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PENDANT LA CRISE, L'ACTIONNARIAT SALARIE CONTINUE

SANS | publié le : 28.01.2003 |

Malgré la déprime boursière, les actionnaires salariés gardent le moral. Hormis quelques cas d'effondrement du titre, l'abondement et la décote leur ont permis de ne pas perdre d'argent. Les directions y voient toujours un bel outil de motivation. Mais la transparence dans la gestion des fonds, la possibilité de diversifier ses actifs et, parfois, la garantie de l'apport, font partie des nouvelles exigences.

U n CAC 40 sinistré, en chute de 35 %, des valeurs qui ont parfois plongé de 80 % : 2002, annus horribilis pour le petit porteur, donne de quoi réfléchir aux actionnaires salariés, qui jouent leurs économies et leur emploi dans l'histoire. Les exemples d'Alcatel, Vivendi ou France Télécom ont de quoi refroidir les ardeurs patrimoniales.

Ainsi, chez Alcatel, avec une action aux environs de 6 euros actuellement, alors qu'elle était valorisée à 50, voire 97 euros, selon les périodes d'augmentation de capital réservées aux salariés, inutile de dire que même avec la décote et l'abondement, l'investissement ressemble, pour l'heure, à de l'emprunt russe.

Mais, dans la plupart des cas, la réalité s'avère plus nuancée. « Les gens sont bloqués dans leur portefeuille, ils ont vu la plus-value potentielle, puis la chute, explique Luc Chanderis, délégué général de Fondact. Il ont pris une douche mais n'ont rien perdu, sauf obligation de sortie actuellement. » De fait, si les finances personnelles le permettent, il n'y a pas autre chose à faire que parier désormais sur le plus long terme. Et, dans ce cas, bon nombre d'actionnaires salariés, comme les associations qui les représentent, considèrent qu'ils seront finalement gagnants.

Deux années d'effondrement

La crise de croissance du CAC 40, grimpant de 1 722 points en octobre 1995 à 6 922 points en avril 2000, fait apparaître l'effondrement des deux dernières années, à partir d'octobre 2000, d'autant plus dramatique. Ceux qui ont pu entrer dans des plans au début de cette période ont souvent gagné beaucoup. Jusqu'en 1997, ils n'ont, en général, pas perdu d'argent. Mais beaucoup sont restés investis aujourd'hui, n'ayant pas intérêt à exercer.

Des désillusions

En revanche, pour les salariés entrés plus tard dans le capital de leur entreprise, c'est-à-dire à une époque où les cours commençaient à être élevés, la période de déblocage, qui s'ouvre cette année, peut être celle des désillusions, malgré des conditions de souscription favorables (décote jusqu'à 20 %, abondement, voire actions gratuites). Exemple : chez France Télécom, emblématique des valeurs sinistrées, la sortie du deuxième plan, datant de 1998, sera possible en mars et juin prochains. La valeur de l'action, à l'époque de la souscription, atteignait 45,9 euros, contre 23 euros environ aujourd'hui.

Mais il y a aussi toute la population de salariés actionnaires qui ont eu le nez creux en faisant jouer un cas de déblocage quand le titre de leur entreprise était au plus haut. Dans certaines sociétés, on a ainsi constaté une inflation de mariages et d'acquisitions immobilières en 2000 ! Voici pour le volet patrimonial, plus contrasté qu'il y paraît.

Performance de l'entreprise

« Mais l'actionnariat salarié ne se résume pas à une bonne affaire financière, souligne Michel de Virville, directeur des ressources humaines de Renault, dont les salariés possèdent plus de 3 % du capital. Dans ce cas, le placement est lié aux performances de l'entreprise dans laquelle on travaille. Il permet aussi de resserrer les liens entre un salarié et son entreprise. C'est un excellent dispositif, à condition que l'entreprise soit honnête avec ses salariés, n'essaie pas de le survendre ou d'en abuser pour organiser la composition de son capital. » Ainsi, chez Renault (lire p. 18), hors opérations de privatisation, on a fait le choix de ne pas abonder, de ne pas utiliser d'effet de levier (forme de crédit sur achat d'action par les banques, qui se paient sur la plus-value ou en dividendes).

Ouverture du capital aux salariés

De fait, il n'est nulle part question, aujourd'hui, de remettre en cause le principe de l'ouverture du capital aux salariés. D'ailleurs, les opérations menées en 2002 ont été généralement bien, voire massivement, souscrites (BNP-Paribas, CNP, Société générale ou encore Thalès, en décembre dernier).

L'effondrement boursier a simplement fait surgir au grand jour les dérives et manques de transparence qui ont caractérisé certaines pratiques : larges abondements sur les seuls fonds actions de l'entreprise ; vastes campagnes pour orienter l'épargne des salariés et pouvoir présenter aux marchés des taux de souscription massifs, signes d'adhésion et de motivation des salariés, transfert des avoirs dans de nouveaux fonds après une fusion. Les ex-Havas ou Canal+, reconvertis actionnaires de Vivendi, en savent quelque chose.

Méfiance

Au total, donc, pas de condamnation du système, mais la méfiance est de mise. « La tendance lourde, aujourd'hui, est de rechercher des mécanismes qui permettent de ne pas trop exposer les salariés au risque, confirme Philippe Lamotte, consultant de Hewitt Associates. La grande majorité d'entre eux restent d'accord pour investir, mais considèrent de près tous les avantages proposés, la décote et l'abondement notamment, qui sont maintenant considérés comme des formes de garantie, de matelas, en cas de dérapage de l'action. »

Les mécanismes à effet de levier sont aussi sollicités : les banques supportent le risque plutôt que le salarié ; d'autre part, ils permettent de rendre une opération attractive pour les cols bleus, autant que pour les cadres aux plus fortes capacités d'épargne. Et la pédagogie reste indispensable pour aider à comprendre les mécanismes boursiers, le caractère volatil des investissements en actions - mais leur intérêt à long terme - et les dangers d'une trop forte concentration sur la même valeur. Mais aussi à faire valoir que, par essence, un investissement en actions ne peut pas être sans risque.

L'essentiel

1 Malgré une année boursière chahutée, l'actionnariat salarié n'est pas remis en cause.

2 Avec les abondements, la décote, les avantages du PEE, les actionnaires salariés ont parfois vu une fortune virtuelle s'effondrer, mais rarement subi des pertes réelles.

3 La crise a néanmoins fait surgir des exigences de transparence accrue dans la gestion des fonds d'actionnariat et de sécurisation de l'épargne.

4 Pour les directions, l'actionnariat salarié, utilisé et promu avec mesure, reste un outil de motivation et de fidélisation efficace.

TF1 : les ex-millionnaires virtuels gardent le moral

Aux alentours de l'année 2000, est apparue une nouvelle catégorie socio-professionnelle, chez TF1, par exemple : le salarié millionnaire virtuel. Titulaire d'un plan d'épargne entreprise, il pouvait, s'il revendait ses parts du fonds commun de placement proposé par son entreprise, et à condition d'avoir souscrit suffisamment longtemps, se retrouver à la tête d'un joli magot. A TF1, plusieurs dizaines de salariés se sont trouvés dans cette situation, grâce, notamment, à un abondement de 100 %. « Celui qui avait souscrit 15 000 francs par an, à partir de 1987, et qui avait tout gardé jusqu'en 2000, était millionnaire en francs », calcule Pierre Vantorre, délégué syndical CFDT.

Seulement, il fallait pouvoir débloquer les fonds au bon moment. « Nous avons constaté une inflation de mariages à cette époque-là. Moi-même, j'y ai pensé, mais il aurait fallu que ma conjointe soit d'accord », se souvient un salarié. Le mariage est, en effet, un cas de déblocage anticipé, sans pénalisation fiscale. De quoi créer une ambiance festive dans l'entreprise, mais pas forcément laborieuse. « D'autant que nous étions totalement obnubilés par le cours de l'action », raconte le même salarié. Certaines directions avaient même pris l'habitude d'afficher la cote du jour dans les ascenseurs. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

- A TF1, l'action est passée des environs de 90 euros, il y a trois ans, à une vingtaine actuellement. Selon les calculs de Pierre Vantor, les salariés qui ont acheté à 60 euros sont aujourd'hui perdants. « Mais je ne remarque pas de baisse de la motivation », constate-t-il. « Avec un abondement de 100 %, c'est tout bénéfice », explique, serein, un salarié.