E & C : L'Observatoire du dialogue social (Odis) a mené, avec l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), ces trois derniers mois, une enquête sur le harcèlement moral auprès d'une trentaine d'acteurs (DRH, victimes, syndicats, experts, médecins...). Quel était son objectif ?

J.-F. C. : Nous avons souhaité poser le sujet afin de disposer d'une grille de lecture capable d'éclairer ce qu'est véritablement le harcèlement moral en entreprise, sur le profil des harceleurs potentiels et celui des plaignants non harcelés. Ce travail nous semblait d'autant plus nécessaire que le harcèlement moral fait souvent l'objet d'interprétations éloignées de son concept. Pour preuve, sur les appels reçus à l'Unsa Loire-Atlantique (20 chaque semaine), un quart sont immédiatement rejetés car hors sujet. Au final, seuls 1 % des cas sont identifiés comme relevant bien de harcèlement moral.

E & C : Quelles en sont les principales conclusions ?

J.-F. C. : Tout d'abord, que le harcèlement n'a pas pour seule origine la personnalité déviante du harceleur. D'autres facteurs entrent en jeu. Ils ont trait à la conception que se fait un individu de son lien à autrui, à l'environnement dans lequel il travaille et aux pratiques relationnelles utilisées. En croisant ces trois dimensions, nous sommes parvenus à identifier plus d'une vingtaine de portraits théoriques de harceleur. Quatre ont été retenus : le "pervers", le "carriériste", le "régulé" et le "sous-dimensionné". Tous n'ont pas la volonté de nuire. C'est pourquoi il convient à l'entreprise d'engager une action appropriée selon le cas. Nous les indiquons.

E & C : Quelles sont vos préconisations ?

J.-F. C. : Nous proposons, entre autres, que soient étendues les compétences des médecins du travail à un véritable droit et devoir d'alerte, que les syndicats et les entreprises disposent d'un outil commun de diagnostic et que soit expérimenté un processus national, périodique et pluraliste, d'évaluation de l'évolution du harcèlement moral et de sa prévention.