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Tableaux de bord ou tableaux de maîtres ?

SANS | Chronique | publié le : 14.09.2004 |

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Tableaux de bord ou tableaux de maîtres ?

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Rentrée des classes pour tout le monde. Et même pour les consultants. Dur, dur...

Mon premier interlocuteur me remet immédiatement dans le bain : on parle suivi de gestion, outils de contrôle, tableaux de bord, etc.

Et la question porte sur le bon usage de ces outils dans une approche de management des équipes.

Il sait bien qu'on ne peut pas tout résumer à des graphiques et des ratios, et que la mobilisation durable des équipes dont il a la charge passe par autre chose que le suivi quasi paranoïaque des indicateurs de production.

« N'empêche. Il faut bien quelque chose au-dessus de nos relations. Quelque chose qui nous réunisse de manière impérative ; qui nous domine ou nous fédère, comme on veut. Mais qui s'impose à nous. De manière indiscutable. Eh bien, ce quelque chose, je ne trouve pas si mauvais que ce soient des indicateurs fiables et neutres. Au fond, c'est comme si nous donnions le pouvoir, de manière consciente et acceptée, à nos performances. Ce n'est pas un renoncement. Ni une soumission. C'est une règle librement consentie. Rustique, mais pas si mal, comme logique de management, non ? »

Le pouvoir par les chiffres ? Pourquoi pas. Mais on n'échappera pas à une bonne vieille question de management : qui détient la légitimité pour fixer le niveau des objectifs chiffrés ?

Mon deuxième interlocuteur est bien différent : la renommée de son institution, le prestige de ses partenaires (je ne l'ai jamais entendu prononcer le mot «client», qu'il doit trouver vulgaire...), la sophistication du métier de «refinancement international», tout lui donne un pouvoir important, une position enviée, une sérénité de cardinal.

Le management en bénéficie. Ou s'en ressent, c'est comme on veut. Il le sait.

« Dans cette maison, la qualité de nos experts et l'indépendance statutaire de leur exercice professionnel rendent toute idée de management des équipes parfaitement saugrenue. Impossible de manager pour de vrai. Et même pas la peine de faire semblant. Chacun mène ses missions, gère son portefeuille de partenaires, arbitre sans appel. Nos comités hebdomadaires assument l'apparence d'un pouvoir auquel chacun feint de se soumettre. Nos performances économiques sont connues d'avance, négociées sur des contrats de très longue durée. Au fond, ce qui nous réunit, c'est le plaisir partagé de notre influence, notre culture commune de l'excellence. En quelque sorte, notre esthétique de l'élite. »

Pas moins ! (Il y a des moments où je sens que me gagnent de troubles pulsions anarchistes...)

Dictature des chiffres et aristocratie autoproclamée. Tableaux de bord et tableaux de maîtres. Voilà au moins deux balises bien visibles pour signaler les excès et éviter les dérives de management.

Pierre-Loïc Chantereau <www.equation-management.com>