Dans notre imaginaire, la consommation de drogues évoque irrésistiblement l'image du junky avec son background de déchéance physique, de dépravation morale et de violence. Les recherches sur les consommations de drogues ont, jusqu'ici, concerné des populations minoritaires et désocialisées identifiées comme «à risque», tant du point de vue du comportement social que de la santé publique. Or, certaines personnes, moyennant le fait de parvenir à maîtriser leur consommation de psychotropes licites ou illicites de manière suffisante pour ne provoquer ni accidents ni incidents, continuent à s'inscrire dans le cadre social de l'emploi et d'une vie à peu près «normale».

Qu'en est-il de ces personnes qui travaillent et consomment des drogues ? Comment vivent-elles leurs paradoxes ?

Astrid Fontaine a rencontré une dizaine d'hommes et de femmes, âgés de 25 à 50 ans, intellectuels, journalistes, vendeurs ou ingénieurs, tous usagers de drogues, qui lui ont raconté leur parcours.

Ce qui ressort de ces témoignages est l'ambivalence du rapport à la drogue qui peut, tour à tour, s'avérer transgressif ou intégrateur puisque la drogue peut aussi être utilisée dans une perspective d'optimisation de la performance professionnelle. L'objectif de l'auteure était de réhabiliter ce savoir empirique sur la drogue, qui pourrait utilement venir enrichir les connaissances scientifiques.

Une approche étonnamment dépourvue de préjugés qui vient, entre autres, remettre en cause certaines représentations un peu trop vite entérinées. Pour Astrid Fontaine, loin de coïncider forcément avec l'image du raté, le drogué prend parfois la figure du super héros : celui qui réussit à maîtriser à la fois son rapport au plaisir et son rapport au travail.

Astrid Fontaine est ethnologue pour l'association Laboratoire de recherche en sciences humaines (LRSH). Elle est l'auteure de plusieurs études pour l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT).