logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Comment sécuriser les contrats de travail

SANS | publié le : 20.05.2003 |

Clauses de non-concurrence, de variabilité, de mobilité... Les contrats de travail fourmillent de pièges. Actualités jurisprudentielles obligent, les DRH doivent être attentifs et les faire évoluer s'ils veulent rester dans les clous.

Les contrats de travail figés et uniformes n'ont plus cours. Ou, plus exactement, sont fortement déconseillés par les spécialistes en droit social. « La jurisprudence est, par nature, fluctuante. Ne pas en être conscient serait suicidaire », avertit Me Olivier Meyer, avocat du cabinet D., M. & D. Il ne se passe pas un mois, en effet, sans que la Cour de cassation ou les cours d'appel ne confirment, précisent ou enrichissent certains principes de droit, quand elles ne procèdent pas à un revirement de jurisprudence.

Aucun principe juridique n'est intouchable, et surtout pas les multiples clauses composant un contrat de travail. La clause de non-concurrence en est la preuve incontestable.

> Clause de non-concurrence

Désormais, toutes les clau- ses ne comportant pas de contrepartie financière sont nulles et dépourvues d'effet. « Celle-ci peut s'élever de 10 % à 20 % du salaire », selon Me Agnès Cloarec-Mérendon, avocate du cabinet Latham & Watkins, qui considère ces taux comme de bons points de départ à une négociation. Négociation qui devra être menée individuellement plutôt que collectivement, si l'on en croit les spécialistes en droit social. Une fois quantifié, ce dédommagement de nature salariale ne peut souffrir la moindre imprécision. « Il doit être distingué, sur le contrat de travail, des autres éléments de rémunération », indique Me Meyer.

Quant aux modalités de versement, tout est possible dès lors que celui-ci est mesurable : versement mensuel et majoration salariale pendant la durée du contrat de travail, versement forfaitaire unique à sa rupture... En la matière, la convention collective de la coiffure a innové, en novembre dernier, en prévoyant le versement d'une indemnité mensuelle supérieure à 4 % du salaire minimal conventionnel.

Limitation raisonnable

Reste, ensuite, à respecter les autres conditions. Outre sa limitation raisonnable dans le temps et l'espace, la clause de non-concurrence se justifie par rapport à la protection des intérêts légiti- mes de l'entreprise. « Il faut une dangerosité concurren- tielle potentielle », prévient Me Cloarec-Mérendon. Elle doit aussi tenir compte « des spécificités de l'emploi du salarié », qu'il soit manuel ou intellectuel. Exit, donc, la clause généralisée à l'ensemble du personnel. Ainsi, il n'est pas étonnant que la Cour de cassation ait débouté, le 14 mai 1992, une entreprise imposant une clause à l'un de ses laveurs de vitres !

Bref, cette nouvelle jurisprudence est un tel casse-tête que de nombreuses entreprises ont réglé le problème en faisant disparaître cette clause. « Bien souvent, les employeurs en ont usé et abusé, tout simplement parce qu'elle était gratuite, avoue Me Meyer. Aujourd'hui, mieux vaut s'interroger sur la pertinence de son maintien. » Et surtout, ne pas pratiquer la politique de l'autruche. « Laisser une clause en l'état ne fait que différer le problème», avertit Agnès Cloarec-Mérendon. Un salarié pourra, dès lors, monnayer cette clause dans un contexte peu propice, par exemple, lors de la rupture de son contrat de travail. De plus, la jurisprudence est rétroactive. Un ex-salarié qui aura exécuté une clause peut désormais soit informer son entreprise qu'il cessera de la respecter, soit demander qu'elle régularise la situation. Autrement dit qu'elle le dédommage a posteriori. C'est ce qui est arrivé à la société Comareg qui a été contrainte, après décision de la cour d'appel de Lyon, de verser la somme de 25 687 euros à une ancienne salariée.

La "non-débauche"

Tout cela laisse dubitative la DRH d'une SSII parisienne, qui croit peu en l'efficacité de cette clause « parce qu'il est difficile de savoir où vont les salariés qui nous quittent. Je préfère introduire, dans nos contrats commerciaux, une clause de non-débauche, valable douze mois après le départ du salarié. En cas de non-respect, l'entreprise cliente qui aurait proposé un poste à l'un de nos salariés nous sera redevable de douze mois du salaire de ce dernier ». Pour autant, cette DRH a choisi de ne pas toucher à la clause de non-concurrence, présumant que les salariés ne sont pas au courant des derniers arrêts. Elle compte donc sur l'effet dissuasif de sa mention dans leur contrat de travail, même si elle sait qu'elle ne pourra pas l'actionner. Autre parade : attaquer le nouvel employeur au tribunal de commerce après avoir prouvé qu'il était au courant de l'existence de la clause. D'où l'importance de toujours introduire, dans un nouveau contrat de travail, la fameuse expression : « Libre de tout engagement. »

> Clause de variabilité

La mention d'objectifs ou de quotas est monnaie courante dans les contrats de travail, en particulier dans ceux des commerciaux. Ne pas les atteindre constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. A une condition : qu'ils soient raisonnables et compatibles avec le marché.

Selon une jurisprudence datée du 22 mai 2001, ces objectifs peuvent être fixés de manière unilatérale par l'employeur du fait de son pouvoir de direction, ou après négociation avec les intéressés. « Attention, toutefois, à deux choses. Primo, que le salarié dispose des moyens nécessaires pour les atteindre et, secundo, que ces objectifs soient réalistes, énumère Me Olivier Meyer. Or, la conjoncture étant ce qu'elle est, les entreprises ont le devoir de réactualiser très régulièrement le contenu de cette clause et de remettre les objectifs au goût du jour. » Idem pour les autres éléments de rémunération.

Le job board Monster a revu, ainsi, il y a neuf mois, l'intégralité des contrats de travail de ses 52 commerciaux, comme l'explique Bruno Brémond, directeur commercial : « Nous avons enrichi les descriptions de postes et redéfini certains critères de rémunération. En particulier, en précisant davantage les paramètres retenus pour déterminer la part variable. »

> Clause de mobilité

Autre sujet à jurisprudences : la clause de mobilité. Si les DRH croient qu'il suffit de la mentionner à titre préventif pour être à l'abri, ils se trompent. La Cour de cassation piste, en effet, depuis quelques années, les excès des entreprises, qu'elle assimile, bien souvent, à de l'abus de pouvoir. Il est vrai qu'une mutation est souvent utilisée pour décourager un salarié et le pousser, de manière détournée, vers la sortie.

Depuis le 23 janvier 2002, les juges imposent aux employeurs et, par ricochet, aux DRH, de justifier un quelconque déménagement au regard de l'intérêt de l'entreprise, à l'appui d'éléments objectifs. Faute de quoi, le refus d'un changement de lieu de travail par le collaborateur ne saurait être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

D'autres contraintes suivent : l'absence de transport en commun pour se rendre sur le nouveau lieu de travail, par exemple, ou encore une situation familiale non conciliable avec les horaires du nouveau poste, surtout si d'autres salariés peuvent pourvoir cet emploi au coeur de la mutation.

Dernier arrêt en date : celui du 27 juin 2002, qui précise qu'une clause de mobilité prévue dans la convention collective ne s'impose au salarié que s'il a été en mesure de la connaître !

Autant d'arrêts qui ne sont ni les premiers, ni les derniers à embarrasser les directions des ressources humaines...

L'essentiel

1 L'évolution de la jurisprudence oblige les entreprises à réexaminer le contenu de leurs contrats de travail.

2 Sont nulles et dépourvues d'effet les clauses de non-concurrence ne réunissant pas les quatre conditions cumulatives. D'où l'urgence de s'interroger sur leur maintien.

3 Les objectifs ou quotas prévus dans la clause de variabilité méritent de régulières réactualisations.

4 L'entreprise ne peut plus se fonder uniquement sur la mention d'une clause de mobilité dans un contrat pour envisager le déménagement d'un salarié.