logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Peu d'énergie autour du DIF

Enquête | publié le : 13.12.2005 | L. G.

Image

Où en est la mise en oeuvre du DIF dans votre entreprise ?

Crédit photo L. G.

La grande majorité des entreprises n'ont encore rien prévu pour gérer l'arrivée du nouveau Droit individuel à la formation, constate une étude CSA. DRH et représentants du personnel divergent sur les analyses.

«Les sanglots longs des négociations de l'automne blessent mon DIF d'une langueur monotone », soupirait, il y a peu, un vieux briscard des négociations de branche. Une vision poétique, confirmée par l'analyse plus froide de l'institut de sondage CSA, dans une enquête réalisée pour Alpha Conseil (1) : « Le droit individuel à la formation semble souffrir d'une certaine langueur », affirme le CSA.

Un sondage d'autant plus intéressant qu'il interroge aussi bien des DRH que des représentants du personnel. Ces deux populations ont, bien évidemment, des avis divergents, mais elles expriment également des positions semblables, même si celles-ci diffèrent en termes de degré.

Le premier domaine d'interrogation de ce sondage pourrait être défini prosaïquement par : « Votre entreprise s'y est-elle enfin mise ? ».

Mise en oeuvre

La question : « Où en est la mise en oeuvre du DIF dans votre entreprise ? » réserve une surprise. En effet, 54 % des DRH et responsables formation (DRH-RF) répondent que rien n'est prévu ou que la négociation prévue n'a pas commencé. Alors que les secrétaires de comités d'entreprise et les délégués syndicaux (SCE-DS) ne sont que 42 % a exprimé un constat identique. A l'inverse, 21 % des DRH-RF déclarent qu'un accord d'entreprise sur le DIF est entré en vigueur contre 37 % des SCE-DS.

Divergence d'appréciation

Les représentants du personnel seraient-ils plus optimistes que les représentants de la direction ? Non, il est possible, en réalité, qu'ils ne comprennent pas la même chose dans le terme «accord d'entreprise». On peut penser que les DRH-RF entendent ce terme au sens strict d'un accord formel suite à une négociation interne avec les partenaires sociaux. A l'inverse, ces derniers peuvent lui donner une signification plus floue : l'accord de branche vaut accord d'entreprise, ou bien, les modalités de gestion du DIF fixées par la direction (suite, au besoin, à une information des représentants du personnel, mais sans signature contractuelle) valent également «accord». Nombre d'entreprises ayant commencé à gérer la question du DIF sont d'ailleurs dans cette dernière situation : elles ont édicté des règles de gestion, mais elles refusent de les formaliser dans un acte cosigné avec les partenaires sociaux.

Cosignature

Cette divergence d'appréciation sur un accord d'entreprise formel s'atténuera peut-être avec le temps ; les représentants du personnel demandant, sans doute, de plus en plus souvent, que les modalités du DIF passent par une cosignature.

En attendant, sur le fond, les résultats de l'enquête traduisent une faible mise en route du DIF. Des chiffres qu'il faudrait, de plus, minorer pour les plus petites entreprises qui n'ont ni DRH ni représentants du personnel (lire l'article p. xx). A noter, ainsi, différentes variables : rien n'est prévu pour 27 % des DRH-RF de la région parisienne contre 34 % pour ceux des autres régions ; pour 39 % des entreprises de moins de 300 salariés contre 21 % pour les plus de 1 000 ; et pour 41 % de l'industrie contre 23 % des services.

Chez ceux qui déclarent avoir un accord, les modalités de consommation du DIF sont partagés en deux catégories : dans l'une, le salarié utilise son DIF quand il veut (43 % des DRH-RF et 40 % des SCE-DS) ; dans l'autre, tous les ans (42 % et 33 %).

La seconde possibilité traduit clairement la volonté des entreprises de ne pas accumuler des compteurs DIF qui deviendraient ingérables dans six ans. La première possibilité laisse à penser que ce point sera certainement réexaminé dans les deux ou trois premières années de vie du DIF.

Pour ceux qui déclarent ne pas avoir d'accord, les négociations sont prévues d'ici à la fin de l'année (73 % des DRH-RF et 55 % des SCE-DS). Mais pour respectivement 21 % et 31 % d'entre eux, il faudra attendre 2006 !

A qui profitera le DIF ?

Le deuxième groupe de questionnement a trait aux enjeux du DIF. En clair : « A qui profitera-t-il ? » Les réponses, sur ce point, ont nettement évolué depuis septembre 2004, date d'une précédente enquête. Les représentants de la direction et ceux du personnel pensent toujours que le DIF va profiter d'abord aux salariés, mais avec beaucoup moins de certitudes qu'en 2004 ! Le chiffre est tombé de 53 % à 43 % pour les SCE-DS, et de 79 % à 57 % pour les DRH-RF. Qui y gagne, alors ? Pour les SCE-DS, c'est l'entreprise (33 %) ; pour les DRH-RF, le gain sera partagé (33 %).

Coup de blues assurément pour les représentants du personnel. La longueur et la difficulté des négociations de branche, la rare transcription dans des accords d'entreprise, et les modalités de gestion du DIF visant à le faire absorber par le plan (ou l'inverse) ont quelque peu désenchanté ce nouveau droit à leurs yeux. A l'inverse, les directions d'entreprise étaient beaucoup plus pessimistes en septembre 2004. Depuis, l'idée d'un gain partagé les rassure. Une curiosité, cependant : les DRH-RF de la région parisienne sont davantage convaincus que leurs homologues des autres régions (64 % contre 52 %) que le DIF va profiter d'abord aux salariés.

La troisième source de questionnement concerne les freins supposés au DIF. Le fait que le DIF soit ouvert à tous les salariés est majoritairement vu par les représentants de l'entreprise (54 %) et par ceux du personnel (62 %) comme un élément favorisant sa mise en place : sa généralisation aura un effet d'entraînement.

L'obligation de négocier est perçue comme un élément assez neutre : ni vraiment favorable ni foncièrement défavorable. Les SCE-DS y portent cependant plus de crédit que les DRH-RF (48 % contre 28 %).

Les délais de mise en oeuvre sont également reconnus comme un élément assez neutre, mais pour les deux types de représentants les freins l'emportent quand même sur les avantages. La longueur et la difficulté des négociations de branche pour transcrire la réforme y sont certainement pour quelque chose.

Formation hors du temps de travail

Beaucoup plus problématiques, en revanche, sont la possibilité de formation hors temps de travail et son impact budgétaire. Sur le hors temps de travail, les SCE-DS sont presque majoritaires (45 %) à le considérer comme un frein, mais près d'un quart d'entre eux (23 %) y voient quand même un élément favorable. Ce taux est loin d'être négligeable, alors que la majorité des accords de branche ont réinscrit le DIF dans le temps de travail, à «front renversé» contre l'ANI de décembre 2003 et la loi du 4 mai 2004. Il augure, peut-être, d'une souplesse future.

Nouveau point de vue

De leur côté, les DRH-RF sont extrêmement partagés sur la question : quasiment en trois tiers. L'opportunité d'une formation hors temps de travail, qui semblait tellement évidente aux yeux des négociateurs patronaux en 2003, n'apparaît plus si désirable, ou si facile à mettre en place, pour nombre de praticiens RH de terrain. L'opposition des salariés et l'impact financier de l'allocation de 50 % du net expliquent ce nouveau point de vue. L'impact budgétaire, justement, constitue un frein pour une majorité de DRH-RF. Ce point a été maintes fois soulevé depuis plus d'un an. Cette crainte est, cependant, encore théorique. De nombreuses simulations financières ont été menées dans les entreprises, mais elles ne se sont pas encore réalisées. Cette réponse des DRH-RF montre surtout qu'ils craignent des dérives budgétaires, plus qu'ils ne les observent d'ores et déjà.

Cofinancement

Constat intéressant : un gros tiers des DRH-RF estiment qu'il n'y aura pas d'impact financier ou que celui-ci ne sera ni handicapant ni favorisant pour le DIF. Ce chiffre traduit, pour partie, une nouvelle maturité de certains DRH-RF en matière d'ingénierie financière de la formation : relations plus poussées avec les Opca, recherche systématique de cofinancements EDDF-EDEC et FSE...

Du côté des SCE-DS, les avis sur l'impact financier et son influence sur la réussite du DIF sont finalement très partagés. Réponse prévisible de cette population : 29 % y voient un frein. Mais, plus surprenant, 44 % d'entre eux considèrent cet élément financier comme neutre. Ce taux est difficile à analyser. Envisagent-ils le DIF comme une simple réorganisation-redistribution des financements formation actuels entre plan et DIF ? Nient-ils l'idée même d'impact financier ? Ce point sera à surveiller dans les mois qui viennent.

(1) Réalisé par téléphone du 24 au 30 août 2005 auprès de 402 DRH et responsables formation, et auprès de 406 secrétaires de comité d'entreprise et délégués syndicaux.

Accès à la formation : les cadres demandent davantage

Bien que plus d'un cadre sur deux reconnaisse avoir bénéficié d'une formation, diplômante ou non, au cours des années 2004 et/ou 2005, cette population a une piètre opinion de la politique formation de son entreprise. Presque la moitié d'entre eux (44 %) estime que cette dernière se limite au minimum légal, et seul un petit quart (24 %) juge leur entreprise « active et innovante » en matière de formation. C'est du moins ce qu'avance une enquête réalisée par le site emploi Keljob auprès de 648 cadres ingénieurs et cadres dirigeants, rendue publique en octobre dernier.

Pour 47 % des cadres interrogés, leur entreprise ne prend pas du tout, ou très peu, en compte, l'intérêt de ses salariés pour construire sa politique de formation ; 53 % indiquent d'ailleurs ne rien savoir, ou très peu de chose, sur le plan de formation. Cette méconnaissance concerne les dispositifs de formation eux-mêmes ; 61 % des cadres salariés indiquent ne pas connaître du tout, ou « assez peu », les possibilités de financement d'une formation ; 41 % d'entre eux ne connaissent « pas du tout » les possibilités offertes par la validation des acquis de l'expérience, alors que 18 % estiment « bien connaître le dispositif ».

A propos de l'organisation des formations, 43 % des cadres souhaitent qu'elles se déroulent pendant leur temps de travail ; 37 % plébiscitent les cours du soir et 18 % sont disposés à consacrer un congé sabbatique à une de ces formations. Un cadre sur deux se déclare « attiré » ou « intéressé » par l'utilisation du e-learning ; 10 % l'excluent totalement.

Auteur

  • L. G.