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les incertitudes du Contrat de professionnalisation

Dossier | publié le : 05.04.2005 | Laurent Gérard

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les incertitudes du Contrat de professionnalisation

Crédit photo Laurent Gérard

La mise en place du nouveau contrat de professionnalisation, qui remplace les contrats de qualification-adaptation-orientation, fait débat. Certains observateurs prédisent une catastrophe, d'autres arguent d'une nouvelle logique.

O fficiellement, à fin février dernier, 6 500 salariés étaient employés en contrat de professionnalisation, d'après la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale. Ils étaient 3 400 fin janvier 2005 ; 2 875 personnes sont entrées dans le dispositif en février, contre 2 026 le mois précédent. C'est bien moins que ce qu'espéraient les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, qui visaient plusieurs centaines de milliers. Le nouveau contrat de professionnalisation est-il d'ores et déjà un fiasco de la réforme ?

« On court à la catastrophe, confesse un directeur d'Opca interprofessionnel, sauf pour les branches qui ont une politique de CQP ancienne et claire. Ce contrat est inconnu et les entreprises attentistes ; l'offre de formation n'est pas prête à réduire ses produits aux nouveaux standards de la loi ; et les parents des jeunes susceptibles d'être intéressés par ce contrat ne sont pas culturellement prêts à priver leur progéniture d'un accès au diplôme. Au final, les Opca risquent de se trouver avec beaucoup de fonds inutilisés. »

Nouveau modèle économique

Un directeur d'Opca de branche atténue le propos : « C'est, en fait, tout le modèle économique qui change. Avant la réforme, malgré le racket du 35 % de reversement des fonds alternance aux Opca interprofessionnels, nous consommions à peine nos fonds alternance et poussions à la consommation. Aujourd'hui, la donne est tout autre. Il y a concurrence entre les entreprises consommatrices de contrats jeunes et celles qui veulent récupérer de la période de professionnalisation et du DIF. La gestion va être serrée, y compris en déportant vers l'apprentissage les contrats jeunes afin de récupérer du financement. C'est aussi pour cette raison que certaines négociations de branche avancent lentement : il faut trouver le bon compromis entre les différents secteurs. »

Rattraper les retards

D'autres Opca, en revanche, témoignent que leur nombre actuel de signatures de contrats de professionnalisation est à peu près dans la norme de ce qu'ils enregistraient auparavant, et que le deuxième semestre 2005, période classique de forte embauche en contrat d'alternance, devrait rattraper d'éventuels retards. S'il est donc un peu tôt pour parler de fiasco, on ne peut pas nier un certain patinage.

La loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle et le dialogue social a remplacé les contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation par le contrat de professionnalisation. Depuis le 16 novembre 2004, plus aucun de ces trois contrats ne peut être signé. Dans l'esprit des partenaires sociaux et des pouvoirs publics, cette réforme se justifie par le choix d'orienter toute formation initiale et diplômante vers le contrat d'apprentissage, et toute formation qualifiante d'insertion vers le contrat de professionnalisation. « Que les anciens contrats de qualification aient été à visée diplômante dans plus de 65 % des cas et aient donné un statut salarié à une poursuite d'études parfois très supérieures, était une déviance par rapport à la volonté d'origine d'offrir une deuxième chance aux jeunes les plus en difficulté », affirment-ils.

Embauches utiles

« Peut-être, répondent les organismes de formation opposés à la réforme. Mais, personne n'a forcé les entreprises à embaucher ces jeunes. C'est bien qu'elles y trouvaient leur compte. Et les jeunes se sont, à terme, intégrés dans le marché du travail. » Le tuilage entre les deux systèmes aurait certainement pu être mieux pensé : les priorités de branche sont, aujourd'hui, encore mal définies et restent illisibles pour les prestataires de formation, tout comme pour les jeunes. Sur l'ensemble des collecteurs de branche contactés, seuls neuf ont répondu.

Dérogations

Les stratégies visent cependant à l'assouplissement. Les branches multiplient les dérogations, et même le Fonds unique de péréquation (qui mutualise les fonds entre Opca et en fixe les contraintes), dans son relevé de décisions du 18 février dernier, accepte d'être sollicité pour « des dérogations visant des surcoûts dûment avérés ».

Financeurs et prestataires trouveront certainement un modus vivendi, y compris avec un coup de pouce des pouvoirs publics. Le vrai fiasco serait que les jeunes visés par cette réforme passent à côté. Ce qui, inévitablement, reposerait le problème.

L'essentiel

1 Seules 6 500 personnes sont en contrat de professionnalisation. Fin 2004, entreprises, prestataires de formation et jeunes, ne sachant pas ce que serait ce nouveau contrat d'alternance, se sont empressés de signer des contrats de qualification.

2 Les accords de branche multiplient les dérogations pour rendre opérationnel le contrat de professionnalisation. Mais l'ensemble du paysage est difficile à lire.

3 Les prestataires de formation critiquent le tuilage entre les deux formules de contrat, et interpellent les partenaires sociaux et les pouvoirs publics pour trouver une solution.

4 Reste que, au-delà des affaires de financement, le pari politique de cette réforme est de donner une chance d'accès au monde du travail aux jeunes qui en sont éloignés.

Auteur

  • Laurent Gérard