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Une interv ention du CEE plus fréquente

SANS | publié le : 15.06.2004 |

Dans les textes, le rôle des CE européens lors de restructurations reste limité. Quelques initiatives démontrent, néanmoins, un élargissement de sa légitimité et, dans une moindre mesure, sa plus grande participation lors d'un processus de réorganisation.

La directive est formelle : les comités d'entreprise européens (CEE) sont informés et consultés sur les questions transnationales. En clair, la direction d'un groupe n'est tenue d'informer son CE européen d'une restructuration que si elle concerne au moins deux sites, implantés dans au moins deux pays différents. Une absurdité pour Rachid Brihi, avocat associé du cabinet Grumbach & Associés : « On sait très bien qu'une restructuration a des incidences sur un périmètre bien plus large que les seules entités concernées. » Si, pendant longtemps, les accords fondateurs des CEE suivaient à la lettre cette règle de transnationalité inscrite dans la directive de 1994, il semble que les choses évoluent.

Evénements exceptionnels

Ainsi, le groupe Cerp Lorraine (1 560 salariés en France et en Belgique), spécialisé dans la répartition pharmaceutique et dans l'informatique officinale, a inscrit, dans son accord du 29 novembre 2002, la convocation de son CEE en cas d'événements transnationaux, mais aussi nationaux, dont le caractère est exceptionnel. « De plus, si la décision relève du groupe ou si la décision de la société dominante affecte gravement l'emploi dans un quelconque pays représenté au comité, ce dernier est obligatoirement convoqué », ajoute Jacques Perrin, le DRH.

Autre exemple : l'accord du groupe agroalimentaire Céréol (5 700 salariés), du 30 avril 2002, précise que les questions ne concernant qu'un seul pays pourront être évoquées si elles ont des répercussions dans d'autres pays. Par ailleurs, lors de la fermeture d'un site, un représentant du personnel de l'entité concernée sera invité à assister à la réunion du comité.

Transnationalité

Chez AXA, le principe de la transnationalité prévaut. « Pour autant, explique Alain Rohaut, DRH groupe, la réunion du comité restreint est envisagée en cas de circonstances exceptionnelles affectant les intérêts d'au moins la moitié de l'effectif d'un pays. Et rien n'empêche les représentants du personnel du CEE de nous interpeller sur un sujet de restructuration nationale. Il est habituel, au sein du CEE, de répondre à l'ensemble des questions. »

Enfin, les CEE d'EDF et de GDF, nés le 14 novembre 2001, sont compétents sur les sujets concernant une filiale située hors de France, « dès lors, ajoute Florence Cordier, chef de mission en charge des relations sociales du groupe EDF, que la restructuration relève d'une décision de l'entreprise dominante, ou est une conséquence directe de l'une des orientations prises par le groupe ». Autrement dit, une réorganisation décidée en local sera débattue en local.

Ordonnances de référé

Reste à savoir à quel moment aborder la question des restructurations avec le CEE. Rien, dans la directive, ne permet de le dire. Alors, le débat fait rage entre ceux qui jugent que le CEE doit être consulté après les instances nationales et ceux, comme Rachid Brihi, qui plaident pour la primauté de la représentation européenne. L'année dernière, deux ordonnances de référé des tribunaux de grande instance de Nanterre et de Paris, concernant Alstom et Altadis, ont donné raison à ces derniers. A cela s'ajoute la jurisprudence Vilvorde.

« Les directions de groupe considèrent qu'il faut privilégier les instances nationales, car c'est là que sont débattues les mesures d'accompagnement des restructurations. Pour autant, les juges considèrent que la diffusion des informations doit permettre la concertation des partenaires sociaux en vue de rendre possible la modification des résolutions initiales. A mon sens, c'est donc qu'il doit bien y avoir au CEE une finalité de la consultation », avance Rachid Brihi.

Moyens d'analyse

Cela étant dit, « une fois l'information et la consultation engagées avec la direction, quels sont les moyens des CEE pour analyser la situation ? Comment pèsent-ils sur la décision de la direction ? s'interroge Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général de l'Université européenne du travail. Certains représentants du personnel estiment avoir les moyens de faire connaître leurs positions en amont de la procédure. Sont-ils entendus ? Je suis sceptique ».

L'affaire Alstom, pour n'en citer qu'une, laisse à penser que l'énergie dépensée par certains représentants est parfois vaine. Ainsi, les membres du CEE ont rencontré Mario Monti, commissaire européen à la Concurrence, en février dernier, pour lui présenter leur diagnostic de la situation du groupe. Une délégation a également été reçue par les membres du cabinet d'Anna Diamantopoulo, ex-commissaire européenne chargée de l'Emploi et des Affaires sociales.

« Mais c'est par les journalistes que nous avons été informés des comptes du groupe présentés par Patrick Kron, le président, le 26 mai dernier, alors que le CEE se réunissait la semaine suivante, explique Francine Blanche, coordinatrice des syndicats européens du groupe. Par ailleurs, les secteurs turbines industrielles et transmission et distribution d'énergie ont été vendus sans information au CEE. »

Concertation communautaire

Quelques exemples démontrent, toutefois, qu'une concertation est possible à l'échelle communautaire. Ainsi, le comité restreint du CEE d'Aventis a travaillé avec la direction dès l'annonce initiale du projet de cession de CropScience (*). Certains membres ont même pu rencontrer le repreneur. Lors de la tentative de rapprochement de Schneider avec Legrand, en 2001, un groupe comprenant différents représentants du personnel, dont ceux du CEE, s'est constitué pour débattre de l'opération avec la direction.

Enfin, le contenu de l'accord signé, en 1997, entre Danone et l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation (Uita), sur les obligations du groupe lors de restructurations, a été soumis, au préalable, au CEE.

Beaucoup reste à faire

Claude-Emmanuel Triomphe en convient : « Il y a du mieux, même si beaucoup reste à faire pour qu'au sein de cette instance européenne, des positions communes sur des actions communes voient le jour. » Et en la matière, les employeurs ne sont pas les seuls fautifs. Les syndicats, à travers l'Europe, n'ont pas la même vision de leur rôle, comme le confirme Francine Blanche : « Quand certains pensent qu'il faut intervenir en amont et être force de propositions, d'autres situent leur action au niveau des conséquences d'une restructuration. »

(*) Les comités d'entreprise européens face aux concentrations, alliances et restructurations , Les cahiers de la Fondation n° 51-52, Europe et Société.

Groupe EDF : une ligne de conduite européenne

Dans le cadre d'une vaste concertation, menée en 2002, le CEE d'EDF a été le théâtre de consultations portant sur la politique du groupe en matière de restructurations. Au final, un texte instituant « un cadre de cohérence en matière d'anticipation et d'accompagnement social des restructurations industrielles » a été présenté en CEE, le 14 mai 2003. « Nous avions la volonté de rappeler que le groupe, s'il doit s'adapter pour la sauvegarde de sa compétitivité et le développement de sa croissance, garde, néanmoins, pour ambition forte d'être une référence en matière de développement durable et de responsabilité sociale dans son secteur », expose Florence Cordier, chef de mission en charge des relations sociales du groupe EDF. D'où l'élaboration de six principes communs applicables dans toutes les sociétés du groupe.

Anticipation

Principe d'anticipation : il confirme la participation de la fonction RH à la préparation des décisions stratégiques et la prise en compte des conséquences sociales et des coûts de ces dernières. A cette fin, la réalisation d'études en amont est prescrite afin de mesurer l'impact sur les sites, sur les métiers et sur les emplois et d'en évaluer les conséquences sur les bassins d'emploi. Il s'agit, également, de déployer des actions pour les salariés qui préparent et facilitent les évolutions nécessaires (développement des parcours professionnels, de la mobilité et de la capacité d'adaptation pour une reconversion éventuelle).

Principe de dialogue social avec les syndicats et les représentants du personnel : il sous-entend l'information des instances de représentation du personnel au niveau local et, le cas échéant, dans le cadre du CE européen, ainsi que la mise en place d'un système de suivi des mesures d'accompagnement social associant les représentants du personnel.

Principe de responsabilité vis-à-vis des salariés et des économies locales : il consiste à examiner systématiquement les mesures visant à éviter ou à limiter les licenciements collectifs contraints, les mesures de départs volontaires et les mesures d'âge.

Subsidiarité

Principe de subsidiarité et de suivi de mise en oeuvre : il prévoit un système d'échange d'informations adapté, afin de réaliser le partage et la capitalisation des expériences.

Principe d'intégration et de motivation des salariés : les restructurations doivent être l'occasion du développement de nouvelles formes de travail.

Principe de solidarité au niveau groupe : il prévoit la mise en place d'un appui méthodologique aux sociétés du groupe confrontées à une restructuration dans l'élaboration d'un dispositif d'accompagnement. C. L.