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Martell déploie un "vrai" plan social

SANS | publié le : 09.09.2003 |

Coup de pouce à la création d'entreprise, aides à la formation sans limitation de coût, fortes indemnités de départ et primes de retour rapide à l'emploi... Martell n'a pas lésiné sur les moyens pour atténuer le choc des suppressions de poste annoncées en février dernier.

Martell veut tourner la page. Début septembre, la maison de négoce de Cognac (Charente, groupe Pernod-Ricard) se lance dans un vaste plan de redressement baptisé "Reconquête", afin de retrouver les chemins de la croissance. Ce projet se traduit par un renforcement de la structure commerciale et marketing. De nouveaux directeurs commerciaux ont été nommés et les équipes planchent, actuellement, sur des produits innovants pour rajeunir la marque. Puis, en janvier prochain, la direction des ressources humaines prendra le relais avec un projet de gestion des compétences, destiné à optimiser les savoir-faire.

Cette relance sera-t-elle la bonne ? En dix ans, la société a perdu en compétitivité, ses parts de marché chutant de 19 % à 11 % de 1992 à 2002. Une catastrophe pour la société charentaise. Et un drame pour les salariés. Car, les mauvaises nouvelles s'accumulent.

Suppression de poste

En février dernier, le Pdg, Lionel Breton, décide une cure d'amaigrissement : 149 suppressions d'emploi sont annoncées (sur 420 salariés). Ce nombre a, depuis, été réduit à 114 postes grâce à la création de 35 emplois (modifications de poste ou créations).

Mais le mal est fait : différents débrayages ont eu lieu pour protester contre le plan de restructuration, et, pour la première fois, les salariés de Martell, soutenus par la population locale, ont manifesté dans les rues de Cognac.

Trois salariés ont également entamé une grève de la faim en mars dernier et un véritable bras de fer judiciaire s'est, ensuite, engagé entre syndicats et direction, avec plusieurs coups de théâtre, dont l'annulation du plan social par la cour d'appel de Bordeaux, en mai dernier.

Des méthodes différentes

Toutefois, Martell se défend bien de suivre les méthodes des patrons-voyous, révélées au début de l'année 2003. Car si l'annonce des licenciements est intervenue quelques jours après celle de Palace Parfums et quelques semaines avant celle de Metaleurop, la méthode de Martell tranche radicalement.

Indemnités importantes

Outre de substantielles indemnités de départ (les ouvriers partent avec 60 000 à 70 000 euros en poche, indemnités légales de départ et primes additionnelles comprises), le plan social est hors norme : il prévoit des départs à la préretraite (une quarantaine), des reclassements externes, des aides à la création d'entreprise et à l'essaimage.

Ce n'est pas la seule particularité du plan. La direction tente aussi de favoriser le retour rapide à l'emploi : les salariés rapidement "recasés" ont la possibilité de "capitaliser" leur congé de reclassement , c'est-à-dire de continuer à toucher leurs allocations, à hauteur de 65 % de leur ancien salaire et dans la limite de six mois. Ils perçoivent également des primes supplémentaires, oscillant de un à trois mois de salaire, en fonction de la date d'entrée dans leur nouvel emploi.

Au total, le coût du plan s'élève à 15,6 millions d'euros, soit un ratio de 137 000 euros par salarié concerné.

Un plan mal vécu

« Le plan est bon, assure Jean-Charles Castelleno, le DRH de l'entreprise. Martell est une entreprise très paternaliste, qui n'avait, jusqu'ici, jamais effectué de licenciement. Elle avait également un rôle social dans la ville, comme l'embauche de personnes handicapées ou d'épouses de salariés décédés... Du coup, les salariés, tout comme les habitants, ont très mal vécu ce plan de restructuration. Mais si rien n'est fait, l'entreprise va mourir. »

C'est BPI, cabinet parisien spécialisé dans l'outplacement, qui prend en charge le reclassement. La cellule emploi sera ouverte jusqu'en juin 2006. Trois offres valables d'emploi par candidat doivent être proposées : CDI, CDD ou mission d'intérim débouchant sur un contrat à durée indéterminée. Les salariés ont douze mois pour se reclasser.

Redynamisation locale

Parallèlement, une mission de redynamisation a vu le jour. Elle est assurée par le cabinet DML, qui a reçu une dotation d'un million d'euros pour 2003, versée par Martell. « Notre objectif est de soutenir des projets de développement local des petites entreprises, assure Olivier Lenormand, vice-président de la société. Nous accélérons la mise en oeuvre de ces projets industriels, créateurs d'emploi, en attribuant des prêts à taux zéro d'un montant de 15 000 à 40 000 euros en moyenne. » D'ores et déjà, les résultats sont encourageants. Sept projets ont été retenus par le cabinet et 36 engagements d'emploi ont été pris. Ils portent, dans la plupart des cas, sur l'acquisition de machines-outils dans les domaines de l'injection plastique, de l'imprimerie, de la sérigraphie, de la mécanique de précision...

Cinq autres projets sont en passe d'être acceptés, avec, à la clé, la création de 80 postes. Ces emplois seront-ils pour les ex-Martell ? Tout dépend des profils de poste demandés, mais, en cas d'embauche d'un salarié licencié, la maison de négoce s'engage à verser à l'entreprise d'accueil le coût des cotisations patronales de leurs anciens salariés pendant six mois (douze mois pour les plus de 50 ans).

De nombreux obstacles

Reste à savoir si le bilan du plan social sera à la hauteur des engagements de l'entreprise. S'il est encore trop tôt pour le dire (les premiers départs ont eu lieu en juillet dernier, les autres s'échelonneront entre septembre 2003 et juin 2005), quelques obstacles existent. Selon Gérard Faure, ex-délégué syndical CGT, qui a démissionné de ses fonctions en juin dernier, le reclassement des salariés pourrait se révéler plutôt difficile. Le niveau moyen des salaires des Martell (de 30 % à 40 % supérieur à celui des entreprises locales), l'âge élevé de ces personnels (46 ans en moyenne) et le manque de formation n'inspirent pas l'optimisme. Enfin, leur mobilité réduite affaiblit la portée des propositions de reclassement.

Postes de sous-traitance

L'inquiétude est d'autant plus vive que les emplois actuellement disponibles dans le bassin d'emploi concernent surtout des postes de sous-traitance « aux conditions de travail difficiles et sans grand intérêt ». Selon son dernier décompte, effectué fin août, sur les 40 départs de juillet dernier, deux personnes auraient retrouvé un emploi, l'un comme employé communal, l'autre dans une entreprise industrielle. A suivre...

L'essentiel

1 En février dernier, Martell, la maison de négoce de Cognac, annonce 149 suppressions d'emploi. ce nombre a, depuis, été réduit à 114.

2 Le plan social fait la part belle aux indemnités de départ, aux mesures de reclassement et au retour rapide à l'emploi. Les salariés rapidement "recasés" peuvent "capitaliser" leur congé de reclassement.

3 BPI prend en charge le reclassement des salariés licenciés et le cabinet DML s'occupe de la redynamisation du territoire. A cet effet, Martell a versé une dotation d'un million d'euros en 2003, afin de soutenir des projets locaux créateurs d'emploi.

Les sept mesures clés du plan social

- Préretraite à 55 ans, avec 75 % du salaire antérieur net, uniquement financé par l'entreprise.

- Mobilité interne : 43 postes ont été proposés à l'intérieur du groupe Pernod-Ricard, dont 35 directement adaptés aux compétences des salariés.

- Aide à la création (ou reprise) d'entreprise : aide de 35 000 euros si le candidat crée son activité dans les six mois suivant son licenciement, 20 000 euros entre le sixième et le neuvième mois.

- Passage à mi-temps : une indemnité de 10 000 euros. Le salarié reçoit 80 % de son dernier salaire la première année et 60 % la deuxième année.

- Essaimage : plusieurs activités telles que le jardinage et les transports seront externalisés. L'entreprise s'engage à accompagner le candidat à la création d'entreprise pendant cinq ans. Elle lui fournit la totalité de son activité la première année, 20 % la cinquième année, ainsi qu'une aide de 20 000 euros.

- Aide à la mobilité : deux options. La première comprend la prise en charge du déménagement, l'aide à l'installation de 2 000 euros, l'aide à la recherche d'emploi du conjoint et la prise en charge des frais d'agence immobilière pour une nouvelle location (ou achat) à hauteur de 1 000 euros. La seconde correspond à des indemnités globales d'éloignement de 5 500 euros.

- Reclassement externe : une antenne emploi prise en charge par BPI, ouverte jusqu'en juin 2006. Aides à la formation sans limitation de coût. Si le candidat retrouve un emploi moins bien payé, l'entreprise complète le différentiel de rémunération pendant deux ans de manière dégressive : 100 % les six premiers mois, 80 % les six mois suivants...