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UN EXERCICE PÉRILLEUX

SANS | publié le : 06.01.2004 |

Le projet de loi Fillon sur le dialogue social étend le recours aux référendums pour conclure des accords d'entreprise. Cette pratique, qui consiste à solliciter d'autres acteurs que les partenaires traditionnels du dialogue social, est, cependant, loin de faire l'unanimité.

Le référendum serait-il en passe de devenir un moment fort du dialogue social en entreprise ? C'est ce que laisse augurer le projet de loi sur le dialogue social de François Fillon, actuellement en débat au Parlement. En effet, celui-ci prévoit que le référendum soit l'une des issues à la conclusion de certains accords d'entreprise lorsque le principe de l'accord majoritaire est retenu au niveau de la branche. Ainsi, l'accord d'entreprise entrerait en vigueur s'il est signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise. Si cette condition de majorité n'est pas remplie, le texte pourrait être soumis à un référendum d'entreprise, à l'initiative des organisations signataires de l'accord. Une disposition qui n'est pas sans faire grincer des dents certaines confédérations, principalement FO et l'Unsa, qui se positionnent résolument contre. La CFTC et la CFE-CGC ne sont guère plus enthousiastes, même si elles admettent le recours à l'arbitrage des salariés dans certaines circonstances. La CFTC tolère, ainsi, le référendum lorsqu'il est à l'initiative des seules organisations syndicales ou, pour la CFE-CGC, lorsqu'il n'y a pas de représentants des salariés dans l'entreprise.

Disposition déjà existante

Il est à noter, toutefois, que la loi prévoit déjà des cas de consultation des salariés. « L'article L. 911-1 du code de la Sécurité sociale indique qu'un accord de protection sociale complémentaire peut être mis en place ou modifié par le vote des salariés. L'article L. 442-10 du Code du travail valide également les accords liés à un mode de participation, d'intéressement ou de plan d'épargne d'entreprise, obtenus après l'expression des deux tiers majoritaires des salariés », énumère Philippe Thomas, avocat et associé du cabinet Lovells.

Partenaires réticents

Mais la formule n'a jamais vraiment fait recette, que ce soit dans ou en dehors du cadre des cas légaux, exception faite des accords 35 heures. La loi Aubry imposait, en effet, aux entreprises qui souhaitaient recevoir des aides publiques, de consulter leurs salariés lorsque l'accord de réduction du temps de travail avait été conclu par des syndicats minoritaires ; 6 % des accords aidés et signés par les délégués syndicaux ont donc été soumis au personnel, selon le bilan de la négociation collective publié en 2001. Pour autant, DRH, juristes et spécialistes du dialogue social appréhendent cet instrument avec beaucoup de méfiance. D'un côté, les avocats craignent la mise en accusation des chefs d'entreprise pour délit d'entrave de la part des représentants syndicaux. De l'autre, les DRH, à l'instar de Christian Delhaye, directeur du service du personnel France de Michelin, estiment que le référendum n'est pas un mode de fonctionnement normal de l'entreprise.

Echec du dialogue social traditionnel

« Y recourir est trop lourd et inadapté, notamment pour les grandes entreprises, admet Olivier Robert de Massy, directeur général adjoint de l'Association française des banques (AFB). En fait, ce serait un échec du dialogue social traditionnel. » Autrement dit, « le référendum doit être utilisé à titre exceptionnel, uniquement pour valider un projet parfaitement structuré, présenté en amont et dans les moindres détails au personnel », conclut Daniel Croquette, délégué général de l'ANDCP.

Simpliste

Le référendum n'obtient pas non plus l'agrément des observateurs de l'entreprise qui le jugent trop simpliste, contraignant les individus à répondre par oui ou par non à des questions complexes. Selon Jean-François Chantaraud, de l'Observatoire du dialogue social, il ne faut pas confondre démocratie sociale et référendum, qui n'est rien d'autre qu'une démarche manipulatrice. « La démocratie suppose l'interaction des uns et des autres, la confrontation de toutes les propositions et l'étude de leur faisabilité avant de choisir ; elle n'est donc pas le vote, trop réducteur. »

L'essentiel

1 Les référendums sont au sommaire du projet de loi sur la réforme du dialogue social de François Fillon.

2 Déjà prévue dans les Codes du travail et de la Sécurité sociale, la consultation des salariés reste toutefois très peu usitée.

3 En les utilisant, les DRH redoutent une crispation du dialogue social ; les avocats, eux, craignent le délit d'entrave. Quant aux observateurs de l'entreprise, ils jugent les référendums trop réducteurs.