Le gouvernement ne cesse de se féliciter de ses avancées sur le front du chômage. Le nombre de demandeurs d'emploi est censé baisser à peu près régulièrement depuis plusieurs mois. Sur le terrain, la réalité est nettement moins enthousiasmante. Une bonne partie de l'activité des conseillers de l'ANPE consiste à sortir de la liste les demandeurs d'emploi pas assez motivés ou pas assez diligents quand il s'agit d'accepter des offres qui ne leur conviennent pas. A moins, tout simplement, que le fait d'accepter de se rabattre sur un emploi partiel ou temporaire ne les fasse sortir tout naturellement de la liste des demandeurs d'emploi dûment comptabilisés comme chômeurs par les services de l'Etat. Comme les autres agents ANPE, l'auteur se livre chaque jour à des prouesses non dénuées d'hypocrisie pour présenter comme attractives aux demandeurs d'emploi des offres de seconde zone insuffisamment nombreuses pour le nombre de candidats. Elle a pris le parti de dénoncer cette gymnastique de haut vol qui consiste à mentir le plus officiellement du monde sur une situation de l'emploi qui ne cesse de se dégrader, tout en se gardant bien d'écouter vraiment les chômeurs puisque l'institution n'a en fait rien à leur proposer. A l'ANPE, le mot «client» a certes remplacé celui, moins tendance, «d'usager», mais ce «relookage» dans les termes n'a rien arrangé, loin s'en faut, à la situation des chômeurs. Fabienne Brutus fait le point sur les chiffres, les concepts et, surtout, sur les intérêts politiques qui conduisent à déformer systématiquement la réalité pour gagner de l'audience en vue des élections.

Agée de 31 ans, l'auteure est conseillère pour l'emploi à l'ANPE. Chargée de recevoir quotidiennement les demandeurs d'emploi (DE en langage administratif), elle a pris sur elle de sortir du devoir de réserve imposé par la fonction publique au risque de se retrouver elle-même à nouveau sur la liste des demandeurs d'emploi.