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Apartheid

SANS | publié le : 21.10.2003 |

Séminaire de rentrée. Pour remonter le moral des troupes, relancer la machine, et tenter de sauver les objectifs de l'année en faisant "un carton" sur les quatre derniers mois, la direction commerciale a organisé un séminaire de rentrée à la campagne, dans un site magnifique.

Quand on me convie, j'y vais volontiers. Nous voilà tous, en tenue décontractée, dans une sorte de relais de poste transformé depuis longtemps pour accueillir des groupes ("mariages et séminaires". Cette proximité curieuse entre deux exercices bien différents m'a toujours fait sourire. Encore la publicité ne mentionne-t-elle pas "petit séminaire "...).

A propos de "faire un carton ", il me semble qu'il y a une certaine urgence avant que ce soit la direction commerciale qui soit elle-même obligée de "faire ses cartons", ce qui n'est pas son intention. Alors on pousse, on motive, on exalte, on menace, on console, on mobilise, on fait tout ce qu'il faut : PowerPoint chauffé à blanc, courbes de croissance façon Everest, plaisanteries complices, engagement la main sur la conscience, c'est le Barnum habituel de l'exercice, les figures obligées.

Dans la salle, plus de 40 commerciaux de tous âges écoutent avec attention, sinon avec bienveillance. L'exhortation massive pour de meilleurs taux de pénétration et la conquête de nouvelles parts de marché ne semble pas lever des enthousiasmes irrépressibles, et je sens plutôt une tension sceptique s'installer peu à peu. Mais qui voudrait passer pour un has been dans cette ambiance de conquérants avant l'assaut final ? On opine du chef. On prend note. On cache son jeu. Même pas peur.

Vient le moment des gratifications. Classique, c'est toujours au programme. Façon distribution des prix, félicitations du directeur, remise de médailles. En moins chichiteux, mais l'intention y est. Défilent alors quelques vendeurs tout étonnés d'être ainsi starifiés pour quelques instants. Sincèrement ravis pour quelques-uns. Plutôt sceptiques pour d'autres. Souriants dans tous les cas. Poignée de main. Plaisanterie. Le directeur commercial est tellement chaleureux, tellement complice, tellement proche des troupes.

On passe à table. C'est un buffet, comme presque toujours. Tables rondes de 6 personnes. Pas de plan de table.

J'observe le manège. Un jeune vendeur s'approche de la table où on m'a assis d'autorité à côté du directeur commercial. Signe discret de l'assistante pour l'aiguiller ailleurs. Un jeune chargé de mission du service marketing s'approche à son tour. S'assoit sans hésitation, entre gens du même monde.

Juste le temps d'apercevoir le regard de haine du commercial écarté de la table des khalifes...