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L'ARME DU MARKETING RH

SANS | publié le : 10.02.2004 |

Malgré la montée du chômage, le concept du "marketing RH", qui avait émergé à la fin des années 1990, n'est pas tombé aux oubliettes. Certaines entreprises ont même cherché à l'enrichir, afin de mieux anticiper la reprise de la guerre des talents.

De 1998 à 2001, ce que certains appellent, rétrospectivement, « la première bataille de la guerre des talents » fait rage en France, comme dans le reste de l'Europe et aux Etats-Unis. La croissance, tirée par l'essor de la nouvelle économie, fait la part belle aux jeunes diplômés et aux cadres à potentiel que les entreprises s'arrachent, rivalisant dans l'imagination et la surenchère pour les séduire : grands shows au Stade de France, "golden hellos", installation d'une salle de massage dans l'entreprise, stock-options... C'est à cette époque qu'émerge le concept du "marketing RH" (ou "marketing social"). Son objectif : appliquer les recettes du marketing produit - recueil des attentes, personnalisation de la réponse, communication relationnelle... - à l'"offre entreprise", en vue de créer une "marque employeur", et de la "vendre" à ses "clients" (candidats et salariés). Une démarche alors suivie par Unilever, confronté à une baisse des candidatures due à son manque de notoriété ; mais aussi par Accor, qui crée un poste de directeur marketing des RH, ou encore par la petite SSII Cadextan (110 salariés) qui, sans toutefois utiliser le terme "marketing", communique largement sur ses "avantages employeur" (notamment, une politique RH sophistiquée : université d'entreprise, épargne salariale, événements conviviaux...).

Inversion de tendance

Mi-2001, l'éclatement de la "bulle Internet", puis l'instabilité internationale qui a fait suite aux attentats contre les Twin towers inversent la tendance. Les entreprises, attentistes, suspendent les recrutements. Puis, de nouveau, les licenciements occupent le devant de la scène. « 2003 s'est révélée l'année de la honte sur le plan social !, accuse Didier Pitelet, Pdg de l'agence Guillaume Tell, qui a déposé, dès 1998, le terme de "marque employeur". Les entreprises n'ont pas assumé la réalité économique. Elles ont créé la deuxième génération "kleenex" en dix ans (après celle de 1993-1997, NDLR). Et, d'une certaine manière, le "marketing social" a joué le rôle de complice : quand tout va bien, on communique à l'excès, et quand tout va mal, on arrête tout. » Et de conclure : « Le vrai marketing social, qui suppose d'inscrire la parole employeur dans la durée, et d'assumer qu'une entreprise va parfois bien, parfois non, n'existe toujours pas en France, dans aucune entreprise. » Un jugement sévère qui ne fait toutefois pas l'unanimité : « J'ai l'impression, que ces dernières années, le concept de marketing social a évolué et est mieux appliqué : les entreprises ont, semble-t-il, compris qu'il ne se limitait pas à la communication de recrutement, mais que la marque employeur devait se construire en interne comme en externe », estime, ainsi, Dominique Laurent, DRH d'ElcoBrandt (électroménager).

Mise en application

« Les DRH me semblent conscients de l'intérêt du concept, plus large que ce dont on parlait en période de difficultés de recrutement, et ils commencent à le mettre en application, confirme Laurence Colin, responsable du baromètre best employers, best results chez Hewitt Associates. Alors que, jusqu'à la mi-2003, on observait chez les clients une focalisation sur le court terme, on recommence, aujourd'hui, à voir de grandes entreprises qui souhaitent repenser leur offre employeur. »

Concept prometteur

Philippe Liger, le directeur du pôle attractivité et marketing des RH d'Accor, reçoit, ainsi, nombre d'entreprises venues faire du benchmarking : « Le concept va certainement monter en puissance, analyse-t-il..., même s'il n'existe pas encore de réseau des directeurs du marketing RH. » Il pourrait pourtant accueillir au moins deux membres, puisque Groupama vient de créer, au sein de sa DRH, un poste de « responsable emploi et marketing RH » !

Et si de nouvelles entreprises sont séduites par les démarches d'employer branding, celles qui s'étaient lancées les premières n'ont pas réduit leurs efforts. « Même si nous avons eu plus de facilité à recruter en 2002-2003, témoigne ainsi Didier Neyrat, directeur général de Cadextan, nous n'avons jamais levé le pied en ce qui concerne notre politique d'attraction-fidélisation : nous voulons que les gens qui viennent chez nous fassent un vrai choix. C'est le seul moyen d'éviter une envolée vers la concurrence quand la croissance sera de retour. » Même son de cloche chez Accor : « Compte tenu des pénuries qui s'annoncent, même si 2003 s'est révélée difficile en termes d'activité, nous continuons d'investir dans ce domaine », assure Philippe Liger. De même chez Carrefour : « Même si nous avons moins communiqué, nous avons continué à creuser profond, pour devenir l'employeur de référence de la grande distribution », souligne Stéphane Roussel, le DRH.

Retournement démographique

Parmi les multiples raisons qui doivent assurer, selon ses promoteurs, le succès du marketing social, le retournement démographique est généralement cité en priorité. Même si « ce n'est pas tant les départs en retraite que la contraction du nombre de jeunes qui entraînera une concurrence accrue », prédit Didier Pitelet. Et que tous les secteurs ne seront pas impactés avec la même ampleur par cette "guerre des talents".

Mais le marketing RH permet aussi de répondre à des aspirations nouvelles des salariés, en matière de relation de travail. « Nos salariés sont des adultes responsables, ils veulent se sentir utiles, savoir à quoi ils servent. Pourquoi attendre les pénuries de compétences pour répondre à ces attentes ? », s'interroge Valérie Mellul, DRH de Syntegra. Transparence, individualisation, intérêt du poste, formation, meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée, éthique, employabilité, reconnaissance, ambiance conviviale... Ces nouvelles exigences se conjuguent, notamment chez les plus jeunes, avec un consumérisme accru.

Problème d'arrimage

« L'une des vraies difficultés dans le processus de recrutement concerne l'arrimage : ce n'est pas parce que l'on a envoyé un contrat de travail que le nouvel embauché ne va pas, au dernier moment, nous lâcher », souligne Jean-Michel Levadoux, qui, depuis deux ans, pilote la démarche d'identité employeur de Groupama. « S'ils s'aperçoivent, au bout de seulement quelques mois, que la "promesse" de l'entreprise n'est pas tenue, les jeunes recrutés n'hésitent pas à partir », confirme Jean-Marc Le Gall, directeur d'études chez Entreprise & Personnel et professeur associé au Celsa.

Enfin, Philippe Liger souligne : « La dimension RH va devenir déterminante pour un certain nombre de partenaires extérieurs : agences de notation sociale, clients, actionnaires..., plus sensibles aux questions de responsabilité sociale. »

Mais attention, avertit Jean-Marc Le Gall : « Deux écueils guettent les démarches de marketing RH : celui de demeurer trop conjoncturelles, et de ne s'attacher qu'aux périphériques du travail plutôt qu'à ce qui fonde la relation de management. » Or, sur ce point, l'unanimité est de mise : c'est le meilleur moyen de créer encore plus de cynisme parmi les salariés.

Le marketing RH, définition

« Le marketing social consiste à se distinguer comme employeur, un employeur dont le management des hommes assure la réussite durable de l'entreprise et de ses salariés et permet de mieux attirer, mobiliser et fidéliser les ressources dont l'entreprise a besoin pour réussir. Il suppose de définir une ambition d'employeur, d'établir un deal clair, attractif, différenciant et crédible entre l'entreprise et ses salariés, de le faire savoir... et d'être exemplaire dans le management des hommes. » Laurence Colin, consultante Hewitt Associates.

L'essentiel

1 Né à la fin des années 1990, le marketing social vise à appliquer les recettes du marketing produit à l'"offre entreprise".

2 Malgré la hausse du chômage, le concept s'est développé et enrichi, notamment en anticipation de la guerre des talents.

3 Le concept est cependant à manier avec précaution, au risque de créer encore plus de cynisme chez certains salariés.