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Ne vous laissez pas déborder

SANS | publié le : 17.02.2004 |

Une nouvelle philosophie de la formation, avec un droit plus équilibré entre salariés et employeurs, de nouvelles pratiques à en attendre : concrètement, comment réagir ?

Alain-Frédéric Fernandez, consultant en ingénierie pédagogique et management (1), a décrypté le texte de la loi (modifiant le livre ix du Code du travail) adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 6 janvier dernier, sous l'angle du responsable formation. Il en a déduit 77 pistes d'action et un plan de travail « qui va mobiliser les DRH et les RF pour toute l'année 2004 ». Nous vous en livrons ici les principales idées.

Dans cet article, nous utilisons le plus souvent la formule "nouvelle loi", même si le texte, récemment discuté au Sénat, n'a pas encore été officiellement promulgué.

Points urgents

Dans l'immédiat, Alain- Frédéric Fernandez conseille de travailler sur cinq ou six points urgents pour ne pas être surpris : plan annuel 2005, négociations d'entreprises, information sur le dispositif, formation des managers à l'entretien professionnel, recueil des données sur les collaborateurs. Il restera, ensuite, toute l'année 2004 pour travailler sur le DIF, le compte épargne temps, la professionnalisation et les budgets. Dans tous les cas, il sera indispensable de se rapprocher des Opca de branche ou interprofessionnels pour optimiser les dispositifs et surtout les financements.

1. Mesures financières

Le texte de cette nouvelle loi prévoit de faire passer l'obligation légale de financement de la formation des entreprises de plus de 10 salariés de 1,5 % de la masse salariale à 1,6 %.

« Il semblerait que les signataires de l'accord soient plus doués dans la fonction RH que dans la fonction finances, commente Alain-Frédéric Fernandez. En effet, l'obligation légale des entreprises de plus de 10 salariés ne passe pas à 1,6 % de la masse salariale, mais à bien plus. Si on ne compte aucuns frais pédagogiques (des formations internes, sans hébergement, ni repas ni déplacement), la contribution est de 0,2 % Fongecif + 0,5 % Alternance + 1,2 % DIF - puisque 20 heures minimum sont allouées à chaque collaborateur - , soit un total de 1,9 %. Il faut y ajouter tous les frais annexes, ainsi que les formations réalisées lorsque le collaborateur n'est pas d'accord sur les propositions de l'employeur quant à l'utilisation de son DIF. Il faut ajouter également 50 % du salaire net (sans charges) du collaborateur réalisant des formations en dehors de son temps de travail. De fait, la budgétisation de la formation devra être beaucoup plus fine. »

2. Principes réaffirmés

Le principe de la formation tout au long de la vie professionnelle pour les salariés

« L'affirmation de ce principe devrait être précisée dans le livret d'accueil de l'entreprise, remis à tous les salariés. Il faudra soigner les conclusions et s'assurer du consensus collaborateur/manager pour qu'il n'y ait pas trop de hiatus entre les propositions de formation issues de l'entretien professionnel et celles (éventuellement décalées) demandées à l'initiative du collaborateur. »

Une difficulté apparaît : « La présentation du plan de formation aux partenaires sociaux devra intégrer la distinction entre toutes les formes de formation prévues » ; mais il présente également un avantage du point de vue de l'entreprise : cette loi permet de « promouvoir les possibilités de formation hors du temps de travail dans les limites prévues. C'est ce qui est vraiment révolutionnaire dans cet accord.

3. Nouveautés techniques et nouveaux droits

Le droit individuel à la formation (DIF)

Le DIF est l'une des grandes innovations de la loi. Sa gestion va mériter beaucoup d'attention et de savoir-faire. « Tout d'abord, va se poser le problème de la négociation de branche ou d'entreprise sur la durée du DIF, note Alain-Frédéric Fernandez. Les partenaires voudront vraisemblablement négocier trois points concernant le minimum de 20 heures : une augmentation de cette durée ; à défaut, un "quota minimum" d'heures de DIF à réaliser pendant le temps de travail ; ou, à défaut, une majoration de l'allocation versée par l'entreprise pour les formations hors du temps de travail. »

« L'outil de paie et de gestion du temps va être extrêmement sollicité pour la mise en oeuvre du DIF : comptage des droits individuels en heures (CDI, temps partiels, CDD) ; gestion des cumuls et reliquats sur six ans ; gestion de la transférabilité depuis l'entreprise précédente du salarié ; tenue des comptes selon l'option choisie par le salarié lors de sa démission ou de son licenciement... »

« On parle de formalisation de l'accord entre le salarié et l'entreprise, ce qui veut dire : support normé pour cet accord (éventuellement le document servant à l'entretien professionnel) ; conditions de régularité du consentement ; procédure de contrôle et de validation de ces accords. Quelle sera la validité de l'engagement du manager de proximité au nom de l'entreprise ? »

Les cas de rupture du contrat de travail auront un impact important sur la gestion de ce DIF : « Quelles seront les conditions d'information du collaborateur à mettre en place au moment d'un licenciement ou d'une démission ? En cas de recrutement externe, il faudra prévoir que le collaborateur apporte un document (en plus de son passeport) qui indique clairement l'état de son DIF. En théorie, il pourrait avoir un crédit de 120 heures ou une action de formation prévue antérieurement. »

Avertissement du consultant : « Au cas où un collaborateur serait en désaccord deux ans de suite, il aurait accès prioritairement à un Cif. Quand on voit toutes les charges que les Fongecif auront à supporter avec cet accord, il faut s'attendre à une revalorisation importante de la contribution à court terme. »

> Les actions du plan de formation

La nouvelle loi dresse une typologie des actions conduites dans le cadre du plan de formation de l'entreprise : celles qui correspondent à des actions d'adaptation au poste de travail ; à des actions de formation liées à l'évolution des emplois ou au maintien dans l'emploi des salariés ; et celles qui participent au développement des compétences des salariés. La gestion de cette typologie risque d'être extrêmement sensible.

« Les entreprises auront intérêt à se rapprocher de leur Opca pour connaître les dispositifs de soutien aux actions d'adaptation, prévient Alain-Frédéric Fernandez. Pour ce qui concerne la formation de montée en compétences, il y a une nouvelle possibilité à explorer et à budgéter ; un maximum de 80 heures en dehors du temps de travail payées à 50 % du salaire net et exonérées de charges sociales. Il faut prévoir un support conventionnel pour ces formations afin de recevoir l'accord formel du collaborateur. »

« Il existe désormais, et il faut en tenir compte, une obligation "légale" d'assiduité pour le collaborateur, dès qu'il a accepté la formation. C'est une nouvelle piste intéressante. Mais, attention, en contrepartie, il faut se préparer, dans les conventions signées, à des demandes d'accès prioritaires à la qualification ou au poste supérieur, grâce à la formation reçue. Beaucoup de précautions sont à prendre. »

> Le contrat de professionnalisation

La nouvelle loi met en oeuvre un contrat de professionnalisation pour les jeunes et les demandeurs d'emploi, qui remplace le contrat d'alternance (contrat de qualification, à partir de la fin de cette année).

« Ce contrat de professionnalisation est une piste à travailler pour l'intégration soft des jeunes dans l'entreprise au moment de la première embauche. Il comporte un nombre d'heures de formation compatible avec l'effort généralement nécessaire en début de formation métier, estime Alain-Frédéric Fernandez. Ce contrat de professionnalisation rend licite, de fait, la pratique de l'évaluation professionnelle, parfois difficile à mettre en place dans certaines entreprises. Il sera donc profitable, en lien avec les référentiels métiers, de définir non seulement les connaissances, compétences et aptitudes professionnelles requises pour les principaux métiers de l'entreprise, mais également les modalités d'évaluation. »

En revanche, « l'outil informatique dédié à la formation devra être capable de tracer des parcours individuels de formation. Et les entreprises, quelle que soit leur taille, auront intérêt à mettre en place un véritable "centre des métiers" pour pouvoir assurer les formations et les évaluations correspondantes. »

> La période de professionnalisation pour certaines catégories de salariés

La nouvelle loi crée une période de professionnalisation pour des salariés des entreprises. « Le contrat de professionnalisation est ouvert aux salariés en poste, âgés de 45 ans, ou ayant vingt ans d'activité professionnelle (dont au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise). C'est une bonne opportunité pour favoriser l'employabilité et donc la mobilité interne. Il favorise aussi la mobilité externe puisqu'il est ouvert aux salariés qui souhaiteraient créer ou reprendre une entreprise. Jusqu'à 80 heures de formation pourraient être réalisées en dehors du temps de travail, en plus des 20 heures du DIF. Ce contrat peut être pris sur le DIF avec l'accord du salarié. »

Avertissement : « Il sera nécessaire de tracer un parcours individuel. Les entreprises doivent donc largement anticiper et songer aux financements. Attention, également, aux engagements à prendre pour l'après-formation. Le texte vise le maintien de l'emploi, mais il déborde jusqu'à une éventuelle promotion du salarié, contractualisée au préalable.

4. Le rôle de l'encadrement et des partenaires sociaux

Le rôle et les missions de l'encadrement

L'ANI (Accord national interprofessionnel) mettait en avant le rôle et les missions de l'encadrement dans le développement de la formation professionnelle, mais la loi ne reprend pas ce thème. « Cet article, dans sa formulation, laissait presque croire que le personnel d'encadrement n'est pas solidaire de la direction de l'entreprise, en parlant "d'associer plus largement l'encadrement !" La communication de l'entreprise devra être claire : c'est le manager direct qui est le mieux placé pour apprécier, anticiper et proposer les formations à mettre en oeuvre. La seconde révolution de cette loi est dans cet article. Les managers devront entrer, s'ils ne l'ont déjà fait, dans la logique de compétences comme composante intégrale de la stratégie de l'entreprise. On se reportera valablement aux enseignements de la Balanced Score Card, qui a dix ans d'avance sur le texte de loi. L'effort de formation et d'information auprès des managers est sans doute la priorité pour les trois prochaines années. »

> Le développement de la fonction tutorale

La nouvelle loi valorise le rôle du tutorat : « Le développement de la fonction tutorale nous semble le moyen le plus concret de mettre en oeuvre le concept "fumeux" de knowledge management, en permettant la reconnaissance de l'expertise des collaborateurs. La formulation de leur expertise, dans le cadre de leur fonction partielle de formateur, est une façon de stocker dynamiquement leurs savoir-faire. En dehors de leur formation pédagogique, ces tuteurs devront être formés à tous les dispositifs de formation, en particulier ceux évoqués par cette loi. L'entreprise saisira, sans doute, la chance d'offrir une voie promotionnelle non hiérarchique valorisante aux futurs tuteurs. »

> Le rôle des instances représentatives du personnel

La nouvelle loi incite les entreprises à élaborer et à actualiser, chaque année, un programme pluriannuel de formation. Un bilan de la mise en oeuvre de ce programme sera présenté pour avis aux instances représentatives du personnel avant la fin du premier semestre suivant la période pluriannuelle.

« Ce rôle renforcé des instances représentatives du personnel nécessite de vérifier qu'une commission de formation est bien en place dans l'entreprise et fonctionne conformément aux dispositions législatives et réglementaires. Anticiper sur la mise en place d'un plan pluriannuel de formation est une opportunité, car on peut lisser des opérations importantes sur plusieurs exercices. Mais il faut prévoir la nouvelle réunion de présentation de ce plan pluriannuel durant le quatrième trimestre 2004, et anticiper, également, les modifications qui interviendront sur la présentation des annexes à la 2 483

5. Mesures diverses

La notion d'action de formation

La nouvelle loi propose d'étendre le champ de définition de la notion de formation, pour, notamment, favoriser l'individualisation, la formation en situation professionnelle et les nouvelles technologies éducatives.

« Cet élargissement de la notion de formation nécessitera de mettre en place un outil de reporting des heures de formation, mais également des heures de préparation des formations par les tuteurs internes. Des contrats clairs de prestation avec les fournisseurs de e-learning faciliteront la comptabilisation des heures. Il sera possible de calculer les coûts de la recherche et du développement en ingénierie pédagogique. En revanche, la comptabilisation des actions de préparation à la VAE est une notion floue que les textes réglementaires viendront peut-être préciser. »

> La validation des acquis de l'expérience (VAE)

La nouvelle loi propose de développer la VAE, y compris dans les politiques de formation des entreprises, ce qui confirme la précédente loi du 17 janvier 2002.

Ce développement, alerte Alain-Frédéric Fernandez, nécessitera de « prévoir une communication fine sur le dispositif de la VAE - conditions d'accès, intérêt, financement, temps de travail ou RTT, etc. - pour ne pas laisser le champ à une communication "en réaction" qui serait négative », en parallèle à ce qui sera fait dans les branches (certifications spécifiques).

Surtout, « qui dit "démarche individuelle" dit difficultés de budgétisation prévisionnelle ; il faudra donc intégrer une procédure de demande et une grande rigueur dans le traitement des entretiens professionnels annuels. Il sera nécessaire de s'approprier les résultats des travaux de branche et interprofessionnels sur les équivalences ».

Autre aspect incident : un certain nombre de collaborateurs "experts" souhaiteront, de leur propre initiative, participer aux jurys de validation des acquis de l'expérience. Il faudra anticiper en organisant le cadre et les prérequis.

> Les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications dans toutes les branches

Il serait utile de « prévoir la structure de veille qui permettra de s'approprier et de tenir compte, le cas échéant, des travaux de ces observatoires », analyse Alain-Frédéric Fernandez.

> Le congé individuel de formation (Cif)

La nouvelle loi renforce le Cif en lui accordant davantage de financement. « Il convient de rappeler aux managers les dispositions du Cif pour qu'ils ne soient pas moins bien informés que leurs collaborateurs, prévient Alain-Frédéric Fernandez. La DRH devrait se rapprocher du Fongecif de son ressort pour connaître les orientations de celui-ci en matière de soutien à tel ou tel projet ou en matière de procédure spécifique. »

> Un compte épargne temps formation

L'accord propose la généralisation du principe du compte épargne temps (CET) à la formation.

« Il y a une opportunité, pour les entreprises ne l'ayant pas encore fait, de négocier un accord d'entreprise sur le CET, commente Alain-Frédéric Fernandez. Cette mesure est très incitative pour les salariés qui souhaitent se former en dehors du temps de travail. Il faut organiser une communication fine sur le sujet auprès de l'encadrement et d'un personnel ciblé. »

> L'égalité d'accès à la formation professionnelle entre les hommes et les femmes

La nouvelle loi recommande aux entreprises de favoriser l'accès des femmes aux dispositifs de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de bilan de compétences. (L'article L.900-5 incite même à la discrimination positive.)

« Il faudra développer l'information autour des ratios hommes/femmes en matière de formation professionnelle, au-delà du minimum actuellement exigé dans la présentation du plan de formation et autres reporting sur la formation.

7. Éléments non repris dans la loi

Certains éléments de l'ANI n'apparaissent pas dans la loi, mais pourraient être intégrés dans un texte ultérieur. Autant s'y préparer.

L'entretien professionnel et l'accès au bilan de compétences font partie de l'accord, mais ne sont pas repris par la loi et devront donc être mieux définis par un autre accord à venir, avant juin prochain.

L'accord précise qu'un entretien professionnel est proposé par l'entreprise à chaque salarié tous les deux ans au minimum. Alain-Frédéric Fernandez en déduit plusieurs actions à mener. Il s'agit non seulement de normer un support d'entretien professionnel lisible et commun aux managers et aux collaborateurs ; d'informer ces derniers sur l'importance et l'engagement mutuel autour de ce support d'entretien ; et de former les managers à la conduite de cet entretien. Mais, il faudra également, « choisir de distinguer ou non l'entretien professionnel et le ou les entretiens opérationnels ; décider, dans tous les cas, d'une périodicité pour ce ou ces entretien(s) ; prévoir ou adapter l'outil de consolidation des actions demandées et l'incrémentation directe du dossier de chaque collaborateur ».

La mise en place de ces entretiens va nécessiter, également, des réflexes de régulation. Il s'agira, entre autres, de « prévoir l'arbitrage en cas de désaccord entre un collaborateur et son manager », et de « décider du traitement des demandes de VAE ». Enfin, Alain-Frédéric Fernandez se demande s'il n'est pas nécessaire d'« envisager la constitution d'un comité de pilotage, paritaire ou non ».

« Le gap sera d'autant plus facile à franchir, analyse le consultant, qu'il y aura déjà, dans l'entreprise, une culture de l'entretien annuel et un important pourcentage de retours de ces entretiens. L'obstacle principal devrait être le SIRH ; le système informatique n'est peut-être pas prêt à l'incrémentation des entretiens annuels et à leur consolidation. Enfin, il y a l'opportunité considérable d'impliquer les managers dans la formation des collaborateurs et de faire entrer la culture de la stratégie. »

Autre élément contenu dans l'ANI, mais absent de la loi : le passeport de formation, susceptible, également, de faire l'objet d'un accord avant juin 2004.

L'accord propose la création d'un passeport de formation pour chaque salarié. Ce passeport, analyse Alain-Frédéric Fernandez, imposera de « mettre à jour les bases de données du SIRH sur chaque collaborateur : diplômes, parcours professionnel précédent, formations suivies avant l'entrée dans l'entreprise, mais aussi dans l'entreprise actuelle, fonctions tenues... » Les référentiels métiers, s'ils existent, devront être mis en phase en déclinant les connaissances, compétences et aptitudes professionnelles requises. Pour toutes les formations en cours ou à venir, une description synthétique des connaissances, compétences ou aptitudes professionnelles qu'elles permettent d'acquérir devra être envisagée. De même, pour toutes les formations, la délivrance d'attestations individuelles de formation, avec la mention des connaissances, compétences et aptitudes professionnelles acquises par le stage, doit être prévue. Là encore, l'aspect communication sera fondamental. Il sera donc souhaitable de « former les managers, les formateurs internes et futurs tuteurs à la définition et à la formulation des connaissances, compétences et aptitudes professionnelles, en prévision des entretiens professionnels et de la définition d'actions de formation à porter à l'annexe du passeport. Et de refaire l'information des collaborateurs sur la mobilité interne pour favoriser l'employabilité ».

Enfin, il sera judicieux de « prévoir et de définir avec précision, dans les annonces de recrutement interne, les connaissances, compétences et aptitudes professionnelles nécessaires pour tenir le poste proposé ».

« Ce passeport de formation est un bel outil, un vrai CV normalisé, lisible par tous de la même façon, par l'entreprise (GPEC, recrutement, mobilité interne, rémunération) et par le salarié qui prend en charge son projet de professionnalisation et sa mobilité externe, constate le consultant. Il faudra, néanmoins, être attentif et prudent (mention légale) sur les informations fournies par les collaborateurs et qui ne seraient pas appuyées par des documents (certificats de travail, attestations de stage, photocopies de diplômes). Les managers devront saisir l'opportunité de reprendre la main dans la composante RH de leur fonction.

(1) Alain-Frédéric Fernandez est, aujourd'hui, responsable du cabinet Fair-play. Il a été, auparavant, DRH formation de Cofinoga, attaché parlementaire spécialiste des textes sur la formation, directeur commercial chez Unilever, et responsable de marchés Johnson.

Un calendrier compliqué

La mise en musique de la nouvelle loi sur la formation ne va pas être simplifiée par le calendrier législatif et réglementaire. Surtout quand on entend François Traisnel, chef du service de la formation continue au Medef, déclarer (en janvier, à l'occasion d'une rencontre autour de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 et de la loi Fillon) : « Les entreprises auront les éléments nécessaires pour élaborer leur plan de formation 2005 - publics concernés par le contrat et les périodes de professionnalisation, précisions sur le DIF (droit individuel à la formation), catégorisation des actions de formation, organisation de la formation hors temps de travail... - autour du 14 juillet 2004. »

Le projet de loi, adopté par les députés le 6 janvier 2004, est examiné au Sénat, en séance publique, depuis le 3 février. En raison de la saisine du Conseil constitutionnel sur le titre ii (dialogue social), la loi ne devrait pas être publiée avant le 15 mars 2004. Suivra un important travail réglementaire sur le texte : 22 décrets, au moins, pourraient être pris en application du volet formation de la loi, et c'est au mois de juin que le processus final devrait être arrêté. En parallèle, les branches vont engager des négociations sur la transposition de l'ANI (notamment sur le contrat de professionnalisation, le DIF). Certaines ont, d'ores et déjà, débuté leurs travaux.

D'autre part, à la mi-mars, les partenaires sociaux procéderont à un debriefing de la loi au regard de l'accord national repris dans leur accord général conclu le 5 décembre dernier. Ils fixeront aussi le calendrier des négociations interprofessionnelles à venir sur l'entretien professionnel et le bilan de compétences, le passeport-formation et la VAE (validation des acquis de l'expérience). Ces thèmes pourraient faire l'objet d'une ou plusieurs négociations.

Financement du droit individuel à la formation : un danger ?

Une question taraude actuellement les organisations syndicales patronales et les entreprises qui en ont pris conscience : les financements du DIF doivent-ils être provisionnés par les entreprises ? En d'autres termes, les chefs d'entreprise doivent-ils prévoir, dans leur comptabilité, d'accumuler des provisions pour financer les futurs DIF, qui ne manqueront pas d'être demandés par les salariés ? La question est extrêmement importante, car de la réponse dépendent les comptes de l'entreprise. Problème : le conseil national de la comptabilité, c'est-à-dire le ministère des Finances, ne s'est pas encore prononcé sur la question. Et l'incertitude crée de l'angoisse.

Selon un expert-comptable : « En pure théorie, le droit étant né, il devrait être provisionné selon un système de calcul en nombre d'heures et d'après un coût moyen. Mais, en pratique, la possibilité que le DIF s'impute sur le plan de formation réduit l'obligation de provisionnement. Ce point n'est pas encore tranché. Le conseil national de la comptabilité devrait se prononcer fin juin prochain. »

Cette question financière est déterminante pour l'avenir du DIF. Le provisionnement accentuerait le droit, et on pourrait même penser que le DIF deviendrait une créance prioritaire de l'entreprise. En cas de fermeture de celle-ci, les financements du DIF pourraient être dus aux salariés comme les congés payés le sont.

Le provisionnement aurait un autre impact : celui sur la trésorerie et sur la politique des Fongecif et des Opca collectant encore le Cif. Sachant que le DIF est provisionné et qu'un salarié ayant essuyé deux refus de DIF par son employeur deviendrait prioritaire pour obtenir un Cif, l'existence de cette provision serait alors certainement prise en compte dans l'élaboration des politiques des Fonds gestionnaires de Cif, qui pourraient y voir une sorte de collecte supplémentaire indirecte.

Mais l'inverse peut se produire : un DIF sans provisionnement. Que se passerait-il, alors, si de nombreux salariés demandaient en même temps l'utilisation d'un DIF accumulé pendant plusieurs années ? Se verraient-ils opposer une fin de non-recevoir pour cause de non-financement ? Ce droit mis à mal risquerait de créer des tensions sociales importantes.

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