logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Les syndicats passent a l'action

Enquête | publié le : 29.03.2005 | Sandrine Franchet

Image

Les syndicats passent a l'action

Crédit photo Sandrine Franchet

Malgré leur retard sur le mouvement antimondialiste, les syndicats français s'impliquent dans le débat sur les conséquences sociales de la globalisation des échanges. Ils misent sur les multinationales pour exporter les bonnes pratiques.

Pour Hubert Landier, expert des relations sociales françaises, les syndicats français « ont pris énormément de retard sur la problématique de la mondialisation, dont les thèmes ont été monopolisés par le mouvement antimondialiste. Ils tentent de se rattraper, en participant désormais aux forums sociaux mondiaux et européens, et en travaillant avec les ONG. Mais, il leur reste difficile de mobiliser leurs militants sur le fait qu'il faut aider les Chinois à améliorer leurs salaires et conditions de travail pour réduire le différentiel de niveau de vie ».

Malgré tout, les cinq confédérations ont largement mis le sujet à leur programme. Les 29 et 30 juin derniers, la CFDT réunissait 500 élus sur deux jours pour débattre du dialogue social transnational. La CGT, quant à elle, rassemblera dans quelques semaines ses élus dans les comités européens, pour échanger les bonnes pratiques.

Chantage à l'emploi

Pour les organisations syndicales, la globalisation des échanges est devenue « une donne incontournable », selon Thierry Dedieu, secrétaire confédéral au service Europe-International de la CFDT. « Qu'on le veuille ou non, l'économie est mondialisée, et il est largement temps, pour le mouvement syndical français et international, d'analyser correctement la situation et d'agir à tous les niveaux pour y répondre par la mondialisation du progrès social », renchérit Francine Blanche, secrétaire confédérale aux questions européennes CGT.

« Ce qui, en revanche, est inacceptable, insiste Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint en charge des questions internationales à la CFTC, c'est le chantage à l'emploi pratiqué par certains patrons, dans les pays occidentaux, mais aussi dans les pays émergents. C'est là que doit se porter notre combat. »

Le ton est plus sévère chez FO : « Il y a eu une confusion entre l'internationalisation des échanges et le libéralisme économique. La mondialisation est aujourd'hui dominée par les transactions entre multinationales », souligne René Valladon, secrétaire confédéral. Et encore plus virulent du côté de la CFE-CGC : « La mondialisation est avant tout financière : les flux des produits financiers de couverture sont infiniment plus importants que les échanges physiques, affirme Michel Lamy, secrétaire national. Et cet argent ne sert pas au développement des pays émergents. » Le syndicat des cadres propose donc de rétablir des droits de douane à l'encontre des pays qui ne respectent pas les conventions de l'OIT, qui viendraient alimenter un fonds international pour la scolarisation des enfants.

Les autres confédérations, si elles appellent également les Etats à reprendre du pouvoir face aux acteurs économiques, mettent davantage l'accent sur le rôle du syndicalisme international. « Le bon niveau d'interpellation est celui de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), et, demain, celui de la nouvelle organisation syndicale internationale, qui doit naître du rapprochement de la CISL avec la Confédération mondiale du travail, souligne Thierry Dedieu. Il s'agit de peser sur les organisations internationales et les gouvernements des pays émergents, afin que les salariés puissent s'organiser pour améliorer leurs conditions sociales. »

Normes sociales

L'un des enjeux est la reconnaissance, par les organisations non onusiennes (OMC, Banque mondiale, FMI), des normes sociales fondamentales* (NSF), définies en 1998 par l'OIT. « Alors qu'elle a longtemps été vue comme une «obscénité», la question est désormais devenue «posable», se félicite René Valladon. Même si les gouvernements des pays émergents persistent à refuser cette clause sociale. » Le respect des NSF a, cependant, été intégré dans les critères d'octroi de prêts de la Banque mondiale, ainsi que dans les «lignes directrices» pour les multinationales définies par l'OCDE (après consultation du Trade Unions Advisory Commitee ou TUAC). Par leur participation aux «points de contact nationaux», les syndicats nationaux sont, par ailleurs, garants de la bonne application de ces lignes directrices.

Comités d'entreprise mondiaux

Les multinationales représentent un autre champ d'action essentiel pour les syndicats français. Au sein de ces entreprises, les syndicats disposent de plusieurs outils. Tout d'abord, les comités d'entreprise européens, que quelques grands groupes ont élargis en des comités mondiaux. Ils se révèlent aussi un point d'entrée pour les syndicats qui n'y sont pas représentés, comme le montre l'expérience de coopération syndicale franco-mexicaine de Michelin (voir p. 15). Plus largement, les syndicats français tentent d'intensifier leurs relations bilatérales avec les syndicats des pays où sont implantés les grands groupes. (voir p. 14).

Accords-cadres internationaux

Last but not least, les syndicats tentent, peu à peu, de remplacer les «chartes de bonne conduite» (dont seulement 15 %, en 2002, intégraient les NSF) par des accords-cadres internationaux (ACI), relatifs à la responsabilité sociale de l'entreprise. A ce jour, une quarantaine d'entre eux ont été signés de par le monde. Du côté français, Accor, Danone, Carrefour, Club Méditerranée, Total, Rhodia, Renault et EDF en ont signé. Gaz de France et Lafarge sont également sur les rangs. Jusqu'à présent, ces accords étaient conclus avec les seules fédérations syndicales internationales. EDF et Renault ont toutefois fait le choix d'impliquer des syndicats nationaux, pour assurer un meilleur suivi.

« Ces ACI vont sans doute continuer à se développer, les multinationales préférant anticiper la contrainte, analyse Damien Doré, directeur d'études chez Entreprise & Personnel, qui a mis en place, l'été dernier, un club du dialogue social international. Malgré tout, certaines entreprises se posent la question du degré d'engagement qu'elles doivent prendre, craignant d'être prises en défaut dans certains pays, comme la Chine, où le simple respect des conventions OIT est très contraignant. »

* Normes sociales fondamentales : liberté d'organisation syndicale ; droit de négociation collective ; interdiction du travail des enfants ; interdiction du travail forcé ; interdiction des discriminations sexistes ou racistes.

L'essentiel

1 Acceptant la globalisation des échanges comme une donne incontournable, les syndicats français ont l'ambition de l'accompagner d'une mondialisation du progrès social.

2 Par leur action au sein des confédérations internationales et par des coopérations syndicales transnationales, ils s'efforcent d'imposer le respect, tant par les Etats que par les multinationales, des normes sociales fondamentales de l'OIT.

3 La signature, dans les groupes internationaux, d'accords-cadres sur la responsabilité sociale des entreprises leur permet également un meilleur contrôle des pratiques des employeurs.

Auteur

  • Sandrine Franchet