétences. Mais c'est aussi un outil de dialogue avec leur patron avant chaque mission et, annuellement, avec leur parrain (chaque salarié a un parrain) pour préparer la notation annuelle.

Autre outil mis en place, en commençant par l'équipe de direction : le 360 °. Aujourd'hui, les 90 premiers dirigeants ont passé un 360 ° et, chaque semaine, un associé demande à le passer. Je ne l'utilise pas comme un outil d'évaluation, mais comme un outil de développement personnel. Derrière, il y a forcément un plan d'action. D'ores et déjà, les dirigeants comprennent qu'on ne les regarde plus seulement à travers leur chiffre d'affaires mais aussi dans la manière dont ils rayonnent.

SES LECTURES

L'entreprise neuronale, Alan Fusteck et Jacques Fradin, Ed. d'Organisation, 2001.

Funky business, Kjell Nordström et Jonas Ridderstrale, Ed. Village Mondial, 2000.

Les vilains petits canards, Boris Cyrulnik, Ed. Odile Jacob, 2001.

PARCOURS

DRH non pas de formation mais de déformation », comme il se définit lui-même, Pierre Hurstel est venu aux RH après une carrière de vingt ans dans l'audit.

Diplômé de l'ESC Toulouse, commissaire aux comp- tes, il devient associé chez Ernst & Young, en 1991. Il y est successivement responsable de l'audit du bureau Midi-Pyrénées, responsable du coaching des équipes d'Audit Innovation, puis DRH de l'Audit Paris (environ 500 personnes). Il a été nommé directeur de la stratégie des RH et de la communication interne France le 1er juillet 1998.

Dans L'entreprise réparatrice, qui paraîtra en juin prochain aux éditions Maxima, Pierre Hurstel explique pourquoi l'entreprise peut être un terrain thérapeutique pour les salariés.