Nous pataugeons.
Rien de plus normal, d'ailleurs, au moment de construire le «Projet stratégique» de cette grande organisation qui subit toutes les perturbations de son environnement institutionnel : quand tout change autour de soi, il est bien difficile de trouver un cap à suivre.
Découragement.
« Comment voulez-vous qu'on prenne la moindre décision un peu intelligente dans ce maelström qui nous dépasse complètement ? Jouer à colin-maillard, voilà ce qu'on nous propose ! Jouer notre avenir au Loto serait tout aussi efficace, je vous le dis. Construire un projet stratégique est impossible dans ces conditions. Que ceux qui nous imposent cet exercice commencent d'abord par mettre de l'ordre dans leurs propres projets. On verra bien, alors, si nous sommes capables de bâtir quelque chose d'utile. »
Approbation muette mais massive de l'essentiel du «groupe de réflexion stratégique», qui ne se sent pas légitime pour deviner l'avenir, et préférerait manifestement retourner cultiver son champ et atteindre ses objectifs...
Situation classique. Mais difficile. Comment convaincre d'oser réfléchir quand même et de faire des paris sur l'avenir, même par temps de brouillard ? Qu'il n'y a pas de pièges. Qu'il est plus risqué de ne rien faire que de prendre des risques pour bâtir des scénarios incertains. Comment lutter contre la soumission aux événements ?
Chacun de nous porte, en effet, un paquetage de certitudes longuement acquises dans l'apprentissage scolaire, dans la vie sociale, dans son environnement familial. Ce sac à dos nous rassure plus qu'il ne nous entrave et, d'ailleurs, avons-nous souvenir de pouvoir nous-mêmes construire notre destin, tout conditionnés que nous sommes depuis si longtemps.
Panne totale. Quoi faire ?
C'est un participant qui trouve la clé pour dénouer ce blocage.
« Nous sommes dans une sorte de «black out stratégique», c'est vrai. Une nuit épaisse. Et alors ? Avançons quand même. Mettons-nous en route, le reste suivra. Rappelez-vous les sorties nocturnes de votre enfance, la peur du noir, le chemin perdu. C'est en pédalant courageusement que la dynamo produit assez de lumière pour percer la nuit. Et c'est finalement parce qu'on avance qu'on voit le chemin. Et pas le contraire ! »
Excellente métaphore !
Pierre-Loïc Chantereau <
