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Nos cécités font loi...

SANS | publié le : 25.06.2002 |

Dialogue douloureux entre le directeur opérationnel et son DRH.

La conversation porte sur les difficultés à recruter des « types jeunes, mais avec une première solide expérience de nos métiers » (sic).

Le ton monte : l'opérationnel se plaint de devoir, chaque année, compenser un turn-over de techniciens de qualité, ce qui l'empêche de fédérer des équipes stables, et a déjà provoqué des ruptures de contrat avec certains gros clients qui se plaignent des "derviches-tourneurs" de la compagnie.

Dans un métier de maintenance très sophistiqué, qui demande une longue appropriation des procédures du client, on peut comprendre leur irritation. Et celle du directeur, harcelé par "les hommes en noir" pour tenir ses budgets.

Le DRH, de son côté, évoque la concurrence de plus en plus rude que lui font les acteurs principaux du métier, qui proposent des rémunérations "plus attractives", et lui débauchent ses meilleurs candidats. « Plus sournois encore, les challengers de la concurrence nous débauchent nos nouveaux intégrés, six mois à un an après leur arrivée. Juste quand ils sont formés. Tout prêts à l'emploi. Quasiment garantis par nous, en quelque sorte ! »

Tiens, ça, c'est intéressant !

« Et pourquoi partent-ils à la concurrence, vos jeunes techniciens ? Pour l'argent ? » osé-je demander, avec l'air le plus innocent possible (la pratique de "l'air innocent", toujours utile dans les situations complexes, demande, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, un long entraînement... C'est un vrai métier).

Enervement des deux protagonistes.

« Je l'ai dit cent fois, se plaint l'opérationnel. C'est d'abord une question d'argent. Donnez-moi les primes que je demande, et mes équipes resteront stables. Bon sang, c'est pas difficile à comprendre, ça ! »

Haussement d'épaules du DRH : « Vous savez bien que ce n'est pas vrai. Notre problème, c'est que nos journées de travail sont trop longues, mal organisées, mal planifiées. Ce que veulent les jeunes, c'est plus de confort dans leur activité professionnelle. Moins de stress. Plus de perspectives. Voilà la vérité ! »

On me demande d'arbitrer. Comment faire ? Je me lance :

« A quand remontent vos entretiens un peu sérieux avec les démissionnaires que vous évoquez ? Les avez-vous contactés dans leur nouvelle fonction ? Pouvons-nous comparer objectivement les situations chez tous les acteurs majeurs de la profession ? Finalement, sommes-nous équipés pour sortir de ce "concours d'impressions", dans lequel il ne peut y avoir que des perdants ? »

Air contrit des deux décideurs. J'enfonce (sadiquement) le clou : comme le dit, avec esprit, Jacques Serguine, « nos cécités font loi » !