logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

LA FRONDE ANTI-35 HEURES

SANS | publié le : 22.06.2004 |

Le gouvernement a choisi de porter, une nouvelle fois, le fer contre la RTT. Mais au-delà de la bataille des coûts, qui divise gauche et droite, peu d'entreprises ou de branches ont opté pour un retour en arrière. Portrait des pionnières.

Pour ou contre les 35 heures ? Le rapport de Patrick Ollier (UMP), président de la mission parlementaire sur la réduction du temps de travail, rendu public en avril dernier, a fait l'effet d'un détonateur : en révélant le coût exorbitant de cette loi, il a ravivé la polémique. D'après ses estimations, les 35 heures ont coûté 10 milliards d'euros : 8 milliards d'euros d'allègements de charges imputables à la réduction du temps de travail (sur 15,9 milliards d'euros, tous allègements confondus), en 2003, et 2 milliards d'euros en coûts directs pour les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière. Une bombe. Les critiques n'ont pas traîné. Face à une conjoncture dégradée et aux prises avec Bruxelles sur les dérapages des déficits publics, Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Economie et des Finances, a aussitôt qualifié cette mesure de « contresens économique ». Jean-Pierre Raffarin lui a emboîté le pas en la taxant de « mauvaise loi ». L'idée de détricoter les 35 heures fait donc son chemin.

Guerre des chiffres

L'orage menaçait depuis quelque temps. Il a éclaté, dès octobre dernier. Alain Lambert, alors ministre du Budget, indiquait que, sans les 35 heures, la France serait « probablement en dessous des 3 % du PIB » de déficit public, la limite fixée par le pacte de stabilité européen. Le constat a, il est vrai, été démenti par le PS, qui rétorque que la RTT a aussi créé des emplois et généré des recettes fiscales et des cotisations sociales supplémentaires.

Au-delà de la polémique, qui divise, chiffres contre chiffres, droite et gauche, François Fillon, l'ex-ministre des Affaires sociales, pensait pourtant avoir trouvé un biais pour contourner cette mesure. Sa loi de janvier 2003 devait apporter suffisamment de souplesse aux entreprises pour autoriser ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus à le faire. Elle permettait de revoir le plafond des heures supplémentaires en le relevant de 130 à 180 heures et de diminuer le coût de "l'heure sup" en l'abaissant de 25 % à 10 %.

Marge de manoeuvre

En théorie, cette mesure était donc destinée à contourner la loi. L'idée étant de donner plus de marge de manoeuvre aux branches qui devaient négocier de nouvelles règles. Un an et demi après le vote de la loi, qu'en est-il ?

Peu, en fait, ont fait acte de rébellion : seules 27 branches (horlogerie, tourisme, pompes funèbres...), sur 130 de plus de 10 000 salariés, ont proposé de nouveaux aménagements. Un faible bilan au vu des critiques. Les entreprises n'ont pas, non plus, joué le jeu, hormis quelques exceptions. C'est le cas, par exemple, du groupe avicole Doux, qui propose, désormais, une nouvelle modulation horaire en diminuant le nombre de jours de RTT. C'est aussi l'option choisie par la direction de Secafi-Alpha, un cabinet de conseil aux comités d'entreprise, qui souhaiterait imposer un forfait jours à trois niveaux. A Venissieux (Rhône), Bosch (équipementier automobile) a, lui aussi, franchi le pas. Deux syndicats de l'entreprise, la CFDT et la CFE-CGE, viennent de signer un accord d'aménagement du temps de travail augmentant de 35 à 36 heures la durée hebdomadaire. D'autres, à l'image de cette agence de relations publiques, ont tenté, mezza voce, de suspendre le dispositif de RTT en raison de la mauvaise conjoncture. Mais, au fond, peu ont voulu revenir sur les équilibres trouvés.

Ne pas revenir sur les accords

Les branches professionnelles, tout comme les entreprises, n'ont pas du tout envie de remettre le sujet sur la table, et ce, d'autant que les contreparties avaient été négociées : flexibilité, annualisation... Pour Jean-Luc Vergne, DRH de PSA, « l'accord sur les 35 heures est un accord gagnant-gagnant, avec des allègements de charges et sans pertes de salaire. Le groupe a trouvé le bon rythme dans ce dispositif et il ne serait pas bon que, demain, on le remette en cause avec les allègements de charges. Cela mettrait à mal la compétitivité de PSA ».

Préconisation de deux régimes

Le Medef, lui-même, ne demande pas un retour en arrière. La loi Fillon n'a pas totalement atteint son but. En tout cas, elle n'a pas eu les effets escomptés.

Dans ce contexte, faut-il mener une nouvelle attaque frontale contre les 35 heures ? Nicolas Sarkozy préconise de créer deux régimes susceptibles de cohabiter dans les entreprises : un pour ceux qui veulent rester aux 35 heures et un pour les autres, ce qui permettrait, au passage, d'économiser sur les exonérations de charges sociales. Un système qualifié de « double faute » par Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président général de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). Dans une tribune parue dans Le Monde du 11 juin dernier, le responsable patronal explique que les lois Aubry avaient augmenté, une première fois, les coûts du travail, et craint qu'une loi Sarkozy ne l'augmente une deuxième fois.

Patrick Ollier, le président de la mission parlementaire, avait, de son côté, proposé un nouveau contrat de travail, à 120 %, soit 42 heures par semaine. Pour ceux qui souhaitent travailler plus, comme il existe des contrats à temps partiel pour ceux qui souhaitent travailler moins. Mais le flou persiste concernant les intentions du gouvernement.

Pas de rendez-vous pris

De fait, aucun calendrier n'a jusqu'ici été fixé pour mettre en oeuvre de nouvelles mesures d'assouplissement sur les 35 heures. Le gouvernement avait pourtant donné dix-huit mois aux branches pour faire de nouvelles propositions sur le quota d'heures supplémentaires, sur les taux de majoration, sur l'extension du forfait jours ou encore sur le compte épargne temps. C'est en juillet prochain que le décret transitoire devait être réexaminé au vu des négociations de branche. Mais aucun rendez-vous n'a été pris. Martine Aubry peut, à court terme, être rassurée.

L'essentiel

1 Combien ont coûté les 35 heures ? Si Patrick Ollier, président de la mission parlementaire sur la réduction du temps de travail, annonce le chiffre de 10 milliards d'euros pour 2003, Jacques Freyssinet, membre de Lasaire, avance, lui, un montant de 3 milliards d'euros.

2 La loi Fillon qui proposait des assouplissements n'a pas totalement atteint son but : 27 branches seulement ont signé de nouveaux textes.

3 Le gouvernement a peur de mener une nouvelle attaque frontale contre la RTT. Pour l'heure, aucun calendrier n'a été fixé pour discuter sur de nouvelles mesures.