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L'occasion de « réinvestir politiquement la formation » ?

SANS | publié le : 18.03.2003 |

Les organisations patronales et trois confédérations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC) sont d'accord pour transformer l'obligation légale et fiscale en obligation conventionnelle. Les problèmes techniques et politiques restent cependant nombreux.

Assurément, la transformation de l'obligation légale de financement de la formation en obligation conventionnelle sonnerait la fin d'une exception française. Tout le débat est de savoir si ce choix permettrait un meilleur accès à la formation pour les salariés français.

Selon les organisations patronales, les avantages en seraient multiples. Fin de la fiscalisation : donc, pas de reversements au Trésor public. Liberté totale d'affectation des fonds par le chef d'entreprise à l'Opca qu'il choisit : c'est-à-dire mise en concurrence des collecteurs. Fongibilité permanente des fonds entre le plan et l'alternance permettant un pilotage plus précis des politiques des branches selon leurs besoins. Liberté du chef d'entreprise vis-à-vis de la forme de la formation, dans le cadre d'une définition de l'acte de formation non plus précisée par l'Etat mais par les partenaires sociaux...

Des syndicats partagés

CGT et CFTC ne sont pas d'accord. Maryse Dumas, de la CGT, était, au soir de la première séance de négociation, très remontée par ce qu'elle considère comme une manoeuvre dilatoire qui met la charrue avant les boeufs. Michel Coquillion, de la CFTC, estimait que « c'est beaucoup trop dangereux de confier aux branches le soin de déterminer le montant des contributions ». CFDT, FO et CGC, en revanche, s'accommoderaient de ce changement. « A condition qu'on n'aille pas en dessous de l'obligation légale », commente Annie Thomas, pour la CFDT, qui y voit même une manière de « réinvestir politiquement la formation ». Jean-Jacques Briouze, de la CFE-CGC, demande, dans ce cas, « une obligation conventionnelle supérieure à 1,5 % ».

Difficultés et incertitudes

Une note technique, émanant des organisations patronales et datée du 7 mars 2003, liste cependant les problèmes que pose le passage d'une obligation fiscale à une obligation conventionnelle. Trois « difficultés » sont mises en avant : « la nécessité de réécrire dans un cadre conventionnel de nombreuses dispositions actuellement d'ordre législatif et réglementaire portant sur les règles de collecte, l'assiette de la contribution formation, l'agrément des organismes paritaires agréés, les règles de fonctionnement de ces organismes, les sanctions applicables en cas de non-respect de ces règles... Cette transcription devrait éviter la production de règles aussi complexes que celles du livre IX du Code du travail » ; « la mise en oeuvre d'une procédure lourde et complexe de transfert aux partenaires sociaux de toute la gestion administrative et financière de la formation professionnelle continue », avec une forte interrogation sur l'attitude de l'Etat en matière d'agrément d'accord ; et, enfin, « la prise en charge par les fonds de la formation professionnelle du coût du contrôle aujourd'hui réalisé sur fonds publics. Ce dispositif de contrôle des partenaires sociaux devra être d'autant plus fiable qu'ils auront l'entière responsabilité du contrôle des dispositions et des dispositifs mis en place par voie conventionnelle ».

Dix « incertitudes » sont également précisées : « L'Etat doit faire voter une loi permettant l'agrément de l'accord conventionnel sur la formation à l'identique de ce qui existe actuellement pour la convention relative aux allocations d'assurance des travailleurs privés d'emploi (articles L. 352-1 et L. 352-2-1 du Code du travail) ».

Ponctions financières

« Les partenaires sociaux devront avoir défini, dans cet accord, l'ensemble du cadre conventionnel du dispositif de formation avant le dépôt de la demande d'agrément, le nouveau dispositif devant être applicable dès l'agrément par l'Etat de l'accord conclu entre les partenaires sociaux » ; « les modalités d'extension des dispositions de l'accord conventionnel aux entreprises situées en dehors du champ de compétence du Medef, de la CGPME et de l'UPA restent à définir » ; « les partenaires sociaux doivent définir le cadre et les modalités du contrôle des entreprises, des Opca, des organismes paritaires de péréquation financière... » ; « la nature "privée" ou "publique" des fonds de cette obligation conventionnelle doit être précisée pour permettre un lien avec les contreparties de fonds publiques, permettant l'accès aux fonds européens » ; « les modalités et la durée de la période transitoire avant la mise en place du nouveau système doivent être arrêtées en concertation avec l'Etat » ; « la volonté des gouvernements successifs d'agréer dans leur intégralité les dispositions des accords conclus par les partenaires sociaux n'est pas acquise » ; « l'Etat a toujours la possibilité de ponctionner financièrement les dispositifs conventionnels de gestion de la contribution à la formation professionnelle continue » ; « les conditions d'un suivi statistique du dispositif conventionnel et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce suivi doivent être arrêtés » ; et, enfin, « les conséquences pour les organismes de formation du changement de nature de la contribution restent à préciser ».

Improbable cogestion

Si l'affaire est loin d'être réglée techniquement, elle n'est pas simple politiquement. L'acceptation de la fin de l'obligation légale par certains syndicats est sous-tendue par l'espérance de faire de la formation un réel enjeu de débat dans les entreprises et de relancer l'activité et la mobilisation syndicales. Dans quelle mesure les employeurs joueront-ils le jeu, alors qu'ils ont toujours refusé toute forme de cogestion sur le plan de formation ?

Capital de temps de formation : l'échec d'une "troisième voie"

Le Capital de temps de formation, proposé par la loi quinquennale du 20 décembre 1993, était une idée de la CFDT. Sa vertu était de mixer les intérêts de l'entreprise et ceux du salarié en matière de formation. La formule du CTF est, aujourd'hui, remise en question : elle ponctionne 50 % des fonds du CIF au détriment de celui-ci ; elle est souvent utilisée pour abonder le financement du plan de formation de l'entreprise ; elle est finalement assez peu utilisée dans son esprit d'origine de co-initiative salarié/employeur.

Lors de la séance de reprise du 22 janvier dernier, Annie Thomas, chef de file des négociateurs CFDT, a glissé l'idée que l'abandon du CTF était envisageable. Difficile de dire quelle forme prendrait cet abandon : retour des financements au CIF ? Financement d'une autre initiative conjointe employeur/salariés qui serait à définir ? Financement de comptes individuels de formation des salariés, abondés par l'entreprise et les pouvoirs publics ? Cette "troisième voie" reste encore à inventer.