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« Mieux diffuser l'innovation en GRH dans les PME »

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 16.11.2004 | Violette Queuniet

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« Mieux diffuser l'innovation en GRH dans les PME »

Crédit photo Violette Queuniet

Trois éléments sont favorables à l'innovation en matière de GRH dans les PME : le positionnement stratégique des entreprises sur leur marché, le type de clientèle et la personnalité du dirigeant. Tout l'enjeu est de trouver d'autres leviers pour diffuser davantage l'innovation dans ces entreprises.

E & C : Qu'est-ce qu'une gestion innovante des RH dans une PME, sachant qu'elle dépend rarement de l'existence d'un service RH identifié ?

Philippe Trouvé : L'innovation se mesure à cette capacité qu'ont certaines PME à être proactives sur un certain nombre de domaines de la gestion des ressources humaines : la formation, le dialogue social, les conditions et l'organisation du travail. Cela dit, on aurait tort de penser qu'une gestion innovante des RH dans les PME doit nécessairement ressembler à celle des grandes entreprises. Dans le domaine de la formation professionnelle continue, par exemple, il est vrai qu'il y a un lien entre la taille de l'entreprise et l'intensité de la formation. Pour autant, les PME forment, d'une certaine façon, et notamment au poste de travail. De même, on peut tout à fait imaginer que des entreprises puissent fonctionner avec des formes de participation et de dialogue social innovantes hors la structuration d'instances représentatives très formalisées.

E & C : Existe-t-il un lien entre la gestion innovante des RH et la compétitivité des PME ?

P. T. : Tous les travaux sur les PME montrent une articulation évidente entre le positionnement des entreprises sur le marché des produits ou des services et les formes de gestion de la main-d'oeuvre qu'elles adoptent. On appelle cela, dans notre jargon de chercheurs, la «théorie de l'alignement». Cela signifie que les petites entreprises alignent leur mode de gestion de la main-d'oeuvre sur leur positionnement stratégique sur le marché. Or, il y en a de plus porteurs d'innovation dans le domaine de la GRH que d'autres.

On remarque que les PME qui jouent la compétition hors prix - c'est-à-dire qui essaient d'instituer des positions concurrentielles à partir d'autre chose que les prix (qualité et différenciation des produits ou des services, etc.) - sont souvent dans une stratégie d'innovation RH. En revanche, les PME qui jouent leur compétitivité sur la réduction des coûts vont aussi réduire leurs coûts sociaux. Leur gestion de la main-d'oeuvre se caractérise alors par l'absence de besoins en qualifications, peu de formation, des conditions de travail médiocres, etc.

Donc, des entreprises peuvent être compétitives sans être innovantes dans le domaine de la gestion des ressources humaines. A l'inverse, pour qu'il y ait innovation dans les RH, il faut, très souvent, que l'entreprise cherche à conquérir des positions concurrentielles hors prix.

E & C : D'autres conditions favorisent-elles l'innovation en GRH dans les PME ?

P. T. : Un élément très important est la participation du dirigeant d'entreprise à des instances de réflexion liées à l'évolution du travail et des entreprises. Très souvent, le dirigeant qui va initier des transformations dans les rapports sociaux de son entreprise est une personne qui participe à des clubs de réflexion, à des institutions de type Aract (agences régionales pour l'amélioration des conditions de travail), bref, des lieux de rencontre qui lui permettent de s'extraire du quotidien et de sortir d'une logique de répétition pour aller vers une logique de l'innovation.

Autre facteur : le type de clients de la petite entreprise. Celles qui ont le plus de difficultés à innover sont les PME qui ont pour clientèle des particuliers. A l'inverse, le fait d'avoir comme clients de grandes organisations (administrations et entreprises) - à condition que la PME ne soit pas pieds et poings liés à un seul donneur d'ordres - a une influence considérable sur la dynamique d'innovation de la PME.

E & C : Sachant que 99,9 % des entreprises françaises sont des PME et que 70 % de l'emploi salarié privé s'y trouve, n'y a-t-il pas un enjeu majeur à diffuser cette innovation en GRH dans les PME ? Qui pourrait participer à ce processus ?

P. T. : Aujourd'hui, si on laisse faire les choses, l'innovation en GRH ne progressera guère dans les PME. Les dispositifs qui peuvent aider les entreprises à s'améliorer dans ce domaine sont utilisés par celles qui mettent déjà en oeuvre des stratégies innovantes ! Ce qui pose le plus de problèmes, actuellement, ce sont les entreprises qui sont difficiles d'accès, à l'extérieur de ce mouvement-là. Il faudrait donc être capable d'aménager l'environnement des petites entreprises pour leur permettre d'aller puiser des ressources de changement et de développement. D'où l'importance de tous les organismes d'intermédiation.

Je pense, en particulier, aux Opca (organismes paritaires collecteurs agréés), qui pratiquent de plus en plus le conseil et l'accompagnement. Nous sommes en train de travailler avec le Cereq sur le rôle qu'ils pourraient jouer pour stimuler la formation dans les plus petites entreprises. Les Aract peuvent aussi jouer un rôle non négligeable, avec un avantage majeur : ce sont des structures paritaires. Leur appui est favorable à la dynamisation de la concertation sociale à l'intérieur des entreprises. Enfin, la formation des futurs dirigeants de PME gagnerait à être adaptée : combien d'étudiants d'écoles de gestion ont-ils travaillé sur des cas de PME ? C'est toujours le modèle de la grande entreprise qui prévaut. Il existe un retard permanent entre la réalité économique et les dispositifs de formation.

ses lectures

Les pratiques de gestion des ressources humaines, J. Nizet et F. Pichault, éd. du Seuil, 2000.

Sociologie de l'espérance, Henri Desroche, Calmann-Lévy, 1973.

parcours

Philippe Trouvé est directeur de la recherche du groupe ESC Clermont-Ferrand et responsable du Mastère management européen des ressources humaines. Il enseigne également à l'Université d'Auvergne.

Spécialiste des PME, il a écrit et dirigé de nombreux ouvrages sur le sujet, parmi lesquels Gestion des hommes et formation dans les très petites entreprises (avec E. Bentabet et S. Michun), éd. Cereq, coll des études, n° 72, 1999 ; Les dynamiques de PME : approches internationales (avec B. Courault), PUF, 2000 ; PME et innovations (coordonné avec C. Divry), La Documentation française, 2004.

Auteur

  • Violette Queuniet