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Allumage difficile pour les retraites anticipées

SANS | publié le : 16.12.2003 |

Dès 2004, 200 000 personnes peuvent prétendre à un départ en retraite avant 60 ans, au titre des carrières longues. Acquisitions de droits et de points aux modalités complexes ou incertaines, décrets en attente sur d'autres éléments, conventions collectives à amender : les premiers dossiers sont difficiles à boucler.

Ils ont commencé à travailler entre 14 et 17 ans et cumulent la totalité de leurs trimestres de cotisation au régime général de retraite : ils peuvent quitter la vie professionnelle avant l'âge légal de 60 ans. La CFDT en avait fait une condition pour accepter les retraites Fillon ; la réforme l'a prévu ; un décret, publié le 31 octobre, en a précisé les modalités : les salariés aux carrières longues peuvent liquider leurs droits et prétendre à une retraite complète à partir du 1er janvier prochain, dès leur 56e année sous certaines conditions (lire l'encadré ci-contre).

Le ministère des Affaires sociales estime à 200 000, environ, le nombre de bénéficiaires de ces mesures, dès l'année 2004, et à 500 000 sur la période 2004-2008. D'après la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), 159 000 d'entre eux devraient demander à en bénéficier l'année prochaine.

Cette hypothèse suppose qu'un nombre élevé de salariés éligibles demandent à profiter de la mesure (90 % des hommes et 89 % des femmes), signale la Cnav, et que très peu y renoncent. Pourtant, une majorité de ces salariés ayant commencé à travailler très jeunes touchent, aujourd'hui, le Smic ou à peine plus. Certains pourraient être tentés d'améliorer une retraite de 85 % de ce montant, quitte à travailler au-delà de 60 ans, avec la perspective d'une surcote de 3 % pour chaque année supplémentaire au travail. « Les questions que l'on nous pose ne concernent pas la surcote, mais la capacité à partir ou non », explique-t-on, néanmoins, au service juridique de FO Métaux. Même chose à la Capeb, fédération professionnelle des artisans du bâtiment : « La surcote ne joue pas un grand rôle, on nous interroge surtout sur les périodes d'apprentissage. »

Les salariés semblent, en effet, avoir du mal à se faire une idée précise de leurs droits. « J'ai fait une première demande de reconstitution, explique, par exemple, Michel, 57 ans et demi, salarié d'Alstom. Mais je n'ai pas déposé de dossier de retraite. Je sais que si j'arrêtais, je serais dans les clous pour le régime général. Je ne suis sûr de rien pour la retraite complémentaire. Je ne veux pas m'arrêter définitivement sans avoir de certitudes. » Ses tentatives de recherche sur le site du gouvernement Legifrance ne lui ont pas apporté de réponse. L'accord intervenu entre les gestionnaires des caisses Agirc et Arrco règle une partie du problème en alignant les droits sur ceux du régime général pour les carrières longues. Il n'a que quelques semaines.

Durée d'apprentissage

Autre donnée du problème : l'apprentissage, fréquent pour cette population. Il est pris en compte en durée d'assurance, mais n'a pas toujours permis d'acquérir les points du régime de retraite complémentaire en l'absence de cotisations, rares ou trop faibles avant 1972. Dans ce cas, le droit au départ reste entier, mais avec, parfois, trois ans de points non cotisés. Des rachats sont possibles, sur la base d'un calcul complexe, dont les modalités étaient prévues, avant la réforme, dans le Code de la Sécurité sociale (art. R 351-11). Les rachats restent néanmoins au coeur des demandes d'information exprimées.

Incertitude

Incertitude aussi dans les entreprises. Non seulement le comportement des salariés éligibles n'est pas certain mais, en outre, les administrations du personnel ont des difficultés à identifier la population concernée, qui peut avoir commencé à travailler ailleurs. « Nous connaissons la totalité de la carrière des personnes venues des centres d'apprentissage de Peugeot ou de Citroën, pas celle des autres », explique-t-on, par exemple, chez PSA Peugeot Citroën. Le constructeur communique par voie d'affichage et par mailing ciblé sur la tranche d'âge concernée, demandant aux salariés de prendre contact avec leur gestionnaire de carrière. Chez Michelin, un document type a été préparé pour les salariés potentiellement concernés, pour que les services du personnel fassent des demandes groupées auprès de la Cnav. En outre, une bonne partie des personnels éligibles à cette retraite anticipée sont déjà en préretraite, dans les branches et les entreprises ayant bénéficié de dispositifs de type Cats ou Casa.

Les PME sont rarement dans ce cas. Chez elles, les départs peuvent représenter entre 7 % et 15 % des effectifs, comme dans l'agroalimentaire, par exemple. Chez Bordeaux-Chesnel, plus de 30 personnes, sur un effectif de 290, peuvent ainsi demander la retraite anticipée. L'employeur y est favorable, la moyenne d'âge de l'entreprise dépassant 45 ans. Idem chez Fleury Michon, où 200 personnes sur 3 000 peuvent prétendre au départ.

Convention collective

Il reste à trouver et à fournir une information fiable. Quand il ne s'agit pas de régler un point de droit. Ainsi, les salariés de la métallurgie ne sont pas sûrs de pouvoir toucher leur indemnité de départ en retraite : la convention collective de branche précise, en effet, qu'elle est versée à l'âge normal de la retraite, entre 60 et 65 ans. Un groupe important du secteur l'a déjà refusée à un salarié qui demandait sa retraite anticipée, analysant ce départ avant 60 ans comme une démission. L'UIMM a prévu de se réunir avant janvier pour prévoir un avenant à sa convention collective.

Quatre mois de délai

Pour l'heure, en tout cas, fort peu de salariés devraient pouvoir profiter du dispositif dès le début de janvier, d'autant que la liquidation de la retraite et le départ de l'entreprise demandent qua- tre mois de délai. Début décembre, la Cnav comptabilisait un seul dossier de retraite anticipée pour carrière longue complètement bouclé.

L'essentiel

1 Les salariés qui ont commencé à travailler tôt peuvent prendre leur retraite avant 60 ans, dès janvier prochain. La loi du 21 août et un décret paru le 31 octobre précisent leurs droits.

2 200 000 personnes seraient concernées dès 2004, et 500 000 d'ici à 2008. Disposant souvent de rémunérations modestes, elles peuvent aussi faire le choix de rester en poste pour obtenir une surcote.

3 Pour l'heure, tout comme leur DRH, elles cherchent surtout des informations pour pouvoir se déterminer (périodes d'apprentissage, points acquis sur les régimes complémentaires).

Partir : à quelles conditions ?

Pour pouvoir partir à 56, 57, 58 ou 59 ans, il faut réunir trois conditions.

- Durée d'assurance validée : au moins 168 trimestres, soit 42 ans.

- Durée d'assurance cotisée : 168 trimestres pour un départ à 56 ou 57 ans, 164 trimestres pour un départ à 58 ans, 160 trimestres pour un départ à 59 ans.

Certaines périodes validées ne sont pas cotisées : celles où le salarié n'a pas travaillé, mais où son statut lui a néanmoins ouvert des droits : périodes de chômage et d'invalidité, majorations de durée d'assurance pour enfants ou congé parental. Mais les périodes de service militaire, de maladie, d'invalidité peuvent, néanmoins, être prises en compte, dans la limite de quatre trimestres, pour compléter une période cotisée, de même que la maternité.

- Début d'activité : il faut avoir validé au moins cinq trimestres avant la fin de l'année civile des 16 ans pour un départ à 56, 57 ou 58 ans. Pour ceux nés au dernier trimestre, quatre trimestres validés dans l'année civile des 16 ans peuvent suffire.

Pour un départ à 59 ans, il faut avoir validé au moins 5 trimestres avant la fin de l'année civile des 17 ans, et 4 trimestres pour ceux nés au dernier trimestre.