Protéger la santé au travail est un exercice difficile. Concernant l'organisation du travail elle-même, les travaux de Christophe Dejours ont déjà mis en évidence la souffrance comme composante, non pas évitable, mais, au contraire, nécessaire à la performance professionnelle.

Par ailleurs, les maladies liées à l'amiante, qui devraient être à l'origine de 50 000 à 100 000 décès d'ici à 2030, interrogent l'ensemble du cadre institutionnel, la France ayant interdit l'emploi de l'amiante avec une génération de retard par rapport aux autres pays industrialisés. L'ambition de ce petit livre, réalisé par deux doctorants et un enseignant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), est de rappeler dans quel cadre historique se situe le problème de la santé au travail et d'aider à en comprendre les enjeux.

Pour les auteurs, la situation actuelle résulte de problèmes récurrents depuis une soixantaine d'années, mais qui ont tendance à être enfouis devant l'exigence patronale d'assurer un rendement maximal du salarié pour une usure minimale. Face à l'intensification et à la précarisation du travail renforçant les modèles de rentabilité, le discours alternatif de protection médicale des salariés a du mal à s'imposer. Tout laisse à penser qu'on assiste, aujourd'hui, à une sous-déclaration des maladies professionnelles et que la branche maladie de la Sécurité sociale prend largement en charge des maladies qui devraient être couvertes par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale de financement patronal.

Au-delà de ces aspects financiers, les auteurs soulignent les inégalités professionnelles devant la mort, plus marquées que chez beaucoup de nos voisins européens, et interrogent le fonctionnement et les valeurs du système social qui expliquent cette disparité.