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Le Smic, sujet sous haute tension

SANS | publié le : 16.07.2002 |

En s'appuyant sur le rapport du Conseil économique et social, le gouvernement devra trouver une solution pour sortir de l'imbroglio du Smic multiple. Les partenaires sociaux, CGT et Medef en tête, s'affrontent sur le sujet.

Comment sortir du Smic multiple ? La question hante actuellement le microcosme économique. Du gouvernement aux partenaires sociaux, en passant par l'Assemblée nationale, le Conseil économique et social (CES) et plusieurs cabinets conseil, comme Stratégie et gouvernance sociales, toutes les voix s'élèvent pour sortir au plus vite de cet imbroglio politico-économique né des 35 heures.

La réduction du temps de travail a, en effet, introduit une situation inédite pour les 2 millions de smicards. Pour que la RTT ne se traduise pas par une perte de pouvoir d'achat, Martine Aubry, a instauré à côté du Smic horaire, une série de garanties de rémunération mensuelle (GRM). L'intention était loua- ble, mais ce mécanisme s'est vite transformé en véritable cauchemar pour les DRH !

Revalorisations différentes

Car ces garanties mensuelles ne sont pas revalorisées de la même manière que le Smic (elles progressent moins vite) et varient en fonction du niveau du Smic de l'année où l'entreprise a réduit son temps de travail.

Ainsi, un smicard passé à 35 heures en 1998, lorsque le taux horaire était de 6,13 euros, a bénéficié de trois revalorisations de sa garantie mensuelle (1,45 % en 2000, 2,85 % en 2001, et 1,8 % en 2002). Il gagne aujourd'hui 1 100,67 euros (voir encadré p. 5). Un smicard passé à 35 heures entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2002 (le Smic horaire était alors à 6,67 euros) n'a connu, lui, qu'une revalorisation, et il touche 1 147,89 euros, soit un écart de 47 euros. Le smicard toujours à 39 heures perçoit, de son côté, 1 154,27 euros, soit une différence de 54 euros avec les pionniers de la RTT.

A rémunération initiale identique, ces derniers perçoivent donc un salaire mensuel de 4,2 % inférieur à celui des salariés passés aux 35 heures trois ans plus tard. A législation inchangée, cet écart devrait atteindre environ 6 % d'ici à 2005.

La palme de la difficulté revient aux entreprises de travail temporaire qui emploient des intérimaires effectuant, la plupart du temps, deux à trois missions dans le mois, mais dans des entreprises différentes.

Casse-tête

En Alsace, par exem- ple, Manpower doit jongler quotidiennement avec la complexité instaurée par le Smic multiple. Pour Carlos Gonzales, directeur du secteur Alsace-sud et Nord Franche-Comté, qui regroupe 16 agen- ces (3 500 intérimaires ; 10 % à 15 % des effectifs sont rémunérés au Smic), et plus de 1 000 clients, ce système est un vrai casse-tête : « Il existe plusieurs modes de calcul pour la paie. Nos spécialistes de la rémunération doivent être capables de décortiquer les accords 35 heures de chacun de nos clients. Sans parler des inégalités entre sociétés d'un même secteur, selon la date où elles ont réduit leur temps de travail. En Alsace, où le taux de chômage est plus bas que la moyenne nationale (6 %), la pénurie de main-d'oeuvre est importante et les intérimaires n'hésitent pas à refuser certaines missions en raison d'une rémunération moins avantageuse. »

Positions opposées

Comment sortir de l'impasse ? Faut-il, dès lors, une augmentation immédiate de 11,4 % du taux horaire du Smic ? Reculer l'échéance jusqu'à 2009 ? Ou favoriser le gel jusqu'en 2005, voire 2007 ? Sur ce dossier, deux positions radicales s'affrontent. La première, celle de la CGT prône une augmentation du Smic de 11,4 %.

L'autre solution, avancée par le Medef, consiste à annualiser le Smic « qui rassemble la rémunération du travail, non pas à l'heure, mais sur l'année », c'est-à-dire à inclure dans la rémunération tous les éléments de salaire que peut percevoir un smicard : treizième mois, primes d'ancienneté, primes de contrainte..., autrement dit, à exclure de la revalorisation annuelle, décidée par le gouvernement, qui a lieu chaque année, début juillet, toute une catégorie de smicards qui cumulent, en global, un revenu annuel supérieur au montant annuel du Smic horaire. En clair : le patronat trouve le coût du travail non qualifié trop élevé et ne veut pas être seul à assumer cette charge. A l'Etat, dans ce cas, de conduire sa politique en faveur des bas revenus en ayant recours à des mesures telles que la prime pour l'emploi...

Une vraie révolution qui fait grincer des dents syndicats et salariés. Pour le Medef, en revanche, l'objectif sous-entendu est de mettre un frein au rôle de l'Etat qui s'immisce ici dans la politique salariale des entreprises et, surtout, fait peser sur ces dernières le coût de cette décision qui dépend plus des échéances électorales que de l'inflation ou de l'augmentation des coûts salariaux.

En juillet 2001, 13,9 % des salariés ont bénéficié de la hausse du Smic ou de la GRM (soit 2,08 millions de personnes). Ils sont beaucoup plus nombreux dans les petites entreprises (30 %) que dans les grandes (5 % de smicards). En outre, ce sont les jeunes et les femmes les plus touchés, surtout en CDD et en temps partiel. Ce sera à François Fillon de trancher et, surtout, de jouer les arbitres entre les syndicats et le Medef.

Pour l'y aider : un rapport de 40 pages, commandé par Jean-Pierre Raffarin, au Conseil économique et social chargé de plancher sur la question et de dresser un « inventaire » des solutions pour harmoniser les multiples Smic. En clair, "débroussailler" le terrain avant de lancer une large concertation avec les partenaires sociaux, probablement en septembre, lors de la commission nationale de la négociation collective.

Maintien du pouvoir d'achat

Plusieurs pistes de réflexion se dessinent, mais l'orientation la plus probable, avancée par le rapporteur Jean Gautier, semble être guidée « en priorité » par le souci de « garantir le maintien du pouvoir d'achat des salariés les moins bien rémunérés », et de « garder au Smic horaire son caractère de minimum social, assorti d'une participation aux fruits de la croissance ».

Du côté des syndicats, tous ont marqué leur préférence pour une convergence rapide, dès 2003 (FO, CFE-CGC, CFTC, CGT), ou en 2005 (Unsa, CFDT), comme le prévoit la loi, avec un alignement sur le niveau le plus élevé des rémunérations.

Vers un seul Smic

En revanche, le rapport ne fait aucune mention des propositions du Medef qui crie aussitôt à « la censure ». Mais pour le Conseil économique, cette proposition est jugée hors sujet, puisque la saisine du gouvernement portait sur « un inventaire des solutions » et non pas « sur une réforme du Smic ». François Fillon s'est, d'ailleurs, déclaré opposé au projet du patronat et se dit partisan d'un « seul Smic, le plus vite possible ». En profitant vraisemblablement de l'occasion pour lancer, en parallèle, un vaste programme d'allégements de charges, ciblés sur les entreprises et les secteurs ayant le plus fort taux de salariés au Smic : un processus qui éviterait, du même coup, une remontée brutale du coût du travail. C'est aussi une des solutions préférées du CES.

Quatre garanties mensuelles et deux Smic

Les 4 garanties de rémunération mensuelle (GRM)

1. Entreprises en RTT entre le 15 juin 1998 et le 30 juin 1999 : 1 100,67 euros.

Cette garantie s'obtient en multipliant le taux horaire du Smic à cette date (40,22 francs) par 169 heures (base 39 h), soit 1036,22 euros auxquels on ajoute les différentes revalorisations de la garantie mensuelle (+ 1,45 % en 2000; + 2,85 % en 2001 ; + 1,8 % en 2002), soit 1 101,88 euros.

2. Entreprises en RTT entre le 1er juillet 1999 et le 30 juin 2000 : 1 114,63 euros

Le taux horaire de l'époque était de 40,73 francs, soit 1 049,36 euros (pour une base 39 h) auxquels on ajoute les revalorisations de 2000, de 2001 et de 2002.3. Entreprises en RTT entre le 1er juillet 2000 et le le 30 juin 2001 : 1 133,49 euros

Le taux horaire était 42,02 francs, soit 1 082,59 euros, pour une base mensuelle à 169 heures, auxquels on ajoute la revalorisation de 2001 et de 2002.

4. Entreprises en RTT entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2002 : 1 147,52 euros

Le taux horaire était de 43,72 francs, soit 1 127,23 euros, pour une base mensuelle de 169 heures, auxquels on ajoute la revalorisation de 2002.

Les 2 Smic

1. Smic 35 heures (151,67 heu- res) :

1 035,91 euros. Le taux horaire est de 6,83 euros depuis le 1er juillet 2002.

2. Smic 39 heures (169 heures) : 1 154,27 euros.