Le développement durable n'est pas le monopole des grandes entreprises. C'est ce que veut démontrer le CJD (Centre des jeunes dirigeants), à travers une "expérimentation" menée, depuis un an, auprès de 400 de ses adhérents, patrons de PME. Il cherche, ainsi, à promouvoir le concept de "performance globale", qu'il définit comme « une recherche d'équilibre entre l'économique, le social et l'environnemental ».

Les grandes entreprises se sont déjà largement emparées du débat sur le développement durable. Depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), celles cotées sont légalement contraintes de publier des chiffres sur leur responsabilité sociale. A l'inverse, les PME n'ont pas vraiment apporté de contribution à la question. Le projet du CJD doit permettre de combler cette lacune. L'expérimentation, menée entre septembre 2002 et juin 2003, se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le chef d'entreprise réalise un diagnostic en matière de performance globale, à l'aide d'un guide d'évaluation élaboré par le CJD. A travers 287 questions, le guide l'interroge sur les rapports avec les parties prenantes de son entreprise (actionnaires, clients, fournisseurs, salariés, société civile, environnement), ainsi que sur quatre thèmes transversaux : stratégie, performance économique, innovation, et engagement. Dans un deuxième temps, et à l'issue de ce diagnostic, le dirigeant choisit un "domaine critique" et en présente une synthèse devant une commission miroir. Enfin, une cinquantaine d'entreprises devraient être accompagnées, dans leur projet, par des consultants.

Un premier rapport d'étape a été publié en juin. Il en ressort que si « l'objectif de sensibilisation [a été] atteint », on « constate, encore, une trop faible prise de conscience, du fait que toutes les entreprises sont concernées par le développement durable (indépendamment de la taille, du territoire, de l'activité) [...] ». L'expérimentation, à ce stade, ne semble pas avoir débouché sur des projets concrets.

Tous les participants n'en ont pas tiré le même parti. Marc Mercier, gérant de Burod'oc, PME de cinq salariés, spécialisée dans la vente de mobilier de bureau, en Normandie, a retenu des objectifs d'amélioration de son management : « Mieux déléguer, faire plus souvent des réunions, formaliser mes procédures, avoir une stratégie à moyen terme, énumère-t-il. N'ayant pas d'associé, je n'ai personne avec qui échanger. L'expérimentation m'a permis de prendre du recul. »

Charles Guez, de Guez Automobile, concessionnaire dans la région rouennaise, a déjà mis un pied dans le développement durable. « L'expérimentation m'a permis de découvrir mon rôle civique et de ressentir des envies d'évolution. » Créée par son grand-père, l'entreprise de Charles Guez disposait déjà, avant le projet du CJD, d'outils sociaux et managériaux, acquis au fil de l'histoire. Les salariés ont, ainsi, accès à une mutuelle, proposant « un niveau de garanties important » et à de l'intéressement.

L'entreprise s'est aussi lancée dans une démarche de certification environnement auprès des fournisseurs automobiles. « Le respect de l'environnement m'est d'abord apparu comme une obligation et une dépense sans contrepartie, il s'agit maintenant, pour moi, d'une question civique et d'un argument commercial », expose-t-il. Autant d'outils et d'obligations qui trouvent une nouvelle justification, a posteriori, au regard de l'objectif de responsabilité sociale. Comme beaucoup, Charles Guez faisait du développement durable sans le savoir. Mais il souhaite aller plus loin dans sa démarche : « Au prochain renouvellement de contrat avec mes fournisseurs de services de nettoyage et de lubrifiants, je ne tiendrai pas seulement compte du prix, mais aussi de leurs convictions sociales et environnementales. »