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Enquête

« Sans croissance, les marges de manoeuvre sont inexistantes »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 23.05.2006 | A. B.

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« Sans croissance, les marges de manoeuvre sont inexistantes »

Crédit photo A. B.

E & C : Pourquoi la politique française de l'emploi à l'égard des jeunes ne porte-t-elle pas ses fruits ? Quels sont les blocages ?

F. L. : Voilà trente ans que les pouvoirs publics étendent l'arsenal des mesures sans véritablement réussir à mordre sur le chômage des jeunes, deux fois et demie plus élevé que le taux global. Pire encore, celles-ci ne corrigent pas les inégalités d'accès au marché du travail. Ce sont les jeunes déjà formés qui accèdent aux dispositifs les plus efficaces en terme d'emploi : 65 % des titulaires d'un contrat de professionnalisation ont au moins le bac. Et ces contrats dérogatoires représentent 40 % des emplois des jeunes, qu'il s'agisse du secteur public ou du privé ! Soit, au total, 15 milliards d'euros d'exonération de charges, dont la Cour des comptes attend toujours une évaluation sérieuse !

E & C : Au vu de la situation européenne, quels sont, à votre avis, les dispositifs les plus performants ?

F. L. : Partout en Europe, le taux de chômage des jeunes reflète le taux de chômage global. C'est donc d'abord en agissant sur la croissance dont dépend l'emploi que l'on fera durablement changer les choses. Au Royaume-Uni, on parle beaucoup de flexibilité, mais ce sont surtout les fortes créations d'emploi dans le secteur public, sinistré par l'héritage thatchérien, qui ont permis de dynamiser le marché du travail. Dans les pays scandinaves, la formation et l'emploi des jeunes font l'objet de solides compromis négociés entre acteurs sociaux. La mobilité sur le marché du travail y est fortement sécurisée par un haut niveau de protection sociale et de qualification de la main-d'oeuvre.

E & C : Ces dispositifs sont-ils transposables en France ?

F. L. : Tout d'abord, le défi de l'emploi doit être relié à celui de la politique macro-économique : sans croissance, les marges de manoeuvre sont inexistantes. Combattre la formidable précarisation dont les jeunes sont victimes est au centre du second défi. L'Education nationale a son rôle à jouer : 20 % de jeunes sortent encore, chaque année, sans diplôme. Le statut d'emploi lui-même est à réinventer : se former tout au long de sa vie, changer d'employeur, se consacrer pour un temps à la vie familiale ou associative, le tout sans risquer la précarité, cela conditionne l'efficacité même de notre appareil productif, mais cela nécessite de doter les salariés de nouveaux droits. Il est urgent d'ouvrir une véritable négociation sociale sur ces défis.

Auteur

  • A. B.