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Vers la création d'un contrat de projet ?

SANS | publié le : 23.12.2003 |

Les think tanks patronaux plaident, au nom du développement de l'emploi, pour un allègement de la réglementation sociale, passant, notamment, par la création d'un contrat de mission. Le Syntec informatique a carrément pris les devants en proposant aux partenaires sociaux, le 15 décembre, ce type de contrat.

Revoilà les contrats de mission ! Sitôt le dossier des retraites bouclé, François Fillon, le ministre des Affaires sociales, s'attaque à un autre chantier, tout aussi épineux : la réécriture du Code du travail, avec la définition d'un nouveau contrat de travail "correspondant à une durée de projet", qui permettrait aux entreprises d'échapper progressivement aux contraintes du CDI. L'idée pourrait figurer dans le rapport de la commission sur la réforme du droit du travail, présidée par Michel de Virville (DRH de Renault), prévu pour la mi-janvier. Une concertation devrait être lancée avec les partenaires sociaux, début 2004, et s'inscrire dans un projet de loi sur l'emploi qui verrait le jour au printemps.

Le contrat de projet sera-t-il le nouveau contrat de l'année 2004 ? Le débat ne s'est pas fait attendre dans les milieux économique et juridique. D'ores et déjà, le Syntec informatique, fédération patronale de la branche, a pris les devants en proposant aux partenaires sociaux, le 15 décembre, la mise en place de ce type de contrat.

Recruter pour une mission donnée

Dans un document de position, préparatoire à la future plate-forme de négociation sur l'emploi dans les SSII, la fédération patronale (46 000 entreprises, 550 000 salariés) indique que ce contrat doit « mettre à disposition des entreprises et des salariés un mode contractuel permettant, dans un cadre précis et prédéterminé conventionnellement, de recruter des salariés pour une mission donnée ». Le contrat de mission ne concernerait que des prestations à caractère intellectuel. Afin d'éviter abus et précarisation des relations au travail, son cadre serait négocié avec les partenaires sociaux, selon des critères précis : typologie des projets, liste des prestations techniques, durée maximale de ce type de contrat... Le projet n'est pas nouveau. Déjà, en 2000, le Medef en avait émis l'idée, lors des réunions du groupe de travail paritaire "précarité et nouveaux contrats". Selon l'organisation d'Ernest-Antoine Seillière, pour rester compétitifs, il faut caler les contrats de travail sur les cycles de production d'une entreprise. Concrètement, un contrat de travail doit permettre au salarié de faire aboutir un projet, le lancement d'un produit, le démarrage d'une activité, l'implantation d'une nouvelle unité, le lancement ou le développement d'un service en ligne.

CDD trop contraignant

Or, pour l'heure, le CDD est soumis à des règles strictes, il ne peut pas dépasser dix-huit mois et doit être utilisé pour des cas précis : surcroît d'activité, remplacement de salarié, prévu ou non. Trop contraignant, assurent de nombreux employeurs. Le contrat de mission pourrait alors être calqué sur le modèle du contrat de chantier, en vigueur dans le bâtiment. Dans ce secteur, en effet, le contrat de chantier est devenu la règle pour la construction des grands ouvrages, tels le tunnel sous la Manche ou le TGV Atlantique.

En 1993, le contrat de chantier a été étendu par accord paritaire aux métiers de l'ingénierie du bâtiment. L'idée gagne les think tanks patronaux qui plaident, au nom du développement de l'emploi, pour un allègement de la réglementation sociale, passant, notamment, par un assouplissement du contrat de travail.

Croissance Plus, par exemple, qui réunit 150 entreprises (Steria, Cisco Systems, Nec Computers, the Phone House...), le trouve indispensable pour développer « un nouveau projet ou gagner un nouveau client ». « L'entreprise est souvent dans l'obligation d'investir en moyens humains. Or, si le projet ou le client sont, par définition, temporaires, l'embauche, elle, est juridiquement définitive », indique Charles Beigbeder, vice-président de Croissance Plus et Pdg de Poweo. Sans toutefois donner de durée maximale, toutes les entreprises de croissance, dans la publicité, les biotechnologies, l'informatique ou le conseil, souhaiteraient embaucher ponctuellement des personnes hautement qualifiées pour se diversifier.

Une des pistes de réflexion

Le CJD (Centre des jeunes dirigeants) ne dit pas autre chose. Traditionnellement "boîte à idées" du patronat, il fait du contrat de projet l'une de ses pistes de réflexion. Dans son rapport transmis au ministre des Affaires sociales, le 27 novembre dernier, le CJD milite pour la création d'un tel contrat dans l'informatique, les bureaux d'études et le conseil. Avantages ? « Il permettrait de répondre à des projets qui vont au-delà de dix-huit mois, que l'on facture déjà au forfait, indique Sylvain Breuzard, président de l'association. Ce contrat pourrait également représenter une opportunité de carrière pour les seniors ou des jeunes qui cherchent à multiplier des expériences au sein de différentes entreprises. » Contrairement à Croissance Plus et au Medef, Sylvain Breuzard apporte, toutefois, des garde-fous. Il préconise, notamment, de définir, au niveau des branches professionnelles, la notion et le but du projet afin d'éviter une généralisation abusive du contrat de mission. Il se dit également favorable au versement d'une prime de précarité au même titre que les CDD et l'intérim, à l'instauration d'un délai de prévenance d'au moins trois mois avant la fin du projet, et à l'allocation d'un temps de recherche d'un nouvel emploi à la fin de la mission. Le salarié devra aussi bénéficier de l'accord sur la formation professionnelle et du droit individuel de formation, conclu récemment.

Rejet syndical

Le terrain d'entente avec les organisations syndicales sera, toutefois, difficile à trouver. Au Syntec informatique, la réunion a tourné court. « Aucune organisation syndicale n'acceptera un tel projet », prévoit Yvan Béraud, secrétaire général du Betor-Pub CFDT.

Dans d'autres secteurs, ce projet suscite de graves inquiétudes. La CGT Renault et Peugeot, qui dénonce l'usage abusif de l'intérim dans l'automobile (12 % de travailleurs temporaires chez Renault, 14 % chez PSA), voit d'un mauvais oeil la montée de cette flexibilité. Philippe Martinez, délégué syndical central de la CGT, s'interroge : « Va-t-on bientôt être embauché pour fabriquer une Laguna ou pour travailler chez Renault ? »