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SANS

De Courteline en Kafka

SANS | publié le : 25.11.2003 |

Organisation et management. Le débat est lancé. Les chefs de service qui m'ont appelé sont en plein conflit sur le projet de reconfiguration de leurs services. La question semble relever, surtout (comme le plus souvent), d'une question de pouvoir hiérarchique sur un service d'expertise indispensable à la bonne production des missions et à leur facturation rapide. A qui le rattacher ?

Les antagonistes ont des arguments. Et ne se privent pas de le faire savoir. « Moi - dit le premier - je pense qu'il faut arrêter de tout changer tout le temps ! Ce service est, depuis sa création, dans la direction de la production, et il n'y est pas si mal. Voilà des années qu'on arrive à le faire tourner. Et avec succès. Pourquoi voulez-vous absolument qu'on change une solution qui fonctionne ? Pour s'agiter ? Pour faire moderne ? Pour avoir l'air de s'intéresser plus aux gens ? »

Enervement. Manifestement, l'observation est à la fois fondée, cruelle, et insuffisante. « Parlons-en, de s'intéresser aux gens ! Pour faire tourner la machine qui marche soi-disant si bien, vous avez multiplié les procédures, installé partout des contrôles, des mesures, des contre-mesures, des indicateurs, des règles et des tableaux de bord... Résultat ? On passe plus de temps à justifier qu'on est conforme à la procédure qu'à chercher une bonne solution pour le client. Ah, elle est belle, votre logique de qualité ! C'est devenu Courteline à tous les étages ! Vous croyez que c'est attractif pour les experts que nous cherchons ? »

Pas mauvais, l'argument. C'est vrai que l'obsession de la procédure est un obstacle à une pratique efficace du management des équipes, laquelle suppose une logique de prise de risques, la recherche de la plus-value personnelle de chacun, le droit à l'erreur. Tout sauf Courteline, justement.

« Courteline ? Vous y allez fort ! Et si on parlait du souk installé partout ailleurs par les organisations matricielles qu'on nous a imposées comme une recette miracle ? La poudre qui terrasse les désaccords. La pommade contre les conflits. La machine à plier les erreurs, à produire de l'efficacité quotidienne et à pulvériser les pulsions hiérarchiques ! Résultat ? Regardez nos services : ce n'est pas Courteline, c'est Kafka ! Des chefs partout, des faux, des vrais, des masqués. Tout le monde contrôlé par tout le monde. Personne à qui faire confiance. Des managers sans équipe, des équipes sans patron, seuls les projets ont des chefs ! Et une embolie de toutes les messageries internes ! Vous appelez ça du management, vous ? »

Evidemment. Si on me force à choisir entre Courteline et Kafka, je vais avoir du mal à arbitrer...

Mais j'ai quand même une idée de base : ce n'est pas le type d'organisation qu'on choisit qui devrait conditionner le type de management qu'on peut pratiquer. C'est exactement l'inverse. En donnant la priorité absolue à l'affirmation des pratiques de management qu'on se choisit, l'organisation (forcément plus plastique, mouvante, évolutive) prend alors sa vraie dimension : au service du management.