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LA REVOLUTION N'A PAS EU LIEU

SANS | publié le : 04.02.2003 |

Les NTIC n'ont pas créé la révolution escomptée dans l'exercice des pratiques syndicales. Ces outils restent largement sous-utilisés, et ce, malgré une volonté des syndicats de faire avancer le chantier numérique, tant au niveau confédéral qu'en entreprise. Du coup, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Officiellement, les syndicats français ont adopté les NTIC. Il n'est pas un secrétaire général qui n'ait vanté la complémentarité entre l'action sur le terrain - "la base du travail syndical" - et les nouvelles technologies. Alors que les syndicats souffrent de la faiblesse endémique de leur nombre d'adhérents (entre 6 % et 9 % des salariés), ils ont calculé qu'une bonne utilisation d'Internet et des intranets peut déboucher sur des gains importants en termes de coordination, de communication, d'actions revendicatives, de mobilisation et, in fine, d'adhésions. Ce nouveau média est également perçu comme un moyen d'accéder à des populations peu syndiquées, notamment les jeunes, les salariés nomades ou encore les cadres. « Le site confédéral permet au salarié d'adhérer sans que cela ne se sache dans l'entreprise », note Jean-Claude Mailly, secrétaire confédéral à FO. « Si les cadres sont peu enclins à prendre les tracts qu'on leur distribue, ils n'hésitent pas à les consulter sur Internet », constate, de son côté, Claude Cambus, vice-président délégué de la CFE-CGC.

Nouvel outil

Sans compter que, dans le contexte de concurrence acharnée que se livrent les confédérations, accentuée par la perspective d'une modification des règles de leur représentativité, tout nouvel outil est bon à prendre. Ainsi, pour Jean-François Vanneste, vice-président confédéral de la CFTC (9,7 % aux dernières élections prud'homales), « l'Internet est un outil important car il met [la CFTC] sur le même plan que la CFDT [25,2 % aux prud'homales, NDLR], alors que nous avons une implantation beaucoup plus hétérogène ». Enfin, il s'agit de ne pas être à la traîne des entreprises qui utilisent déjà largement le réseau.

"Fracture générationnelle"

Cependant, force est de constater que les confédérations avancent avec prudence sur les trois chantiers que sont les sites Internet confédéraux, les intranets confédéraux, et, dans l'entreprise, l'intranet syndical. En cause : une résistance interne des syndicats due à la "fracture générationnelle" qu'évoque le professeur de droit Jean-Emmanuel Ray (lire p. 21), un manque de moyens, la réticence des entreprises à ouvrir leur réseau et la structure même des confédérations.

Toutes sont maintenant dotées d'un site Internet convivial (parfois avec un moteur de recherche, toujours avec un espace "adhésion") dont la réalisation est, le plus souvent, sous-traitée à des agences professionnelles. Preuve de l'importance qu'elles accordent à ce média, le contenu de la partie "actualité" est toujours décidé au plus haut niveau de la hiérarchie syndicale.

Mais les sites confédéraux ne proposent qu'une interactivité limitée, le plus souvent réduite à une simple adresse mail. Exit, par exemple, les forums de discussion. Surtout, « la notion de service est absente de ces sites », remarque Yves Lasfargue, directeur de l'Observatoire des conditions de travail et de l'ergostressie, et animateur d'un site de référence sur les intranets sociaux (1).

Solutions confédérales

« Ne connaissant pas les syndicats de leur entreprise, les salariés se connectent sur le site confédéral pour trouver la solution à leur problème. En règle générale, celui-ci les renvoie à leur syndicat », poursuit-il. Les cinq grandes confédérations sont également en train d'ébaucher leur intranet confédéral. Mais leur efficacité est d'emblée freinée par l'impossibilité d'en faire des systèmes intégrés. La structure confédérale ne se prêtant pas à la constitution d'un annuaire unique (lire p. 19).

Politique revendicative

Au moins trois confédérations (CGT, CFE-CGC et CFDT) ont affiché une politique revendicative sur l'accès des syndicats aux intranets des entreprises. Mais, contrairement à ce que laissent penser les nombreuses productions consacrées aux accords d'entreprise sur ce sujet, peu ont été effectivement signés. Entre trente et quarante textes, selon certaines estimations. C'est peu, mais c'est mieux qu'aux Etats-Unis, où les syndicats sont pratiquement interdits d'intranet (lire p. 20). Et encore, ces accords restreignent-ils, à la demande de la direction, l'usage qui peut être fait de l'intranet, en excluant les forums, les liens hypertexte, le chargement de fichiers et, surtout, l'envoi de tracts électroniques aux salariés. Il ne faut donc pas s'étonner si les sites syndicaux génèrent peu de trafic. Chez France Télécom, entreprise pourtant pionnière en la matière, ils ne comptabilisent pas plus de 5 000 à 6 000 connexions par mois pour 110 000 salariés ayant accès au réseau.

Succès ponctuel

C'est donc du côté de l'Internet et des sites des sections syndicales, libres d'entraves conventionnelles et conservant leur totale capacité revendicative, que les NTIC ont gagné leurs lettres de noblesse syndicale. A l'exemple d'Ubifree, syndicat virtuel dénonçant, en 1998, sur Internet, les conditions de travail chez l'éditeur Ubi Soft, ou de Jeboycottedanone.com, émanation de l'intersyndicale des "Lu", dont l'appel au boycott des produits Danone a eu un retentissement international. Des succès ponctuels, mais qui n'ont pas résolu le problème de fond du syndicalisme français : l'élection prud'homale du 11 dé- cembre, la première de l'ère Internet, a encore moins mobilisé les salariés que la précédente.

(1) intranetssociaux.free.fr

L'essentiel

1 Alors que les confédérations syndicales souffrent d'un déficit chronique de représentation, elles sont persuadées de l'opportunité que représentent les NTIC.

2 Elles ont donc attaqué, au niveau confédéral, les chantiers de leurs sites Internet et intranet, tout en revendiquant l'accès des syndicats aux intranets d'entreprise.

3 Faute de moyens, d'une culture numérique assez prononcée, et du fait de leur propre structure et de la résistance des entreprises, elles sous-utilisent ces outils.