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Les entreprises n'anticipent pas assez l'arrivée des NTIC

SANS | publié le : 18.02.2003 |

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication continuent d'envahir les entreprises en bousculant les pratiques managériales. Pour le professeur Michel Kalika, inventeur du concept d'e-management, les entreprises doivent se préparer et anticiper cette révolution numérique.

e & c : Que recouvre la notion d'e-management ?

Michel Kalika : Ce terme est apparu, au printemps 2000, à l'occasion d'un article paru dans la Revue française de gestion, intitulé "Le management est mort, vive le e-management". C'est un concept général recouvrant les impacts et les opportunités des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le management des entreprises. Nous avions alors la conviction que les TIC allaient avoir une influence considérable sur la stratégie, l'organisation des entreprises, et que l'ensemble des fonctions allaient être bouleversées. En pleine déferlante Internet, l'e-business et le commerce en ligne n'étaient que les parties visibles de l'iceberg. Les effets les plus importants restaient à venir. Car la nouveauté, c'est le rôle d'accélérateur du changement des technologies issues de l'Internet. L'e-GRH est, par exemple, en passe de révolutionner la fonction ressources humaines. Le DRH voit progressivement son portefeuille d'activités se transformer ; le responsable RH est réorienté sur d'autres missions ; quant aux managers, ils sont en train d'acquérir une dimension RH sous l'effet direct de l'arrivée des TIC. Autre cas d'école, celui du e-procurement ou achats en ligne. Celui-ci a, dans certaines sociétés, déjà modifié en profondeur la fonction achat.

e & c : Avec l'éclatement de la bulle Internet, n'y a-t-il pas une sorte de défiance de la part de entreprises vis-à-vis des TIC ?

M. K. : Si la bulle Internet s'est dégonflée dans ses aspects financier et communication, les TIC continuent à se fondre dans les organisations. C'est une tendance lourde. La meilleure preuve est la numérisation croissante des processus et des activités. Dans les grandes entreprises, la numérisation s'est traduite par l'acquisition de progiciels de gestion intégrée (ERP). Certes, les entreprises ne sont pas homogènes dans leurs rapports aux TIC. Elles se démarquent essentiellement par leur culture managériale et le degré d'implication de leur direction générale, laquelle a un rôle d'exemplarité en la matière. Une entreprise orientée TIC, c'est une entreprise qui a le souci de tirer en permanence le meilleur profit de ces outils. On estime qu'actuellement, 20 % des entreprises françaises peuvent être considérées comme telles.

e & c : Quels sont les freins rencontrés lorsque l'entreprise introduit massivement les TIC ?

M. K. : Ils portent principalement sur la détention de l'information. Son cheminement n'emprunte plus la voie hiérarchique. Le pouvoir est plus diffus, plus compliqué à maîtriser. Logiquement, nous assistons à une remise en cause de la logique hiérarchique. Avec les intranets RH, le DRH a la capacité de diffuser très rapidement des informations sans en référer à sa direction générale. Quant aux salariés, ils peuvent s'approprier des informations dont ils étaient privés auparavant. Ce schéma est source de blocages car les baronnies sont en danger. Les TIC se moquent des frontières intra-entreprises. Prenez le cas du e-learning : une partie des déceptions actuelles sur ce mode d'apprentissage provient du fait qu'il heurte les frontières traditionnelles entre DSI, direction générale et DRH. L'autre frein rencontré est relatif à l'objectif même de ces nouveaux outils. Nous sommes en présence d'un déficit de réflexion. Toute introduction de TIC doit, en effet, être précédée d'une réflexion en amont, d'une communication et d'une formation. Ces trois éléments fondamentaux sont rarement pris en compte par les entreprises, ce qui débouche sur des résistantes fortes au changement. Or, nous constatons que les trois-quarts des salariés estiment que leur métier a évolué sous l'effet des TIC. C'est un indicateur qui devrait interpeller les DRH. Lesquels pourraient aussi se pencher sur le gaspillage des ressources lié à une mauvaise utilisation des TIC. Par exemple, les managers continuent à adopter la stratégie du mille-feuille qui consiste à empiler les outils de communication sans changer leurs habitudes. Au final, la réunion traditionnelle du lundi est toujours aussi fleuve, tandis que la production de courriers électroniques est de plus en plus volumineuse.

e & c : Les TIC ne mettent-elles pas en péril le lien social dans l'entreprise ?

M. K. : L'entreprise numérique n'a pas pour objectif de supprimer les échanges humains. Au contraire, les TIC doivent mettre en perspective le capital intellectuel de l'entreprise. Aux dirigeants de provoquer l'adhésion des salariés. Cela passe par des explications sur les gains que peuvent générer les TIC, en termes d'autonomie et de confort de travail. Il s'agit aussi pour l'entreprise d'élaborer des chartes de bonne conduite sur l'utilisation des technologies dans le but de lever les craintes liées à la cybersurveillance.

SES LECTURES

Les échelles du Levant, Amin Maalouf, Poche, 1998.

- Les belles endormies, Yasunari Kawabata, Poche, 1982.

- La mandoline du capitaine Corelli, Louis de Bernières, Follio, 2001.

PARCOURS

Titulaire d'un doctorat d'Etat en sciences de gestion, Michel Kalika est, depuis 1997, professeur à l'université Paris 9 Dauphine où il dirige le DEA E-management et l'Executive MBA. Au sein du Centre de recherche économique pure et appliquée (Crepa), il a participé à plusieurs travaux portant sur l'impact des TIC sur les entreprises.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont, E-management : quelles transformations dans l'entreprise ? (éditions Liaisons, ouvrage collectif), E-GRH : révolution ou évolution (éditions Liaisons). Michel Kalika coordonne les activités de l'Observatoire Dauphine-Cegos sur le e-management.