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L'augmentation du prix de l'énergie impactera l'entreprise

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 15.11.2005 | Rodolphe Helderlé

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L'augmentation du prix de l'énergie impactera l'entreprise

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Le modèle économique des entreprises, leur mode de production et leur organisation seront de plus en plus impactés par l'augmentation du prix de l'énergie. Certains métiers vont devoir évoluer. Aux DRH de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ils ont aussi un rôle à jouer sur les déplacements professionnels.

E & C : L'augmentation du prix de l'énergie va impacter l'organisation des entreprises. Quelle va être, selon vous, son incidence sur les ressources humaines ?

Maximilien Rouer : Jusqu'à maintenant, les entreprises considéraient le coût de l'énergie comme une constante. Il va y avoir, désormais, une vulnérabilité croissante de celles-ci par rapport au prix de l'énergie. Une grande partie des entreprises vont devoir remettre en question leur modèle économique pour prendre en considération l'augmentation structurelle du prix de l'énergie et plus particulièrement celui du pétrole. Cela sous-entend de profondes réorganisations. Il va falloir repenser les business models, les chaînes d'approvisionnement, réfléchir à de nouveaux produits et à d'autres modes de production moins consommateurs d'énergie. Le tout en se diversifiant par des fournitures de services dématérialisés, par exemple.

Les entreprises qui n'anticipent pas vont agir en mercenaires en privilégiant l'optimisation de leurs actifs financiers au détriment de leurs responsabilités sociales. Elles se sépareront de leurs activités les plus impactées par les prix de l'énergie au dernier moment, avec une casse sociale majeure à la clé.

E & C : Comment les directions des ressources humaines sont-elles susceptibles de s'impliquer ?

M. R. : Pour les entreprises qui anticipent, il y a toute une stratégie d'accompagnement de ces réorganisations à mettre en place.

Certains métiers vont devoir évoluer. Il s'agit de préparer le passage de métiers industriels fort consommateurs d'énergie à des métiers industriels qui ne le seront plus. Il y a donc une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à mettre en oeuvre. Un travail de sensibilisation est également nécessaire.

Dans certains secteurs comme le transport aérien, par exemple, il y a, d'ores et déjà, une inquiétude des salariés par rapport aux impacts économiques de ces augmentations du prix de l'énergie. Les entreprises anglo-saxonnes commencent à avoir un autre cadre de référence sur le sujet. Ce n'est pas vraiment le cas en France.

E & C : Les déplacements professionnels représentent une part importante de la consommation énergétique. Cette fois, tous les secteurs d'activité sont concernés. Que pensez-vous des mesures prises par les entreprises pour limiter les déplacements ?

M. R. : Là aussi, les DRH ont un rôle important à jouer mais ils ne l'ont pas encore perçu. Il faudrait, par exemple, commencer par arrêter de fournir des voitures de fonction aux cadres. A charge, pour les DRH, de faire preuve d'imagination afin de remplacer cet avantage par un autre, en jouant sur la rémunération globale.

Dans la même logique, j'estime que le système des indemnités kilométriques est contre-productif, alors qu'il s'agit de limiter la vulnérabilité de l'entreprise. Et la majorité des déplacements professionnels suivent cette tendance. Concernant le télétravail ou les PDE (plans de déplacement d'entreprise), qui visent à réduire l'usage de la voiture, force est de constater que peu d'entreprises se donnent les moyens de faire vivre ces dispositifs, qui ressemblent à des mesurettes. S'ils ne sont pas présentés comme stratégiques, cela ne sert pas à grand-chose. Les directions de ressources humaines ont également tout intérêt à réfléchir aux moyens de rapprocher l'entreprise des bassins d'emploi. Il y a toute une réflexion à mener sur la reterritorialisation des emplois.

E & C : Considérez-vous l'intégration d'une stratégie de décroissance énergétique comme une urgence ?

M. R. : Les business models les plus rentables deviendront assez rapidement ceux qui auront anticipé la hausse structurelle du prix de l'énergie à très court terme - et bien avant dix ou vingt ans. Diminuer la consommation d'énergie par 5 d'ici à 2050 impliquerait une réduction de 3 % par an.

Un benchmark international nous indique qu'il est techniquement possible de rendre les mêmes services qu'aujourd'hui en consommant, selon les cas et les secteurs, de 2 à 20 fois moins d'énergie et de matière. Cela signifiera sans doute plus d'emplois... en remplacement de l'énergie économisée. Les entreprises françaises ont intérêt, dans ce domaine aussi, à s'intéresser aux évolutions de leurs concurrents anglo-saxons. Le pragmatisme bien connu de nos voisins leur permet, en effet, de s'adapter plus vite.

Le système totalitaire : les origines du totalitarisme, Hannah Arendt, Seuil, poche, 2005.

The Story of Martin Luther King, Angela Bull, Dorling Kindersley.

Les Yes Men, Andy Bichlbaum, La Découverte, 2005.

parcours

Ingénieur de formation, Maximilien Rouer est membre du Conseil national du développement durable et professeur associé de stratégie à HEC. Il intervient également à l'Institut Montaigne. Par ailleurs, il dirige le cabinet BeCitizen.

Il a contribué à l'ouvrage collectif Les nouveaux chemins de l'énergie (éd. Alphares, 2003), dans lequel il a écrit Le pic de la production de pétrole à l'horizon 2020 : vers une crise sociétale ?.

Il a coorganisé les «Etats généraux de l'entreprise et du développement durable», en juin 2005.

Auteur

  • Rodolphe Helderlé