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Peu d'entreprises réagissent

SANS | publié le : 23.12.2003 |

Très peu d'entreprises du bassin d'emploi de Saint-Amand-Montrond (Cher) ont accepté de s'impliquer dans la lutte contre l'illettrisme, suite, pourtant, à une enquête révélant l'ampleur du problème. Le sujet reste tabou.

Fin 2002, une enquête a été réalisée auprès de 200 entreprises du bassin d'emploi de Saint-Amand-Montrond (18) par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (1), la région Centre, la DDTEFP et l'Agefos-PME, afin de repérer des situations de travail dans lesquelles les salariés rencontrent des difficultés face à l'expression écrite, la compréhension de consignes et, plus généralement, face aux savoirs de base. L'opération visait également à rendre conscients les chefs d'entreprise des interactions entre ces problèmes et l'évolution économique de leur société.

Difficultés

Résultats de l'enquête : 100 entreprises ont répondu ; 50 ont avoué avoir des salariés éprouvant des difficultés dans les savoirs de base (lire, écrire, compter) ; 200 salariés ont fait part de difficultés concernant la lecture de supports écrits tels que les notes de service, et 180 salariés ont témoigné de problèmes dans la rédaction de documents (procédures écrites internes destinées à mesurer et à calculer le temps, les coûts ; produire les devis, les factures et les commandes ; rédiger un rapport d'incident ; expliquer une activité par écrit...). Une centaine de salariés ont également déclaré ne pas être à l'aise face aux problèmes de mesures, de lecture de plans et d'utilisation de l'outil informatique.

Parallèlement à la mise au jour de ces difficultés, l'enquête a fait ressortir que les salariés ont développé des stratégies d'évitement : codage couleurs, habitu- de, aide d'un collègue, etc. Une entreprise sur trois a avoué avoir remarqué ces pratiques.

Savoirs de base

Peur d'aborder le sujet ? Manque de temps ? Quoi qu'il en soit, sur les 50 entreprises témoignant de problèmes d'illettrisme, quinze ont déclaré envisager une formation, mais seules deux ont, à ce jour, réellement mené une action en ce sens. L'Agefos-PME leur a proposé une formation aux savoirs de base auprès des salariés en difficulté, et une formation à destination du personnel encadrant. C'est l'organisme As- trolabe (Châteauroux) qui est intervenu. Les outils pédagogiques Posilire (positionnement lecture), Posifran (français) et Posimath (calcul), ainsi que des didacticiels informatiques ont été utilisés pour évaluer le niveau d'illettrisme de chacun.

Pour la formation des médiateurs (personnes relais des salariés, représentant syndical, supérieur hiérarchique, chef d'entreprise dans les petites structures), l'organisme de formation a utilisé la valise pédagogique Lire et agir (créée par la région Centre), qui resitue le problème de l'illettrisme en entreprise à partir du vécu, qui est, ensuite, analysé en groupe.

Impact économique

Patricia Bourreux, responsable Cher-Indre de l'Agefos-PME Centre, explique ce manque de réactivité des entreprises par le fait qu'elles sont encore « rares à avoir pris conscience des problèmes que l'illettrisme peut poser à court terme pour leur développement économique. Les salariés, eux, conscients de ce que va leur apporter la formation dans leur vie personnelle, et pas seulement dans leur vie professionnelle, sont plus faciles à persuader ».

L'illettrisme resterait donc un tabou délicat à gérer pour la majorité des entreprises. « Certaines d'entre elles disent rechercher des solutions, tout en ne sachant pas comment introduire le sujet sans perturber leur fonctionnement », déplore Patricia Bourreux. L'Agefos-PME Centre espère pourtant poursuivre l'action auprès de quatre ou cinq sociétés, quitte à jouer avec les formulations pour ne pas les effrayer, en leur parlant plutôt d'"acquisition de nouvelles compétences" que de "lutte contre l'illettrisme".

(1) <http://www.anlci.gouv.fr>

& 0 820 33 34 35.

Formation d'urgence au français chez Johnsondiversey

Autre région, même problème. La nécessité de faire passer aux caristes un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (Caces) a soudain confronté l'entreprise Johnsondiversey (produits de nettoyage, budget formation de 2,67 % de la masse salariale) au problème de l'illettrisme. Parmi 12 opérateurs et caristes de son site de Villefranche-sur-Saône (Rhône), six l'ont raté pour avoir été incapables de lire la partie théorique. Surprise, alors que certains sont depuis longtemps dans cette entreprise !

- « Une formation au français s'imposait », explique Daniel Bonissent, responsable formation, qui a retenu l'organisme Alpes Lyon. La formation, d'un coût de 20 000 euros, plus 14 000 euros de frais salariaux, a été financée pour moitié par l'Opca Chimie pétrole pharmacie (C2P), dans le cadre du capital temps formation.

- Une session d'évaluation initiale de deux jours a révélé une grande diversité des niveaux, de l'analphabétisme à l'illettrisme. La pédagogie a donc été individualisée, même si des temps de regroupement étaient prévus. En revanche, tous les participants ont eu la même durée de formation, soit 203 heures, programmées de novembre 2002 à septembre 2003. In fine, cinq sur six ont obtenu le Caces... qu'il leur faudra repasser tous les cinq ans.

- D'autres formations vont sans doute être proposées à ceux qui en ont encore besoin. Quant au salarié ayant échoué, un poste sans conduite de chariot élévateur pourrait lui être proposé. Echaudée, l'entreprise s'est, depuis, assurée que ses 540 salariés étaient capables de remplir un document administratif sans l'emporter chez eux.

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