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Prévention à tous les étages

SANS | publié le : 27.01.2004 |

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Prévention à tous les étages

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epuis son implantation, en 1992, à Angers, Scania Production (520 salariés dont 350 opérateurs), un site d'assemblage de poids lourds Scania destiné à irriguer les marchés de l'Europe du Sud, a enregistré 20 cas de troubles musculo-squelettiques (TMS) reconnus.

Au-delà des séances d'information

Dans un secteur aussi propice à l'apparition de ces maladies, un tel niveau de TMS, constaté sur onze années d'activité, ne pousserait aucun DRH normalement constitué à déclencher le plan Orsec. D'autant que cette usine, considérée comme la plus performante du constructeur suédois, est très peu robotisée. De courtes séances d'information et quelques actions correctives suffiraient amplement à régler le problème. La direction de Scania Production a pourtant décidé de sortir le grand jeu et de parier sur la prévention. « Nous avons été alertés par un développement des TMS courant 1999. Les valeurs de l'entreprise, fondées, entre autres, sur le respect des personnes, nous ont poussés à entamer une réflexion sur la progression de ces maladies. Notre ambition est de conserver un haut niveau de performance et de confier, à chaque collaborateur, un emploi durable », soulève Bernard Proux, le DRH du groupe Scania en France.

Prévenir le vieillissement

Autre objectif poursuivi par la direction : prévenir le vieillissement de ses salariés. Avec une moyenne d'âge de 34 ans, ceux-ci ne sont pas encore fragilisés par le rythme des cadences. En 2001, l'entreprise donne le coup d'envoi de son chantier TMS. Un groupe de travail pluridisciplinaire est aussitôt constitué, associant quatre opérateurs, un responsable d'unité de production - cluster dans le jargon maison -, ainsi que des personnes des méthodes, des services médical et prévention-sécurité. « Par souci de neutralité », Scania retient l'Aract (Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail) Pays de la Loire pour assurer un programme de formation-action.

« Dès le départ, il y a eu une réflexion commune avec la direction. Nous nous sommes d'emblée interrogés sur le long terme », souligne Dany Eveno, le secrétaire du CHSCT. Parallèlement, la société met les bouchées doubles sur le plan de la communication. Des films de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) sont projetés aux salariés, les gestes et postures à proscrire sont affichés dans les ateliers. Quant au journal interne, il relaie abondamment le dispositif.

Outils d'analyse

En 2002, alors que la formation Aract se poursuit, la prévention entre dans une phase plus active avec l'utilisation, sur trois clusters, de deux outils d'analyse des postes de travail. Le site ligérien noue, par ailleurs, des contacts avec d'autres entreprises concernées par ces maladies, de manière à benchmarker les meilleures pratiques. Le fabricant vendéen de bateaux, Jeanneau, est, par exemple, sollicité.

Au printemps 2002, le plan de bataille contre les TMS est présenté au comité de direction. Le groupe de travail décide, finalement, de retenir la grille d'analyse des postes en place chez Renault et de lancer une démarche ergonomique. Avantage de sa méthode : « Elle prend en compte la complexité des opérations et les facteurs organisationnels, ce que l'on appelle la contrainte cognitive. De plus, explique Agnès Malinge, infirmière chez Scania, elle permet de visualiser les améliorations. »

Inaugurée début 2003, la démarche vise, à terme, à intégrer l'ergonomie dans la conception des postes et l'appareil de production. Six postes de travail ont, aujourd'hui, été soumis à la grille Renault, qui sera peu à peu étendue. « Nous avons commencé par les postes critiques. Dans chaque cluster, un correspondant TMS a été nommé. Ce qui nous permet d'être très réactifs par rapport à une difficulté rencontrée », affirme Michel Cherruault, le responsable prévention-sécurité.

Bons résultats

Quant aux facteurs psychosociaux, dont l'impact sur les TMS est aujourd'hui prouvé, ils seraient quasiment inexistants chez Scania. C'est, en tout cas, ce qu'a démontré une enquête épidémiologique du CHU d'Angers, dont les résultats ont été restitués fin 2002. « Alors que, dans les Pays de la Loire, 15 % des salariés sont soumis à une forte demande psychologique et ont peu de marge de manoeuvre, c'est le cas de 5 % des ouvriers chez Scania. C'est un très bon résultat », confirme Yves Roquelaure, médecin et ergonome au CHU d'Angers. « Nous avons un très bon climat social, martèle Bernard Proux. Le système de management des RH est correctement relayé par les cadres. »

Absentéisme en baisse

Il est vrai que la société angevine aligne des indicateurs qui feraient rêver nombre de patrons d'usine. Un exemple ? Le taux d'absentéisme, en baisse continue depuis plusieurs années, s'est élevé à 3 % en 2003, contre 3,4 % un an plus tôt. « Depuis notre installation à Angers, il n'y a pas eu un seul licenciement, ni aucune mesure de chômage partiel ou technique », s'enorgueillit le DRH. Autre fierté de Bernard Proux : les salariés de Scania Angers ont le privilège de ne pas badger. Quant aux salaires, ils seraient de 10 % à 30 % supérieurs à ceux pratiqués dans la région.

Cette politique sociale, les salariés de Scania la doivent, en partie, à Martin Lundstedt, l'actuel Pdg scandinave, qui a débarqué dans le Maine-et-Loire en juin 2001. « Je considère le capital humain comme le moteur de l'entreprise. La productivité n'est nullement un objectif, c'est un résultat. Et celui-ci ne peut être obtenu que grâce à de bonnes pratiques sociales et une reconnaissance professionnelle de nos collaborateurs. La prévention des TMS découle de cette stratégie. En 2003, précise-t-il, les chantiers liés à l'amélioration des conditions de travail ont représenté 70 % de nos investissements. » « Scania a ce double avantage d'être sain financièrement et d'avoir un Pdg investi sur le champ social. Mais attention, prévient le docteur Roquelaure, l'édifice reste très fragile. La guerre contre les TMS se gagne sur le long terme. »

Rythme de production

Qu'adviendra-t-il, par exemple, si le rythme de production, qui plafonne actuellement à 42 camions/jour, monte en puissance dans les mois à venir ? La pratique du takt time, consistant à imposer à l'ouvrier un délai durant lequel il doit réaliser une opération, sera-t-elle encore supportable ? Ces questions, certains salariés commencent à se les poser.

« Nous redoutons les périodes de plus forte activité, avance Patrick Boucher, un opérateur adhérent de la CGT, syndicat nouvellement implanté dans l'entreprise. Scania est en perpétuelle réflexion sur l'organisation du travail. Aujourd'hui, l'heure est à la standardisation. Une chose est sûre : l'actionnaire veut éradiquer les temps de pause. C'est contradictoire avec la prévention des TMS. »

De son côté, Marc André, le délégué syndical CFDT, remarque que le taux de charge de 90 %, signifiant qu'un ouvrier doit consacrer 90 % de son temps à effectuer une tâche, a considérablement réduit la marge de manoeuvre des salariés, tout en contribuant à distendre le lien social. J.-F. R.

Scania Production

chausson

> Activité : assemblage de poids lourds.

> Effectifs : 520 salariés,dont 350 opérateurs.

> Chiffre d'affaires : 34,772 millions d'euros, en 2002.