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Les Pratiques

Les experts mandatés mieux acceptés par les directions

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 06.06.2006 | Patricia Sudolski

L'époque où les DRH voyaient les experts-comptables nommés par les comités d'entreprise comme des intrus est révolue. C'est ce que montre une enquête réalisée par l'ordre des experts-comptables d'Ile-de-France à l'occasion des 60 ans des CE.

Mandatés par les comités d'entreprise (CE) pour lire les comptes de l'entreprise, les experts ont longtemps eu une image négative auprès des directions. « C'est en train de bouger, ils ont acquis un rôle d'expertise sur le marché qui a élargi leur vue, constate Rémy Savanne, directeur des affaires sociales chez Sogeti, filiale de Capgemini. Nous ne les percevons plus comme des petits chefs frustrés qui veulent en découdre avec l'entreprise. »

Perception positive

Ce constat est le principal enseignement de l'enquête sur les CE présentée, le 18 mai, par les experts-comptables d'Ile-de-France, à l'occasion de leur colloque célébrant le «60e anniversaire de la loi du 16 mai 1946»*. Cette «Enquête sur la perception des experts-comptables» a été adressée à près de 5 000 DRH et responsables de CE (12 % des DRH et 89 % des responsables ont répondu ; les plus concernés étant ceux d'entreprises de plus de 1 000 personnes).

Donner un sens à la restructuration

Aujourd'hui, les DRH attendent prioritairement des experts-comptables qu'ils favorisent le dialogue social et qu'ils interviennent en cas de crise. Depuis les lois Auroux qui ont ouvert le champ de la prévision économique et sociale aux experts, chacun a appris à s'estimer. Pour Claudine Vergnolle, vice-présidente de l'ordre des experts-comptables de Paris-Ile-de-France, les comportements ont changé : « En 1978, au moment de négociations salariales très dures, le CE des usines Chausson, à Creil (Oise), a eu recours à mon cabinet pour expliciter les comptes annuels. Quand j'ai demandé des informations au DRH sur les dix plus gros salaires de Chausson, sa réponse a été l'intimidation. Aujourd'hui, je travaille pour une filiale de Bosch, j'ai été mandatée par le CE pour accompagner une restructuration en cours. Tout au long de l'expertise, le DRH a voulu que ça se passe bien et vite. Son objectif a été de donner du sens à la restructuration. On est passé d'un PSE a minima à un PSE correct. La résistance passive au changement, qui peut être catastrophique pour la survie de l'entreprise, a été évitée. »

Néanmoins, sur les 11 milliards par an gérés par les CE, seuls 5 % financent leurs prérogatives économiques. « L'appel à un expert est encore mal vu par les directions, estime Alain Lauden, vice-président de la fédération communication de la CFTC, mais l'analyse économique permet aux syndicalistes de rendre des avis pertinents. Aussi, la tendance va vers la reconnaissance des experts. »

Des DRH plus tolérants

Le mouvement est double. Les experts eux-mêmes ont évolué, estiment les DRH. « Ils sont plus tolérants, plus ouverts, constate un conseiller en charge des relations sociales auprès de la présidence d'un grand groupe. Ils ont accumulé une expérience qui leur permet de relativiser les situations, ils se vivent davantage comme des consultants au profit du CE que comme des donneurs de leçons. » De son côté, l'employeur y voit un intérêt. « Les directions, poursuit-il, ont compris que l'expert pouvait expliquer des choses aux élus qu'elles-mêmes ne pouvaient faire passer auprès d'eux. Elles espèrent que l'expert, en explicitant leur démarche, leur permettra d'emporter le morceau. » Ainsi, les directions, pour consolider leur dossier au moment où le comité d'entreprise est consulté sur des procédures économiques et sociales, voient-elles d'un oeil favorablement les demandes d'expertise. Dès lors, ces dernières n'apparaissent plus comme des dépenses inutiles.

8 000 CE ont recours à un expert-comptable

Devenu priorité numéro un des CE, l'emploi est, aujourd'hui, au coeur de la question des expertises. « L'anticipation des chocs préoccupe désormais les organisations syndicales et les CE, affirment Pierre Ferracci et Jean-Luc Scemama, experts-comptables, car les restructurations sont permanentes. » Pourtant, sur les 22 000 à 24 000 CE existants, seuls 8 000 ont recours à l'expert-comptable. C'est qu'en entreprise, le savoir est encore sacré. « Les DRH voient l'expert comme un élément positif de leur relation au CE tant qu'il s'agit de négocier les termes de l'application pratique de la gestion, dit Rémy Savanne, mais il n'est pas question de discuter de la stratégie. »

* Cette loi définit les prérogatives économiques des comités d'entreprise et le recours à l'expert-comptable.

Les missions de l'expert

« Nos interventions à la demande du CE sont encadrées par la loi, développe Gérard Lejeune, expert. En 1946, elle nous a confié l'analyse des comptes annuels. En 1967, la vérification de la participation. Puis, en 1984, l'analyse des comptes prévisionnels pour les entreprises de plus de 300 salariés. En 1984, le droit d'alerte a été institué, permettant un recours à nos analyses en cas d'inquiétude sur la pérennité de l'entreprise. En 1986, ce recours a été étendu en cas de plan social. »

« Notre expertise, précise Jean-Luc Scemama, expert, commence toujours par un diagnostic sur l'environnement économique de l'entreprise - l'activité, le groupe, les produits, le coût de l'énergie... Ensuite, nous faisons un diagnostic financier - rentabilité, perspectives. Enfin, on traite l'élément social. »

Auteur

  • Patricia Sudolski