Tout a commencé comme une plaisanterie. De retour d'une de ses missions en Amérique latine, où il part régulièrement apporter la maîtrise française en matière de traitement du courrier, Henri Assier, directeur de La Poste d'Albi (Tarn), s'est entendu dire : « C'est toujours les mêmes qui s'en vont. Nous, on ne part jamais. » Les facteurs ont été pris au mot : « J'ai téléphoné à l'un des responsables de Correos (La Poste espagnole, NDLR) à Madrid et je lui ai demandé si l'on pouvait organiser un échange de facteurs entre l'Espagne et la France », raconte Henri Assier.

L'idée fait son chemin et la direction locale de Gérone, près de Barcelone, séduite par le projet, s'y attelle. Six mois plus tard, en octobre dernier, trois facteurs espagnols arrivent à Albi et trois facteurs français partent à Gérone. La durée de cette immersion durera un mois. « Pour commencer, nous avons souhaité que l'échange se limite à trois facteurs, volontaires, choisis pour leurs capacités d'autonomie, leur maîtrise de l'espagnol et leur aptitude à être de bons ambassadeurs de La Poste », explique Henri Assier. Les facteurs, dont les frais d'hébergement sont pris en charge par le pays qui les accueille, continuent à être rémunérés par leurs employeurs respectifs. « Aucune modification n'a été apportée à leur contrat, nous nous sommes juste assurés qu'ils étaient parfaitement couverts en cas d'accident », ajoute-t-il. Quand les facteurs rentreront en France, ils auront une dizaine de jours pour rédiger un rapport sur ce qu'ils ont pu observer des pratiques du métier. « Même si cette expérience reste, avant tout, une aventure personnelle, elle permet de mettre en perspective leur travail et de se rendre compte par eux-mêmes de la pertinence de certaines règles », observe Henri Assier.

D'ores et déjà, l'opération a porté ses fruits. « L'ambiance est meilleure, cet échange représente un ballon d'oxygène dans l'entreprise », se réjouit le directeur. A Albi, les facteurs espagnols sont devenus des vedettes. Les journalistes les interviewent régulièrement et ce coup de projecteur donné sur la profession revalorise les facteurs français. Les Espagnols comparent les méthodes de travail entre les deux pays, s'étonnent qu'en France, les facteurs se déplacent à vélo et, surtout, qu'ils distribuent les lettres même quand l'heure de fin de tournée est dépassée. En Espagne, le courrier qui n'a pas pu être distribué le jour même le sera le lendemain !

De prochains rendez-vous sont déjà programmés. Après la venue des directeurs des deux centres, qui ont rendu visite à leurs employés, fin octobre, ce sera au tour des responsables de la distribution d'Albi d'aller observer, pendant trois jours, les méthodes de travail de leurs homologues espagnols.