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Les Pratiques

1 217,88 euros brut pour tous les smicards

Les Pratiques | Point fort | publié le : 05.07.2005 | Anne Bariet

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La convergence des Smic à compter du 1er juillet 2005

Crédit photo Anne Bariet

Fini l'imbroglio des Smic multiples. Depuis le 1er juillet, les entreprises reviennent à un Smic unique : 1 217,88 euros brut pour tout le monde, soit une revalorisation de 5,51 %. Un bilan de cette revalorisation sera dressé en fin d'année.

C'était la dernière étape. Après six années de Smic multiples, avec les différentes GMR (garanties mensuelles de rémunération), la France revient à un Smic unique. Il est revalorisé de 5,5 1 %, soit une rémunération égale à 1 217,88 euros brut pour 151,67 heures. On n'a donc plus, comme en 1999, qu'un seul Smic, qui s'établit à 8,03 euros brut de l'heure.

Aucune surprise sur cette hausse : elle résulte de la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui avait fixé trois étapes pour harmoniser les différents salaires minima issus de la mise en place des 35 heures : le 1er juillet, date de la traditionnelle augmentation du salaire minimum, en 2003, en 2004 et en 2005 ; 2 360 000 personnes sont concernées par cette mesure. « C'est un véritable effort de rattrapage en direction du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes de notre pays, a indiqué Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, au cours d'une réunion de la Commission nationale de la négociation collective, le 28 juin. Le pouvoir d'achat du Smic horaire a crû de 11,7 % en trois ans. »

Mais les apparences sont trompeuses. Les salariés qui vont bénéficier de l'augmentation la plus élevée, 5,51 %, sont, en fait, ceux qui étaient payés à l'heure, autrement dit, les salariés des entreprises restées à 39 heures, et, plus marginalement, certains employés à temps partiel ou les nouveaux embauchés dans les entreprises à 35 heures (environ 1,5 million de personnes). Les autres (830 000), ceux qui percevaient jusqu'à présent une des cinq GMR, constateront sur leur fiche de paie une augmentation moindre. Ainsi, les salariés qui touchent la GMR la plus haute percevront une hausse atteignant seulement 1,7 %, calée sur l'inflation, et donc sans progression du pouvoir d'achat (voir tableau ci-contre).

Maintien du pouvoir d'achat

C'est justement le principal motif de mécontentement des syndicats, qui réclamaient un coup de pouce supplémentaire. « C'est un refus qui va être une nouvelle fois ressenti comme une grande injustice par les salariés les plus mal payés, a déclaré Maryse Dumas, de la CGT. Les 5,5 % annoncés représentent, en fait, une hausse de 40 centimes de l'heure, ce qui est tout à fait dérisoire. Rien ne va permettre de faire évoluer réellement le pouvoir d'achat, ni de redresser la situation pour les personnes concernées et pour la consommation, et donc l'emploi. » Pour FO, « les dernières annonces du ministre du Travail concernant le Smic sont un coup de plus porté aux salariés les plus mal payés de notre pays ». Pour la CFDT, cette hausse n'est qu'une « incitation pour les entreprises et pour les branches à donner un complément ».

Les syndicats sont d'autant plus demandeurs que les mobilisations interprofessionnelles qui ont eu lieu ces derniers mois ont été essentiellement axées sur la question du pouvoir d'achat et que les organisations syndicales demandent au gouvernement de faire pression sur le patronat pour l'ouverture des négociations salariales.

Le ministre a, de fait, insisté sur la « nécessité tout à fait essentielle » de poursuivre la révision des grilles salariales, la convergence des Smic, ces trois dernières années, ayant eu un effet de tassement sur les salaires. « Ce sont d'abord les salaires intermédiaires qui ont crû le moins dans le pays », a admis Gérard Larcher. En réaffirmant qu'il faut « que la négociation salariale dans les branches soit particulièrement active jusqu'à la fin de l'année ».

Négociations à l'arrêt

Mais, pour l'heure, plusieurs négociations restent au point mort. La FGTA-FO, Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes-FO, a, ainsi, lancé une pétition, rassemblant 5 000 signatures, au lendemain de l'échec des négociations salariales du 28 avril dernier. Lors de ces dernières, FO avait revendiqué une « revalorisation des salaires de 4 %, estimant que leur tassement dans la restauration collective repousse dans la précarité beaucoup de salariés ».

En revanche, à l'Ufih, l'Union française des industries de l'habillement, qui compte près de 80 % d'ouvriers, un accord, signé en avril 2004, a permis de prévenir l'harmonisation des GMR. « L'impact est douloureux, le secteur de l'habillement est un secteur qui souffre, mais ce n'est pas une surprise, indique-t-on à la fédération. L'avenant à notre convention collective a permis de revoir notre grille de salaires complètement obsolète, en corrélation avec le niveau du Smic. Tous les échelons ont été revalorisés. »

Le Medef agite, à nouveau, le chiffon rouge. Selon ses prévisions en 2001, le retour au Smic unique devait détruire 290 000 emplois ! Pour compenser cette mesure, le gouvernement avait, toutefois, prévu des allègements de charges sociales, de 1,3 Smic puis, en 2003, de 1,7 Smic. Changement cette année : le niveau de la rémunération horaire à partir duquel le montant de la rémunération générale des cotisations patronales de Sécurité sociale s'annule est, désormais, de 1,6 Smic pour l'ensemble des employeurs. Mais Dominique de Villepin souhaite aller plus loin : il a confirmé, dans son discours de politique générale, le 8 juin, la « suppression des charges patronales de Sécurité sociale au niveau du Smic, à l'horizon 2007 ».

En attendant, comment réagissent les entreprises ? « C'est très, très difficile, assure Jean-François Veysset, vice-président de la CGPME. Nous aurions préféré que l'ultime étape intervienne en 2007. Dans une petite entreprise, la revalorisation du Smic va entraîné irrémédiablement une réaction en chaîne sur l'ensemble des rémunérations pour éviter les trappes à bas salaires. Tous les salaires vont être tirés vers le haut. Autant dire que la période est mal choisie. Nous craignons - à moyen terme - une intensification des dépôts de bilan, des faillites, et de gros problèmes de trésorerie. »

Secteurs d'activité différemment touchés

Toutefois, pour Gérard Lassaut, expert-comptable au cabinet Audexor, tous les secteurs ne seront pas touchés de la même façon. « Les prestations qui sont très liées à l'heure facturée, telles que les services de proximité, garagiste, plombier, assistante maternelle, hôtellerie-restauration..., sont les plus pénalisées. A contrario, dans la production de services ou de biens, la réorganisation du travail a permis d'obtenir des gains de productivité qui ont absorbé le différentiel de coût. Or, les secteurs les plus créateurs d'emplois sont, actuellement, les services de proximité. C'est un problème majeur pour ces secteurs. »

Qui sont les gagnants ? Qui sont les perdants ? Pour faire le point, Gérard Larcher a demandé au directeur des relations du travail (DRT), Jean-Denis Combrexelle, un «bilan» sur les Smic pour la fin de l'année, afin de pouvoir mener « une réflexion collective » sur le sujet.

L'essentiel

1 Pour la première fois depuis 1999, la France retrouve un Smic unique : 1 217,88 euros brut pour 151,67 heures de travail.

2 Sur les 2 360 000 salariés concernés par cette revalorisation, 1 530 000, soit près des deux tiers des smicards, bénéficient à plein de l'augmentation de 5,51 %.

3 Les syndicats n'ont pas obtenu de coup de pouce supplémentaire. Le mécontentement est d'autant plus vif que les dernières mobilisations interprofessionnelles ont été essentiellement axées sur la question du pouvoir d'achat. Malgré les négociations salariales en cours, les branches n'ont pas encore toutes trouvé de compromis.

Auteur

  • Anne Bariet