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L'essor des outils de travail collaboratif

Dossier | publié le : 09.11.2004 | Jean-François Rio

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L'essor des outils de travail collaboratif

Crédit photo Jean-François Rio

Les solutions informatiques de travail collaboratif s'installent dans les entreprises. L'enjeu : améliorer la productivité des équipes et leur capacité à innover. Encore en retrait, les DRH devront rapidement se pencher sur ces nouvelles formes de travail en réseau.

Encore un domaine soutenu par l'informatique qui risque d'échapper à la fonction ressources humaines. Si les pratiques collaboratives ne datent pas d'hier, elles ont pris, sous l'effet de la massification des nouvelles technologies, une tout autre dimension. Faire travailler ensemble des ingénieurs dispersés dans plusieurs pays ; favoriser la gestion des connaissances dans l'entreprise ; susciter l'innovation au sein d'une communauté métier... Bref, s'affranchir des contraintes spatio-temporelles, dans un contexte de mondialisation des échanges et de quête de la performance, devient désormais possible. « Le travail collaboratif va devenir, dans les dix prochaines années, le problème numéro un du management », pronostique Serge Levan (lire p. 27), consultant indépendant spécialiste de la collaboration en entreprise.

L'offre se consolide

Selon le cabinet IDC, le marché des solutions de travail collaboratif devrait peser quelque 9,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006. « En France, il enregistre une croissance soutenue depuis environ un an. Le meilleur indicateur, c'est l'offre qui se consolide, notamment parce que nous assistons à une convergence entre différents outils - portails, gestion de contenus, etc. », observe Jean-Louis Counio, responsable de l'offre portail et gestion de contenus chez Valoris. « Le marché, confirme Miguel Membrado, cofondateur de Mayetic, a réellement décollé il y a deux ans, lorsque les entreprises ont fini par assimiler la messagerie électronique. Outil de travail collaboratif par excellence, celle-ci a atteint ses limites. Ce qui a fait ressurgir le besoin des entreprises pour des solutions s'adressant véritablement aux collaborateurs, et ce, dans un souci d'optimisation de leur travail. »

Travail en temps réel

Concept fourre-tout sur lequel surfent de nombreux éditeurs de logiciels, le travail collaboratif mérite une définition. Grosso modo, il s'agit de diffuser des documents de travail en temps réel, de les faire partager, et de faire évoluer le fonds documentaire à partir de n'importe quelle localisation. Du travail en peer-to-peer, en quelque sorte. Mais c'est aussi, pour des individus, la faculté de pouvoir travailler en temps réel. « Nous passons de l'ère du face-to-face à celle du screen-to-screen », analyse ainsi Serge Levan.

Deux familles d'applications

A partir de là, se greffent de multiples applications. Lesquelles peuvent être regroupées en deux familles : les outils synchrones et asynchrones. Les premiers recouvrent des fonctionnalités de type messagerie instantanée (lire encadré p. 16), visioconférence, net-meeting, tableaux blancs partagés ou encore chats. Les seconds reposent, quant à eux, sur des portails, des agendas partagés, des forums, des espaces de publication de documents. Les éditeurs se démarquent ensuite selon le volume d'informations que leurs solutions peuvent traiter et selon la taille de la communauté visée.

Jean Liguori, en charge du knowledge management au sein de l'unité RH de la Cegos, propose une autre segmentation, entre «outils paramétrables» (ceux commercialisés, par exemple, par des Knowings, Mayetic ou Open Text) et «outils spécifiques», mettant en jeu des spécialistes du «sur-mesure» tels que Transiciel ou Cap Gemini. « Un document Word que l'on peut amender, échanger, sur lequel on peut visionner les annotations de son collègue, est déjà une étape avancée de travail collaboratif », explique-t-il.

Partage documentaire

On trouve également du collaboratif là où l'on ne l'attend pas forcément. L'éditeur Adobe propose, ainsi, des solutions de partage documentaire gérant des cycles de révision. L'éditeur de progiciels PeopleSoft s'apprête, lui, à dédier une force de vente pour la commercialisation de son offre portail qui abrite des fonctionnalités collaboratives (groupes de discussion, chat, messagerie instantanée, etc.). « Les entreprises ont constaté qu'elles avaient besoin de fédérer des informations sensibles. Ensuite, elles ont remarqué que ces informations subissaient l'intervention de plusieurs personnes ou de plusieurs entités. C'est cette double contrainte qui pousse actuellement les entreprises vers la e-collaboration », remarque François Pichon, responsable marketing chez Open Text pour l'Europe du Sud.

Dopé par les directions opérationnelles

Plus concrètement, le marché du travail collaboratif assisté par ordinateur est, actuellement, dopé par les directions opérationnelles. La société Knowings ne s'y est pas trompée en commercialisant des «packs métiers», dont l'un vise la communauté RH. « Les concepts de développement des compétences, explique Jean-Michel Monin, son directeur général adjoint, ont basculé vers des impératifs de productivité et de performance métier. Les entreprises n'ont plus qu'un leitmotiv : se recentrer sur les métiers pour que le travail soit plus efficient. Et l'outil collaboratif ne sert qu'à accompagner cet objectif. »

Autre chantier «boostant» la e-collaboration : le travail en mode projet. Lors de la refonte de son système d'information, la CNP Assurances s'est, par exemple, offert une solution pour faire collaborer ses différents départements autour de ce projet stratégique.

De nombreuses entreprises s'équipent également pour capitaliser sur leurs savoirs clés, notamment lors d'opérations de fusion-acquisition. Atos Origin, qui a repris Sema à Schlumberger, a ainsi déployé la solution Livelink d'Open Text pour fédérer les connaissances issues de ce regroupement. En outre, des entreprises couplent une solution collaborative à un extranet pour y associer des clients ou des fournisseurs. C'est, par exemple, le cas de PriceWaterhouseCoopers ou de OMD France, une centrale d'achat d'espaces publicitaires. Intérêt : se démarquer de la concurrence en proposant une technologie innovante.

Les RH en retrait

Au final, seules les RH paraissent encore en retrait sur ces nouvelles formes de travail en réseau qui demandent pourtant un fort accompagnement, et peuvent, le cas échéant, chahuter les organisations de travail. « L'outil ne sert pas à grand-chose si, auparavant, il n'y a pas de collaboration dans l'équipe », avertit Philippe Donguy, directeur général de Spie Tondella, une filiale de Spie Batignolles qui a mis en place une plate-forme Mayetic pour gérer ses chantiers de construction en mode projet et être plus réactive face à ses prospects. C'est à la fonction RH qu'incombe, en effet, la réflexion préalable sur les règles d'usage et l'impact sur les processus de travail. « Comment réconcilier des logiques individuelles d'évaluation et des logiques de collaboration et de gestion de savoirs collectifs ? », s'interroge François Sylva, du Cnam et de l'école de management marseillaise Euromed. Faut-il récompenser la collaboration ? Sur quels critères ? De nouveaux métiers vont-ils émerger ? Sans parler de l'éternel débat sur le lien social qui, naturellement, accuse le coup. Autant de questions auxquelles les DRH devront répondre.

Transformation radicale

« En France, contrairement aux Etats-Unis ou au Canada, les DRH n'ont pas pris la mesure des phénomènes collaboratifs », regrette Michel Germain, du cabinet Synergence Majeure. « Certains métiers vont se transformer radicalement, la nature même du contrat de travail risque d'évoluer », prédit, quant à lui, Richard Collin, fondateur du KM Forum et vice-président de l'Afnet (Association francophone des utilisateurs du net).

L'essentiel

1Le marché des solutions de travail collaboratif devrait peser quelque 9,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006. En France, la croissance s'accélère depuis deux ans.

2Le travail en mode projet, la gestion des connaissances et la «performance métier» sont, aujourd'hui, les moteurs du développement des solutions collaboratives dans les entreprises.

3Les DRH devront s'intéresser à ces nouvelles formes de travailqui recouvrent de nombreuses problématiques de ressources humaines.

Les messageries instantanées : être toujours en alerte

Voilà un exemple d'usage grand public que les entreprises sont en passe d'adopter. Depuis quelques années déjà, Microsoft, AOL ou Yahoo proposent des systèmes de messagerie instantanée particulièrement appréciés des adolescents.

Aujourd'hui, les entreprises commencent à intégrer ces outils. L'ensemble des salariés utilisant un système de messagerie instantanée savent, à tout moment, qui est connecté, qui est disponible pour discuter... A partir de là, il suffit d'entrer en contact et d'échanger par écrit en temps réel.

Selon une enquête réalisée par ComSc, en juillet 2004, plus de 25 % des entreprises américaines utiliseraient des messageries instantanées pour faciliter les collaborations sur le réseau. Une tendance qui s'inscrit dans la logique d'une montée en puissance des outils collaboratifs synchrones dans les entreprises avec, notamment, les solutions de «réunions virtuelles». Une collaboration en temps réel susceptible de générer un certain stress, puisqu'elle ouvre la porte à des sollicitations quasi permanentes qui hachent l'activité quotidienne et consolident l'image d'un travail en zapping.

« L'urgent devient la norme », note Annie Jarry, déléguée syndicale CFDT chez IBM, une entreprise qui a généralisé la messagerie instantanée.

Auteur

  • Jean-François Rio