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DANS LA PLUS GRANDE USINE DU MONDE

SANS | publié le : 20.01.2004 |

Avec son réservoir de main-d'oeuvre à faible coût, mais aussi ses profils qualifiés et son immense marché intérieur, la Chine devient l'usine du monde. De la fidélisation des salariés à la mise en oeuvre de transferts de technologies et de compétences, en passant par la culture de la qualité, les défis RH sont nombreux pour les sociétés qui s'implantent dans ce nouveau Far-West économique.

Trente trois mille emplois supprimés dans le secteur industriel français au troisième trimestre 2003 : la récente enquête de la Dares, cellule de recherche du ministère de l'Emploi, relance le débat sur les délocalisations vers l'Asie, et en Chine plus particulièrement. Le pays au 1,3 milliard d'habitants est en effet la première destination des investissements étrangers depuis 2002 (officiellement 65 milliards d'euros). Mais les entreprises étrangères et françaises s'implantent aussi en Chine pour s'attaquer au marché local et toucher une classe moyenne en pleine expansion. L'ouverture, fin 2003, d'une enseigne Décathlon à Shanghai, en est un des derniers exemples.

Les entreprises étrangères bénéficient du coût compétitif de la main-d'oeuvre. La législation chinoise prévoit, certes, des salaires minimaux et encadre les heures supplémentaires, mais à l'échelle de chaque province. A Shanghai, le plancher salarial mensuel s'élève, ainsi, à une cinquantaine d'euros hors cotisations sociales, pour quarante heures de travail par semaine. L'un des salaires minimaux les plus élevés du pays, auquel il faut ajouter 43,5 % de prélèvements obligatoires, place toujours la Chine parmi les Etats les plus attractifs.

Normes sociales différentes

Par ailleurs, entre heures supplémentaires non rétribuées et minima salariaux ignorés, les normes sociales n'ont pas la même valeur que dans les pays développés. La main-d'oeuvre ouvrière venue des zones rurales, les ming gong, est abondante. Frappée par le chômage, elle est peu regardante sur ses conditions de travail. Parfois sans permis de travail, l'ouvrier ne dispose d'aucun recours si l'employeur ne respecte pas ses engagements. Reconnaissant implicitement la fréquence des abus, le gouvernement chinois a, ainsi, mis en place une ligne téléphonique de réclamations, à la veille du nouvel an chinois, pour que certains puissent récupérer les salaires impayés et retourner dans leur famille pour cette fête. Mais quel travailleur illégal appellerait les autorités pour dénoncer son employeur ?

Crédibilité et image

Les entreprises étrangères ou sino-étrangères sont soumises à la même législation du travail que les entreprises locales. Il en va de leur crédibilité et de leur image que de se conformer à ces règles, mais rien ne les empêche de confier le recrutement de leurs employés à leur partenaire chinois et, éventuellement, de fermer les yeux sur le non-respect des lois. Pour une entreprise étrangère, il est, par ailleurs, parfois difficile de faire comprendre à son partenaire l'importance des règles sociales. « Nous avons eu le plus grand mal à faire appliquer les normes de sécurité par notre personnel local », souligne ainsi, en écho à d'autres industriels français, Laurent Doré, le directeur des opérations de Radiall à Shanghai.

Jeunes diplômés

La Chine, réputée être l'usine du monde, possède aussi des profils à haut potentiel. Même si « la main-d'oeuvre qualifiée reste rare », comme le note la Mission économique de Shanghai (*), les entreprises étrangères comptent de plus en plus sur les compétences de Chinois fraîchement diplômés.

Désireux de faire partie de la nouvelle classe moyenne, ils sont avides d'acquérir de l'expérience et de progresser. « Les jeunes que nous recrutons dans les meilleures universités du pays sont demandeurs de savoir et aspirent à assumer rapidement des responsabilités, insiste Thibault Villet, le directeur de la division produits de luxe de L'Oréal en Chine. Ils apprennent très vite, tant leur volonté de réussir est grande, même s'ils ont besoin, au départ, d'un accompagnement plus poussé qu'ailleurs. »

Donnant donnant

Laurent Martin, chef cuisinier et responsable d'une centaine de personnes pour le groupe Accor, établit un constat similaire : « A partir du moment où vos collaborateurs ont le sentiment qu'ils vont enrichir leur expérience à votre contact, ils travaillent de manière acharnée. C'est, en quelque sorte, du donnant donnant. »

Revers de la médaille de cette soif de savoir et d'ascension sociale : la propension à changer d'entreprise pour des profils courtisés et dont l'évolution de carrière serait trop lente. « Nous sommes face à la concurrence des entreprises américaines, qui n'hésitent pas à faire flamber les salaires pour certains postes », note la responsable RH d'Accor Chine, Anne-Isabelle Sam. Cibles types : les managers expérimentés ou détenteurs de compétences difficiles à trouver, dans les domaines de la logistique ou de la finance.

Gilles Guiheux, le directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine, note encore, pour sa part, une « pénurie générale en matière d'encadrement intermédiaire ». La volatilité dans certaines fonctions comme le marketing ou la vente est, toutefois, à mettre en perspective dans un contexte général de progression du chômage, dont les taux officieux s'élèveraient à 10 %-15 % en zone urbaine et à 30 %-40 % en milieu rural.

Transfert de compétences

Les groupes étrangers bénéficient également du succès et de la rapidité des transferts de compétences (voir Essilor p. 16). « Je ne connais pas d'échec en la matière », affirme Alexandre Morin, le directeur Chine de la Cegos. Mais les concurrents chinois apprennent vite et sont prêts à tailler des croupières aux multinationales, comme l'illustre la progression rapide du chinois Huawei face à Alcatel.

Coût de la contrefaçon

A cet environnement très concurrentiel s'ajoutent le coût de la contrefaçon (8 % du PIB chinois, selon la Mission économique de Pékin) et une législation locale favorable aux entreprises chinoises. Les secteurs où une association avec un partenaire chinois est obligatoire sont toujours légion. Cette collaboration nécessite des efforts de longue haleine pour comprendre des codes étrangers aux nouveaux venus et pour s'appuyer sur une relation de confiance. L'implantation ancienne de Carrefour et le soin continuel apporté par le groupe à l'entretien de relations avec les autorités de Pékin sont un bon exemple de l'investissement nécessaire pour une multinationale aux fortes ambitions sur ce marché.

* Direction des relations économiques extérieures. Bilan sur les investissements français en 2002.

L'essentiel

1 La Chine est, depuis 2002, la première destination des investissements étrangers dans le monde. Sa croissance et l'implantation de sociétés occidentales relancent régulièrement le débat sur la désindustrialisation, notamment en Europe.

2 Coût du travail compétitif, législation sociale peu contraignante ou mal appliquée, réservoir de main-d'oeuvre, la Chine possède, en outre, des profils qualifiés qui assurent le succès des implantations comme des sociétés locales.

3 Dans ce Far-West économique, les cadres et ingénieurs à la recherche d'augmentations salariales ne sont pas faciles à fidéliser.

Faiblesse des investissements français en Chine

- Avec 1,28 % du stock des investissements directs étrangers (IDE) en Chine, la France accuse un retard face aux Britanniques (2,5 % des IDE) et aux Allemands (1,7 %). Hong Kong et Taiwan détiennent plus de la moitié des IDE.

- Les investissements français ont cependant connu un bond depuis 2001, grâce à la signature de contrats majeurs pour Michelin, Veolia ou Alcatel. Cela est révélateur d'une structure d'investissements fondée sur l'implantation de grands groupes.

- Les PME françaises, échaudées par des relations difficiles avec les partenaires chinois, le piratage et la bureaucratie, boudent, dans leur majorité, la Chine.

REPÈRES

> Population : 1, 295 million d'habitants.

> PIB 2003 (prévisionnel) : 1 150 milliards d'euros (847 milliards en 2000).

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